Transports : La paralysie des routes plonge l’Ouest dans l’incertitude

« Crise post-électorale » (5/6) : Entre silence, peur et pertes économiques, la région de l’Ouest vit au ralenti depuis la proclamation des résultats de la présidentielle du 27 octobre 2025. Des routes désertées, des cérémonies suspendues et une économie locale asphyxiée traduisent l’ampleur d’un malaise social profond.

Au carrefour « Total en bas » à Bafoussam, chef-lieu de la région de l’Ouest, le vide a remplacé le brouhaha habituel. Où s’entremêlaient jadis des cris des chargeurs, des commerçants et ronron des moteurs, le silence s’est installé. Les points d’embarquement sont déserts, les agences de voyages ont suspendu leurs activités et les vendeurs ambulants ont disparu.

À la place, quelques véhicules sont immobiles. On peut enfin évaluer la largeur des routes, qui, souvent bondées de monde paraissent très étroite. Justin, chauffeur de minibus, véhicule garé, contemple son volant. « On fait des jours sans aucun voyage. Même pour les urgences, personne ne voyage », déplore ce chauffeur avec qui nous avons échangé ce lundi 3 novembre 2025 et qui s’inquiète de son avenir financier. Ici, la peur et l’incertitude post-électorales paralysent les activités économiques.

En effet, depuis le 27 octobre 2025, date de la proclamation des résultats de la présidentielle, la peur s’est installée dans la ville de Bafoussam, vidant les axes routiers. Les conséquences de cette peur se font sentir jusque dans les villages. Les routes reliant Bafoussam à Mbouda, Dschang, Foumban, Bafang, Douala, Yaoundé ou Bangangté sont presque désertes. « Nous avons enterré notre père juste après son décès, pour éviter de garder le corps à la morgue sans être sûr du lendemain. Les cérémonies auront lieu quand les choses seront stables », confie Jordan F, un habitant de Bangang, dans les Bamboutos qui a perdu son père pendant la crise post-électorale.

Une situation qui a aussi affectée plusieurs familles à Foumbot, dans le département de Noun, qui ont dû reporter leurs évènements familiaux. « Mon frère devait se marier le 28 octobre 2025. On a reporté. Les invités ne pouvaient pas venir, même le traiteur est resté bloqué », raconte Djalil Adamou.  Un climat qui augmente le stress communautaire, selon le sociologue, Samuel Tchoua. « Toute les routes désertes révèlent des fractures sociales. Mariages, obsèques, visites familiales : tout est perturbé. Le stress communautaire augmente et le lien social s’effrite », observe-t-il.

Sur l’axe Bafoussam-Dschang, les minibus se font rares. Le coût du transport a doublé, passant de 800 à 2 000 F Cfa, parfois plus. Clément D., conducteur interurbain, justifie cette hausse : « Nous prenons des risques énormes face aux appels aux villes mortes. Nos véhicules sont exposés aux représailles des manifestants. »

Le blocage n’épargne pas le reste du pays. Dans lAdamaoua, des camions de marchandises sont immobilisés depuis plusieurs jours sur la route Ngaoundéré–Bafoussam. Et sur la ligne Yaoundé–Mbalmayo, le coût du trajet est passé de 700 à 1 500 F Cfa, voire 2 000 F Cfa. « Les produits venus de Douala restent bloqués, les prix flambent », déplore Philomène, vendeuse des produits alimentaires.

Selon l’économiste Edmond Kuate, « les conséquences s’étendent sur toute la chaîne : le transport des marchandises et des personnes est paralysé, la logistique bloquée. Trois jours de villes mortes suffisent à provoquer une asphyxie économique ressentie sur toutes les chaînes de production ». La route, jadis symbole de mobilité et d’échange, est devenue le miroir d’un pays figé dans l’attente et la peur, conclut le sociologue.

Aurélien Kanouo Kouénéyé           

 

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