Présidentielle 2025 : « Le Cameroun manque un leadership déterminé à servir le peuple au lieu de se servir »
L’Ingénieur Hiram Samuel Iyodi, le plus jeune candidat à l’élection présidentielle du 12 octobre 2025, revient sur ses motivations ainsi que les grands axes de son projet de société porté par le Front des Démocrates Camerounais.
Hiram Iyodi, vous êtes candidat à l’élection présidentielle du 12 octobre 2025. D’où part cette volonté ?
Je rappelle que la politique consiste en la confrontation d’idées, avec des partis et des organisations qui portent une vision pour l’avenir de notre pays. Moi, j’ai dirigé pendant des années, le Mouvement Patriotique pour la Prospérité du Peuple (MP3), un mouvement qui porte un projet avec une vision claire pour le Cameroun. Pour défendre cette vision, il fallait aspirer à la conquête du pouvoir. Nous envisagions de participer aux élections locales, mais le calendrier a changé.
Convaincus que nous avons quelque chose à proposer aux Camerounais, nous avons décidé, après concertation avec nos alliés, notamment le Front des Démocrates Camerounais (FDC) qui m’a investi, de me présenter devant les Camerounais pour défendre notre projet. Cette décision a été prise au mois de mars 2025.
Qu’est-ce qui a motivé l’homme d’affaires que vous êtes à vous lancer dans la course à la présidence du Cameroun à un âge aussi jeune ?
Ce que je tiens à préciser, c’est que mon premier rêve a toujours été de faire de la politique. Dès la classe de 6e, mon père m’a demandé quel métier je voulais exercer, et je lui ai répondu la politique. L’échange franc qu’on a eu m’a permis de comprendre que la politique n’est pas tant un métier dans le sens ou elle ne permet de nourrir son homme donc il fallait que cherche une occupation professionnelle qui me permettait de tenir mes fins du mois. Malgré tout, j’ai toujours voulu faire l ‘exercice de ma vocation de la politique. Je me suis dirigé vers les études d’ingénierie, je suis devenu par la force des choses un manager d’entreprise dans le secteur industriel. Depuis mes années d’études, je suis impliqué dans la vie citoyenne et politique. Donc, c’est l’aboutissement de ce parcours, d’environ vingt ans, qui m’a conduit à cette décision. Je pense que ceux qui me connaissent ne sont donc pas surpris que j’aie choisi de me porter candidat à l’élection présidentielle.
Quelles sont les principales idées ou valeurs que vous souhaitez défendre en tant que candidat ?
En tant que candidat, je souhaite défendre des valeurs et idées centrées sur la réappropriation de notre héritage culturel par la jeunesse camerounaise. Fort de mon expérience à l’étranger, j’ai constaté la nécessité de valoriser nos traditions, car elles font partie intégrante de notre identité. L’éducation que j’ai reçue m’a suffisamment enseigné sur la longue histoire de notre peuple. Mon engagement vise à promouvoir une offre politique basée sur nos réalités et notre patrimoine, en construisant le Cameroun à partir de ses propres ressources et valeurs.
Quels sont les principaux axes de votre programme pour le développement du Cameroun ?
Les principaux axes de notre programme pour le développement du Cameroun sont les suivants: Réformer la gouvernance pour une gestion plus efficace des ressources, notamment en réduisant la taille du gouvernement de 63 à 20 membres, en créant une force anti-corruption chargée d’enquêter, de poursuivre et de récupérer les fonds détournés, et en optimisant les dépenses liées aux transports et à l’immobilier pour réinvestir dans les infrastructures essentielles. Mettre en place un système éducatif orienté vers les compétences pratiques, afin que les jeunes Camerounais puissent être employés dès 18 ans, tout en développant une industrie locale capable de transformer nos ressources et d’absorber ces diplômés. Résoudre le problème de la crise anglophone. Réaffirmer l’identité camerounaise et coloniser l’espace public, afin de donner à nos rues, écoles et infrastructures des noms de héros nationaux qui ont sacrifié leurs vies pour le Cameroun. Consolider la souveraineté du pays, notamment, sortir du franc CFA et positionner le Cameroun comme l’un des leaders de la renaissance africaine sur le plan diplomatique.
Comment comptez-vous répondre aux défis économiques et sociaux du pays ?
L’économie camerounaise a été conçue depuis les indépendances principalement pour répondre aux besoins de l’empire colonial, notamment la France, avec un peu l’Angleterre. Le Cameroun est riche, mais il exporte la majorité de ses matières premières à l’état brut, tandis qu’il importe tout ce dont il a besoin comme biens de consommation. Cette situation empêche de développer une économie basée sur la production, ce qui aurait permis de créer des industries pour employer des Camerounais, d’augmenter les recettes de l’État et financer les infrastructures sociales pour favoriser le développement du pays. Notre décision sera d’interdire l’exportation des matières premières avant leur première transformation locale, afin de densifier notre tissu industriel, de créer de la valeur ajoutée, et de répondre ainsi aux problèmes d’emploi et aux défis sociaux.
Qu’attendez-vous de la population camerounaise lors de cette campagne électorale ?
Une mobilisation très forte, car peu importe l’acteur politique, la victoire à l’élection présidentielle de 2025 doit être celle du peuple camerounais. C’est le peuple qui doit voter, surveiller son vote et défendre son choix. Plus nous serons nombreux à voter, plus il sera difficile pour le camp d’en face de déployer son appareil de fraude.
