Depuis près de deux semaines, une nouvelle abondamment relayée sur les réseaux sociaux et notamment WhatsApp annonce une baisse de la production dans cette entreprise brassicole, entrainant au passage, l’importation frauduleuse des produits Guinness sur le sol camerounais. Cependant Diageo confirme avoir procédé à une importation régulière de substitution à partir du Nigéria voisin.

Voici près de deux semaines déjà qu’une publication de la Fondation camerounaise des consommateurs (Focaco) fait le tour des réseaux sociaux. Elle est surtout abondamment relayée dans les groupes privés et professionnels sur WhatsApp. 

La publication est une sorte d’alerte sur la baisse de la production de Diageo Guinness Cameroun. En effet, sur la page de la fondation l’on peut lire : « Baisse de la production : Diageo Guinness Cameroun encourage la contrebande en important des produits finis depuis le Nigéria ? ». En effet, lit-on, « il est inconcevable que l’entreprise Diageo importe à des coûts très avantageux les produits « petites Guinness » depuis le Nigéria pour les écouler sur le marché camerounais, dégageant ainsi des marges considérables sur le dos des consommateurs. Une telle pratique encourage la contrebande. En ce début de semaine (semaine du 9 juillet 2021, Ndlr) encore, la douane camerounaise a saisi, à Karata dans la région du Sud-Ouest, 504 bouteilles de Guinness importées en contrebande du Nigéria »

Dans la suite du post, la Focaco annonce la tenue d’un « point de presse sur le sujet pour attirer l’attention des consommateurs et les appeler à la vigilance ». La publication s’accompagne de de deux photos qui laissent voir des casiers et cartons de bouteilles de petites Guinness. Sur le compte officiel Facebook de la Focaco, la publication n’est plus en ligne au moment où nous allions sous presse. Joint, le président de la Focaco Alphonse Ayissi Abena reconnaît avoir supprimé la publication par soucis d’approfondir l’enquête sur le sujet. « Il y a des éléments qui nous manquait. Nous sommes encore en pleine enquête. Nous collectons encore pour revenir avec un autre pos », révèle Alphonse Ayissi Abena. 

Seulement, d’après Diageo Guinness Cameroun contacté par Datacameroon, il s’agit d’une fausse nouvelle. « C’est une fausse information. C’est écrit par quelqu’un qui voulait attirer l’attention sur lui. Parce que c’est un gars qui est président d’une association de consommateurs que nous connaissons. On travaille d’ailleurs avec différentes associations qui sont là pour protéger les droits des consommateurs. De temps en temps, ils viennent vers nous pour savoir ce qu’on fait. Il y a des moments où un client se plaint d’un de nos produits, ils viennent vers nous », explique Georges Ndiloseh, responsable des relations institutionnelles à Guinness Cameroun. Il poursuit, « c’est comme ça que ces associations fonctionnent. Et je connais ce monsieur. Il a même nos contacts. Mais malheureusement, j’étais surpris de voir l’autre jour cette publication. Et je l’ai appelé immédiatement pour lui dire que vous avez une information, que vous voulez publier. Nous sommes là, vous ne venez même pas vers nous pour avoir la vérité. Il a répondu qu’il n’a pas à chercher l’information, on devait venir avec l’information vers lui ».

Maintenance

D’après les explications Georges Ndiloseh, l’entreprise Guinness Cameroun fait partie d’une multinationale qu’on appelle Diageo globalement. Une structure qui a des branches un peu partout dans le monde. Ici au Cameroun, il y a une certaine catégorie de produits qui sont fabriqués et certains sont importés directement. La plupart c’est des spiritueux comme Johnny Walker Black. Mais maintenant, parmi ce qui est produit ici, il peut avoir des moments où il y a un problème technique ou bien comme ce qui se passe actuellement, on a une période de 4 à 6 semaines pendant laquelle on doit faire le nettoyage, la maintenance des différents appareils qui sont utilisés dans nos lignes de production. Et tout ça, c’est pour permettre à ce que les produits qui sortent à la fin de tout ce processus, soient des produits de bonne qualité. Donc, il faut maintenir ces appareils-là. Et pendant que cela est fait, le marché ne peut pas rester vide. Sinon, c’est la porte ouverte aux produits de contrefaçon estampillés au nom et couleurs de la marque. Alors, « on est allé vers l’entreprise Diageo qui est au Nigéria, on pouvait aller au Ghana (ça dépend de la proximité), pour dire qu’on veut tel nombre de produits qui va nous permettre de maintenir. Donc on a demandé à notre entreprise sœur de nous donner une quantité limitée, bien identifiée. On ne l’a pas fait comme ça. Il y a une manière de le faire. Nous sommes dans une république et on ne se lève pas n’importe comment pour importer ». 

Et de poursuivre, « Tu dois passer par la douane, par la Sgs (Société générale de surveillance) qui est une société agrée par l’Etat et par l’Anor. L’Anor c’est notre agence de la norme et qualité au Cameroun. Tu dois importer un produit et vendre au Cameroun ça doit avoir un certificat de conformité », explique Georges Ndiloseh. Avant d’ajouter, « nous avons suivi tous ces processus. Nous avons importé les bières par le Port autonome de Kribi. Des boissons sont entrées compte tenu du fait qu’on a une frontière un peu ouverte, et les produits peuvent passer n’importe où pour entrer au Cameroun, nous avons entré pour nous par Kribi pour qu’on puisse contrôler. Nous avons enregistré les numéros de série et tous les éléments qui permettront à ce que, les contrôleurs du ministère du Commerce puissent faire la différence entre la Guinness que nous avons importée et ce que les fraudeurs peuvent faire venir dans le marché »

Et toujours selon les explications du responsable des relations institutionnelles, impossible de transporter les produits de Guinness dans la malle d’une voiture. Du port, ils sont transportés dans nos camions. « Ce sont sans doute des images antérieures d’une saisie des produits contrefaits ou de contrebande qui ont servi à illustrer ce post qui n’a rien de vrai », souligne Georges Ndiloseh. Cette fausse nouvelle intervient presque trois mois après le démantèlement d’un gang spécialisé dans la fabrication frauduleuse des produits Guinness par les éléments de la gendarmerie de Nkolouloun à Douala.

Marthe NDIANG