[Fact-Checking] : Non, l’élève qui a tué son enseignant au lycée de Nkolbisson n’a pas encore été jugé

Une publication faite dans plusieurs groupes facebook et dans certains médias en ligne depuis le 23 janvier 2020 notamment 237online.com indiquent que l’élève qui a tué son enseignant au lycée de Nkolbisson a écopé de 3 mois d’emprisonnement. Après vérification, il n’en est rien.

9 jours après le drame produit au lycée de Nkolbisson, la toile s’est enflammée laissant croire que l’élève qui avait assassiné son enseignant a été condamné à 3 mois de prison comme ici sur facebook :https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=2571177246483762&id=100007745354031. Plusieurs médias en ligne ont relayé cette nouvelle à l’instar de 237Online https://www.237online.com/cameroun-leleve-tueur-denseignant-ecope-de-3-mois-demprisonnement/. Dans la matinée du 27 janvier 2020, une radio, émettant à Douala, a traité le sujet et ouvert son antenne aux auditeurs qui jugeaient cette condamnation.

Joint au téléphone, le commissaire Nnang indique qu’après sa garde à vue au sein de son commissariat à Nkolbisson, Brice Bisse Ngosso à été transféré à la Division régionale de la Police Judiciaire du Centre après un détour par le Commissariat Central N° 1. Il a été présenté au procureur le 21 janvier 2020 avant d’être mis sous mandat de dépôt à la Prison de Kondengui à Yaoundé où il séjour en attendant son jugement. A la question de savoir si on peut juger quelqu’un pour un crime en une semaine, nous avons décidé de faire une inquisition dans le système judiciaire au Cameroun pour comprendre le processus de condamnation d’une personne jugée pour crime.

Nous avons d’abord contacté Christophe Bobiokono, le directeur de publication du journal Kalara, un hebdomadaire spécialisé dans l’information juridico-judiciaire au Cameroun. Pour lui, cette nouvelle ne peut être possible. « C’est un crime et donc il faut obligatoirement l’information judiciaire. L’information judiciaire prend du temps », précise – t-il.

Un avis soutenu par maître Claude Assira. Le maître de Conférences à l’Université Catholique d’Afrique Centrale (UCAC) et avocat spécialiste du droit des personnes, du droit des affaires et du droit pénal est notre expert. A la question de savoir si une telle condamnation peut être possible, l’avocat précise qu’« on ne peut pas juger quelqu’un en une semaine. Ce n’est pas possible. Cette condamnation que vous indiquez ne me paraît pas non plus conforme à un certain nombre de choses. C’est une procédure qui ne peut pas aboutir avant au moins un an ou un an et demi, le temps de l’instruction. Même sans être dans ce dossier, je n’imagine pas du tout que ce dossier ait pu donner lieu à une condamnation ».

La nécessité d’une information judiciaire

Le processus pénal n’est pas le même quand une infraction à été commise. Selon le code pénal, leCamerouncompte 3 types d’infraction à savoir la contravention, le délit et le crime. Le cas qui nous concerne ici est un crime et l’auteur est mineur. « Théoriquement pour ces deux raisons, le procureur est obligé d’ouvrir une information judiciaire. Par conséquent, il saisit le juge d’instruction et demande à la police judiciaire de faire une enquête. Le juge met en place des conditions de l’instruction qui dure beaucoup de temps. A savoir, entendre les parties, connaître les conditions dans lesquelles les choses ont pu se faire, déterminer les causes, le modusoperandi, tout ceci prend du temps. Il faut au minimum entre 1 et 2 ans pour une information judiciaire simple », explique maître Claude Assira.

Après l’information judiciaire, le juge d’instruction constate si les faits sont établis et si ces faits sont rattachables à la personne qui lui est présentée. Une fois cette étape faite, le juge rend une ordonnance de renvoi devant le tribunal de Grande instance et la personne est jugée devant le tribunal. Si les éléments ne sont pas établis, le juge rend une ordonnance de non lieu et la personne n’est pas poursuivie.

Ce que risque l’élève

En termes de condamnation, une chose est claire dans la loi. L’élève ne peut pas être condamné à mort car il est mineur. Il bénéficie de ce qu’on appelle « l’excuse atténuante de minorité », précise maître Assira. C’est à dire que les peines qu’on auraient normalement prononcées contre un majeur, doivent être divisée par 2.

Pour mémoire, dans la journée du 14 janvier 2020, Brice Bisse Ngosso, 17 ans, élève en classe de 4ème Espagnol, poignarde à mort son enseignant de Mathématiques au lycée classique de Nkolbisson à Yaoundé. Après forfait, l’élève va s’enfuir avant d’être rattrapé et conduit au commissariat de Nkolbisson pour être auditionné.

Armelle Sitchoma

Ce travail a été produit avec le soutien de Defyhatenow dans le cadre du projet FactsMatter237