Comment comptez-vous convaincre les électeurs qui doutent de la capacité d’un jeune à diriger ce pays ?
L’histoire politique camerounaise prouve que l’âge n’a jamais été un obstacle au leadership. Ahmadou Ahidjo est devenu président à l’âge de 36 ans, et il était déjà Premier ministre deux ans auparavant. Le président Paul Biya, quant à lui, est entré dans la haute administration camerounaise à 29 ans, est devenu Premier ministre à 42 ans, puis président à 49 ans. La majorité des membres du gouvernement actuel sont des personnes qui ont commencé leur carrière dès la trentaine. Le vrai problème n’est donc pas l’âge, mais la volonté de nos dirigeants qui veulent s’éterniser au pouvoir tout en laissant croire aux nouvelles générations qu’elles n’ont pas encore la capacité de diriger. Je lance un appel à la jeunesse camerounaise : ne vous contentez pas d’attendre qu’on vous donne votre chance. Soyez convaincus de votre capacité à être acteurs du changement et prenez votre destin en main.
Si vous êtes élu président, qu’est-ce qui changera et qu’est-ce qui restera indemne ?
Face aux multiples crises que traverse notre pays, un changement profond s’impose. Ce qui restera c’est les hommes camerounais. C’est avec eux qu’on entamera ce processus de transformation. Cependant, au niveau de l’organisation des pouvoirs publics, la gestion territoriale et notre modèle économique, tout doit être réformé. Notre priorité majeure sera de mettre fin aux crises dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Nous perdons chaque jour nos frères et sœurs. Cela doit cesser ! Aucun développement n’est possible dans un climat d’instabilité.
Vous voyez-vous remporter l’élection présidentielle d’octobre 2025 ?
Je suis un camerounais et en général, on ne se lance pas dans un combat pour le perdre. Si je ne me voyais pas en capacité de devenir président, je ne m’engagerais pas comme candidat.
Président de la République, combien de mandat(s) feriez-vous ?
Je préconise un maximum de deux (2) mandats, c’est même ce que nous défendons. Nous croyons qu’en démocratie, le changement et la transition à la tête de l’État participent d’un renouvellement des énergies qui permet toujours de progresser. Il est important de pouvoir avoir une vie après la présidence de la République. J’ai des ambitions d’être président, mais j’ai aussi des rêves et des projets après cette fonction. Pour moi, deux mandats maximums sont suffisants pour assurer un renouvellement et une dynamique positive pour notre pays.
Quel serait votre maillon fort?
Au-delà du programme que je porte, mon maillon fort est la personne que je suis et les valeurs que je défends. Je suis entouré d’experts compétents qui font leur travail avec brio. Mais le Cameroun ne manque pas de projets imaginés par des experts : il manque un leadership déterminé à servir le peuple au lieu de se servir.
Moi, je suis un enfant de la tradition et je sais que le premier devoir d’un chef est de se sacrifier pour les siens. De plus, le patriotisme et la volonté de puissance que j’ai pour mon pays dépassent toute autre ambition personnelle. Me choisir c’est faire confiance à un enfant du pays qui a profondément envie de servir sa patrie.
Quelles sont les raisons qui peuvent expliquer votre silence face aux grands débats sur la situation sociale du Cameroun, tels que le retrait des financements des États-Unis dans certains domaines, l’affaire Glencore, les féminicides, et autres enjeux similaires ?
Je suis très surpris. Il n’y pas eu de silence, si vous regardez sur mes réseaux sociaux, je me suis prononcé à plusieurs reprises sur les féminicides. Et je vais vous faire une confidence. L’affaire Glencore a été portée par le bâtonnier Akere Muna, l’ingénieure qui a fait le travail de réconciliation des données derrière qui a permis de mettre en exergue les sous facturations des prix de vente de notre baril qui partait de de 30 à 70% c’est moi. Le bâtonnier Akere Muna est une figure de proue, mais il y a toute une équipe qui travaille derrière lui. On ne peut donc pas m’accuser de ne pas avoir énoncé ce sur quoi j’ai travaillé.
Quelle est votre position par rapport au débat concernant la coalition pour une candidature unique de l’opposition ?
Comme partout dans le monde, l’opposition au Cameroun n’est pas un bloc homogène : c’est une diversité d’idées, de propositions et de visions pour l’avenir du pays. Le débat sur une coalition a tout son sens, car nous avons une élection présidentielle à un seul tour, remportée à la majorité. Cependant, dans un système électoral qui n’est pas toujours fiable, le peuple appelle à une mutualisation des forces.
Mais avant d’unir les candidatures, il faut d’abord mutualiser les projets. C’est ce qui nourrit le débat sur une candidature unique. Pour ma part, je pense qu’il y aura des coalitions, peut-être des candidatures consensuelles, mais une candidature unique de l’opposition me paraît peu probable et même contraire à l’esprit démocratique. Il est essentiel que plusieurs voix puissent s’exprimer. Nous travaillons activement à construire des coalitions et je reste optimiste. Il nous reste encore des semaines, et je suis confiant que nous y parviendrons.
Interview réalisée par Hyacinthe TEINTANGUE
Cet article a été produit dans le cadre du projet Partenariat pour l’intégrité de l’information.







