Une nouvelle faisant état de l’interpellation de l’avocate a été abondamment relayée samedi 21 novembre dernier puis démentie le lendemain. Rencontrée le 27 novembre dernier à son domicile, la Vice-présidente des femmes du Mrc confirme avoir été interpellée le 21 novembre. Elle revient sur les circonstances de cette autre interpellation.

Maître Michèle Ndoki, avocate au Barreau du Cameroun et par ailleurs Vice-présidente des femmes du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc) a été interpellée samedi 21 novembre dernier à Idenau dans la région du Sud-Ouest. En effet, ce qui a été au départ pris pour une fausse nouvelle, n’en est pas une.

L’avocate a bien été interpellée à Idenau, alors qu’elle rentrait de Bakassi. C’est via un tweet de la journaliste Mimi Mefo que l’une des premières alertes est donnée. Le message posté à 20h 18 minutes ce samedi 21 novembre enregistre un peu plus de 100 partages et autant de mentions « J’aime ». « L’avocate des droits de l’Homme aurait été emmenée vers une destination inconnue. Des rapports indiquent que Michèle Ndoki s’était rendue à Bakassi pour un service humanitaire et était sur le chemin du retour à Limbe lorsqu’elle a été arrêtée à Idenau ». Dans ce message d’alerte de Mimi Mefo, elle précise tenir cette information de sa source et que cette dernière a refusé d’être nommée. Et d’ajouter, « la commissaire a déclaré à Michèle Ndoki qu’elle était « bannie » du pays. Mais, Bakassi est située au Cameroun, et Maître Ndoki a voyagé au moins trois fois à l’étranger via l’aéroport international du Cameroun depuis sa sortie de prison l’année dernière », peut-on lire.

 

                                                                       Un tweet de Mimi Mefo lançant l’alerte

En réponse à ce tweet, la présidente du Cameroon people’s party (Cpp) et du mouvement StandUpForCameroun (Michèle Ndoki en est membre), confirme cette nouvelle de l’arrestation de l’avocate. « Nous avons la confirmation de l’arrestation de Me Ndoki à Idenau. Plusieurs avocats et des membres de Stand Up essayent actuellement d’obtenir des informations sur son lieu de détention et les charges contre elle », écrit-elle à 22h 25 minutes sur son compte Tweeter. Un tweet qui a été partagé 51 fois.

Et à 22h 37, toujours ce samedi 21 novembre, Kah Walla va de nouveau réagir sur le sujet. Mais cette fois ci, pour rassurer ses suiveurs sur la remise en liberté de la Vice-présidente des femmes du Mrc. « Soulagée d’entendre Me Ndoki a été libérée et est à la maison. Elle fournira bientôt des détails sur les évènements d’aujourd’hui », peut-on lire.

Seulement, dimanche 22 novembre une vidéo de Me Michèle Ndoki où elle dit être à la maison et n’est pas aux arrêts fait le tour de la toile, de Tweeter notamment. Ce qui jette le doute sur son interpellation. Plusieurs médias et internautes vont d’ailleurs s’en servir et partager en guise de démenti d’une quelconque interpellation de l’avocate. A en croire cette dernière que Datacameroon a rencontrée vendredi 27 novembre dernier à son domicile à Douala, il n’est point question d’un démenti dans cette vidéo. « Je l’ai faite pour rassurer les miens. Car mes proches, mes frères et sœurs en Europe étaient inquiets et me croyaient aux arrêts. Quand j’ai rallumé mon téléphone, il y avait pleins de messages. Mes proches étaient inquiets et tous voulaient savoir où j’étais. Je dis dans la vidéo que je suis à la maison, c’est pour les rassurer que je n’ai pas été gardé. Que je ne suis pas aux arrêts. Les gens ont cru que je démentais cette interpellation ». Raison pour laquelle elle va faire une autre vidéo et accepter aussi un direct sur Facebook avec l’activiste Essama sur la page de ce dernier. Question pour elle de lever toute équivoque, fait-elle savoir.

