Les informations relayées dans la presse et les réseaux sociaux faisant état de ce que les rebelles en provenance de la RCA ont attaqué le Cameroun à Mandjou dans la région de l’Est sont non fondées. Après vérification, il s’agit des tirs de sommation pour disperser une foule le 08 Mars 2021.

« Insécurité : l’armée camerounaise repousse une attaque des rebelles centrafricains à Mandjou dans la région de l’Est ». Telle est l’information parue dans le quotidien le Jour du mercredi 10 mars 2021 et en sous-titre on peut lire : « Ces assaillants ont fait une incursion sur le territoire camerounais dans la nuit du 8 au 9 mars 2021 et ont fait face à une riposte vigoureuse des soldats camerounais ». Ces informations ont été reprises dans leur intégralité par des sites d’information en ligne notamment cameroun-info.net, Agence Cameroun Presse (ACP) et plusieurs groupes WhatsApp.

Des vérifications effectuées dans la ville de Mandjou, il ressort qu’il n’y a jamais eu d’attaque des rebelles centrafricains dans cette localité. « Il y a eu des tirs de sommation vers 2 heures du matin pour disperser une foule qui faisait résistance aux éléments de la police qui voulaient fermer le bar nommé « Repère des amis » situé au grand carrefour », affirme Joseph N., un témoin oculaire de la scène.

Cette version est confirmée par des sources sécuritaires locales. « Lors de la journée du 08 mars 2021, plusieurs débits de boisson ont outrepassé 22 heures, l’heure réglementaire de fermeture des bars et ont continué à fonctionner avec de musiques assourdissantes. La police est donc descendue pour faire respecter la loi. Sur place, il y avait des militaires qui ont refusé d’obtempérer. Ajouté à ceux-ci, des jeunes Bororos qui faisaient aussi de la résistance. Tout ceci a donc provoqué un grand attroupement bloquant ainsi la voie publique », explique la police à Mandjou, localité située à au moins 200 kilomètres de la frontière avec la RCA.

 

Selon la police, « pour décanter la situation, le commissariat de sécurité publique de Mandjou a fait appel au Groupement mobile d’intervention (GMI) N°7 de Bertoua. Arrivés sur les lieux, ces éléments de renfort ont fait des tirs de sommation pour disperser la foule et libérer la voie publique, notamment, la route nationale N°10 qui relie le Grand-Nord, la République Centrafricaine et le Congo », affirme-t-elle.

Crise sécuritaire

Pour la société civile, notamment le Moabi Think Tank, une Association de plaidoyer et de veille sur la région de l’Est, « affirmer que les rebelles ont attaqué dans la ville de Mandjou qui ne partage pas directement la frontière avec la RCA est une hérésie ». Le coordonnateur de cette organisation, Bernard Bangda, soutient que « nous sommes certes dans un processus de demande de création de nouvelles unités administratives pour renforcer le dispositif sécuritaire sur le terrain mais nous devons reconnaître que celui actuellement en place donne quelques satisfactions. Son imperméabilité dissuade toute velléité de groupes armés centrafricains ».

 

Cette information fait le tour des médias au moment où le Cameroun gère une grave crise sécuritaire à sa frontière- Est avec ce pays voisin, en proie à une crise politico-sécuritaire. Il s’agit du maintien de la sécurité dans les villes frontalières comme Garoua-Boulaï et Kentzou, victimes des affres de la rébellion en RCA caractérisés par un flux massif des populations. « A date, la population de la ville de Garoua-Boulaï est estimée à environ 30. 000 âmes. Avant le 23 décembre 2020, la population des réfugiés centrafricains du camp de Gado-Badzéré était de 26.000 et depuis la nouvelle crise en RCA, Garoua-Boulaï a déjà accueilli plus de 5000 nouveaux réfugiés. Ce qui porte le nombre de la population réfugiée à environ 31.000 âmes », a affirmé Adamou Abdon, maire de la commune de Garoua-Boulmaï.

 Assassinats

Certes, depuis le déclenchement de la crise actuelle suite à l’élection présidentielle du 27 décembre 2020, les rebelles de la RCA n’ont pas encore commis des gaffes sur le sol camerounais grâce au dispositif sécuritaire déployé dès le début de la crise par le gouvernement. Mais cette victoire ne doit pas occulter la capacité de nuisance des rebelles centrafricains. Des actes qui se traduisent par les enlèvements, les assassinats, le vol de bétail et les prises d’otage pour demander les rançons par la suite.

 

Au mois de mars 2015, une bande armée a enlevé 16 camerounais à Bodio, localité de l’arrondissement de Garoua-Boulaï. Le maire de Lagdo et tous les membres de sa délégation, victimes de ce rapt étaient de retour d’un deuil dans la région de l’Est. Il aura fallu beaucoup de tact et de négociation pour que les victimes retrouvent la liberté après plusieurs mois en captivité. Avant cela, au cours de la seule année 2014, plus de 15 cas d’enlèvement impliquant des centaines des victimes ont été enregistrés sur la longue et poreuse frontière entre le Cameroun et la RCA. La situation de tension actuelle en RCA nécessite ainsi une vigilance accrue.

Sébastian Chi Elvido à Bertoua