Des images partagées sur les réseaux sociaux, notamment Facebook et Twitter présentent un médicament contre le coronavirus avec sur l’emballage l’inscription « Not for distribution in US, Canada or EU ». Après vérification, ces images ont été manipulées pour faire croire qu’il s’agit d’un médicament qui sera testé sur les africains.

Les images de deux médicaments contre le coronavirus circulent sur Facebook, entre autres sur la page Humanités Classiques-Africaines qui totalise plus de 83.000 fans et qui est suivie par plus de 115.000 personnes. Intitulée « LE SPÉCIAL AFRIQUE ? », la publication est accompagnée d’une image qui présente un flacon d’un médicament nommé Covifor et d’un emballage d’un autre médicament, nommé Jubi-R. Les deux images ont deux choses en commun : sur chacune, on peut lire « Remdesivir for Injection », et en dessous l’inscription « Not for distribution in US, Canada or UE ».

Les commentaires qui accompagnent les images sont sans équivoque : selon les auteurs, il s’agit de médicaments qui seront testés sur les africains, d’où l’interdiction de vente dans certaines zones du monde. Pire, le médicament aurait pour but non pas de guérir, mais de tuer les africains qui serviront de rats de laboratoire, comme on peut lire sur l’image.

Images manipulées

Une première recherche inversée des images utilisées dans la publication ayant été infructueuse, nous avons refait la recherche sur Google Images en associant à l’image le mot clé « Covifor ». Cette fois-ci, nous avons retrouvé plusieurs images présentant le flacon du médicament. Parmi les images retrouvées, certaines étaient les mêmes que sur la publication Facebook, mais certaines avaient un texte totalement différent.

Nous avons retrouvé une image présentant plusieurs boîtes de Covifor dans un coffret de 6, plusieurs images de l’emballage du Covifor et des images du flacon du même médicament sur lesquelles l’inscription était différente de cette présentée sur Facebook. En effet, le Covifor n’est pas seulement interdit aux USA, au Canada et en UE. Le médicament, selon l’inscription portée sur les emballages, sur le flacon et sur le coffret, est autorisé uniquement en Inde, son pays de fabrication. Sur les images, on peut lire la mention « For Use in India Only. Not for Export ». Quant au Jubi-R, une simple recherche du mot-clé sur Google présente des images de l’emballage du médicament avec, au lieu de la mention affichée sur Facebook, l’inscription « For India Only ».

 

Le Remdesivir, utilisé aux USA et autorisé en Europe

Comme mentionné plus haut, les deux médicaments présentés ont en commun le fait qu’ils contiennent du Remdesivir. Selon Wikipédia, le Remdesivir « a été développé par le laboratoire Gilead Sciences initialement pour traiter la maladie à virus Ébola ». À cause de ses effets sur d’autres virus dont le SARS-CoV et suite à des résultats positifs sur un patient atteint de Covid-19 des études ont été menées pour analyser ses effets sur le coronavirus.

Le 3 juillet, le médicament est autorisé sur le marché européen suivant la recommandation faite quelques semaines plus tôt par l’Agence Européenne des Médicaments (EMA), sous le nom de produit Veklury. Mais avant cela, en début mars 2020, le Remdesivir avait déjà été utilisé aux Etats-Unis dans le traitement du Coronavirus, même si certains chercheurs ont émis des réserves quant à son efficacité.

Covifor et Jubi-R, « For India Only »

Le Covifor et le Jubi-R sont des médicaments produits en Inde par deux laboratoires, notamment Hetero Healthcare pour le Covifor et Jubilant Generics pour Jubi-R. Selon un article publié sur le site Hindustan Times et confirmé par un autre article publié par The Hindu, le laboratoire américain Gilead Sciences a accordé gratuitement la licence non-exclusive aux laboratoires indiens pour la production et la commercialisation du Remdesivir.

En juin et juillet 2020 respectivement, les laboratoires Hetero Healthcare (lire ici) et Jubilant Generics (lire ici) ont reçu de l’organisme indien de contrôle des médicaments, le DCGI (Drug Controller General of India), l’autorisation de produire et de commercialiser le Covifor et le Jubi-R pour le traitement des cas urgents de Covid-19, en restreignant son usage à l’Inde. Ceci explique les mentions portées sur les flacons, et emballages qui précisent que l’usage des médicaments est limité à l’Inde.

Les africains, les cobayes des grandes firmes ?

La publication de ces images manipulées intervient quelques temps après qu’une rumeur annonçant des tests de vaccin anti-coronavirus dans plusieurs pays d’Afrique ait circulé. Selon ces informations, les puissances étrangères avaient imposé à certains pays d’Afrique. L’information qui s’était avérée fausse par la suite, avait créé beaucoup de remous dans nombreux pays d’Afrique. C’est le même argument qui accompagne les images qui laissent croire qu’une fois de plus, l’Africain servira de rat de laboratoire pour le test des deux médicaments. Ce qui n’est absolument pas le cas, du moins en ce qui concerne le Remdesivir ou les médicaments Covifor et Jubi-R.

Fotso Fonkam

Travaux réalisés avec le soutien de #Defyhatenow dans le cadre de l’#AFFCameroon avec l’appui technique de DataCameroon