Vendredi matin lors de notre rencontre, c’est avec une Michèle Ndoki visiblement calme et sereine que nous nous sommes entretenus. Elle affirme aller bien et n’a subi aucuns sévices physiques ou corporels durant les heures où elle a été retenue. « Je vais bien. On ne m’a rien fait. Je suis en liberté et c’est un privilège que beaucoup de nos concitoyens n’ont pas. Donc être en liberté comme je le suis, je me sens privilégiée », se réjouit-elle.

Les contours de cette autre interpellation

Notre entretien lui donne l’occasion de revenir sur ce qui s’est passé le 21 novembre. « Il s’est passé que je me suis rendue de Bakassi à Idenau en bateau, chaloupe et qu’à mon arrivée à Idenau, j’ai été interpellée par la police des frontières d’abord. J’ai été emmenée au poste de police et on m’a commencé un interrogatoire en me demandant d’où est-ce que je venais, comment je m’y étais rendue, quelle était la route que j’avais prise, avec qui j’étais, etc. J’ai répondu au début sans réserves et au bout de la 2è ou 3è question, j’ai commencé à demander qu’est-ce qui se passait », raconte l’avocate. Elle poursuit, « je n’ai pas pu avoir de réponse à cette question. Le chef de poste a contacté sa hiérarchie et au bout de quelques temps on m’a passé au téléphone quelqu’un qu’on m’a présenté comme un commissaire divisionnaire en charge de la surveillance du territoire. Donc la direction de la surveillance du territoire de la zone qui a réitéré les questions que je viens d’énumérer, qui m’a répété qu’il n’y avait aucun problème, et qui m’a demandé de lui repasser le chef de poste. Il a ordonné apparemment au chef de poste de m’emmener au bureau de la surveillance du territoire de Limbé, et qu’on me réinterroge dans cet endroit-là. Donc, ils m’y ont amené à trois : Une personne de la surveillance du territoire et deux personnes de la police des frontières, d’Idenau à Limbé et l’interrogatoire a repris à Limbé ».

D’après le récit de Michèle Ndoki, elle a été interpellée à Idenau aux environs de 15h 30. Et c’est vers 19h qu’elle arrive à Limbé. Ce n’est qu’aux alentours de 21h qu’on la laisse partir. « A ce moment-là je n’ai pas mes effets. A partir du moment où à Idenau on me demande de suivre la police des frontières, je n’ai que la carte d’identité que j’ai remise au policier à la suite de quoi il me demande de suivre les policiers, je n’ai plus mes affaires. Il se trouve que je n’avais pas fait le déplacement seule donc la personne avec qui j’étais elle, a pu repartir et c’est elle qui a emporté mes affaires sinon, que j’aurai perdu puisqu’elle n’était pas sous surveillance. Les choses se passent tellement vite et selon un enchaînement que vous, vous ne prévoyez pas. Apparemment eux, ils savent quelque chose que moi je ne connais pas. A ce moment-là je ne connais pas que on va me retenir. On me dit suivez, je suis. Installez-vous là, ensuite on me dit suivez-moi dans cette pièce, je suis. Jusqu’à ce que j’arrive à Limbé sans mes affaires. Ce sont d’ailleurs les policiers qui se sont cotisés pour payer mon transport pour rentrer à Douala puisque je n’avais que, ma carte d’identité », explique-t-elle. Et d’ajouter,  « je voudrais en cela les remercier. Je pense que c’est important dans le contexte actuel qui est un contexte de dégradation de l’Etat de droit. Je le dis sans nuance, de rendre quand même témoignage aux forces de l’ordre, en tout cas les moins gradés ne sont pas responsables de la situation sauf quand ils commettent des exactions ; celui qui m’a tiré dessus, ceux qui battent des gens, torturent, ils se rendent coupables. Mais pour un incident comme celui que je viens de vivre, il est clair que les personnes qui menaient l’interrogatoire agissaient sur instruction. Ils étaient contraints. Donc je les remercie d’avoir pris conscience de l’embarras dans lequel je me trouvais et d’avoir pris de m’aider en prenant de leurs poches pour me permettre de rentrer chez moi normalement ». Elle est d’ailleurs persuadée que c’est l’alerte qui a suivi son interpellation qui a permis qu’on la relaxe cette nuit-là.

Marthe Ndiang