Une semaine après la prescription du Premier ministre d’un plan spécial d’assainissement dans les deux capitales du pays, insalubrité et dégradation de la voirie tardent à disparaître.

Aline Obama, habitant du quartier Ekounou, dans le 4^e arrondissement de la ville de Yaoundé attend toujours que l’énormes dépôt d’ordures qui barre l’entrée de sa maison au lieudit « Montée Carrossel » soit enfin dégagé. Toujours dans le même arrondissement, à cause de ces ordures, Anaëlle Kamga, propriétaire d’un institut de beauté au quartier Essomba a été contrainte de fermer boutique. « Un dépotoir s’est formé devant notre immeuble.  Les clients ont commencé à se faire rares. Je suis maintes fois allée me plaindre chez le chef du quartier et même à la mairie de Yaoundé 4^e, mais rien n’a changé », déplore cette esthéticienne.  Même au centre-ville non loin des bureaux du Premier ministre, ses ordures sont toujours aussi imposantes.

Une insalubrité qui persiste, et pourtant le Premier ministre (Pm), Dion Ngute a, à l’issue des deux réunions interministérielles des 25 et 26 février 2025, prescrit un plan spécial d’assainissement pour les villes de Yaoundé et Douala. S’adressant aux magistrats municipaux et aux administrations sectorielles, le Pm a spécifiquement prescrit pour le cas de Yaoundé et à l’immédiat, des travaux d’urgence pour traiter 24h/ 24 tous les tas d’ordures dans la ville. Aussi, a t’il instruit, la fermeture des nids de poule et l’amélioration de l’éclairage publique. Mais, plus d’une dizaine de jours plus tard, la ville reste toujours otage de l’insalubrité.

Un état d’insalubrité et de dégradation de la voirie urbaine dans ses deux villes qui d’après Joseph Ndi Ndjali, l’architecte-urbaniste ne surprend plus. « Ce n’est pas un fait nouveau. D’ailleurs, plus le temps passe, plus cela semble prendre une amplitude plus grande. Ainsi, les mesures préconisées par le Premier ministre brillent juste par leur effet d’annonce puisqu’elles s’apparentent aux solutions conjoncturelles face à un mal structurel. L’observateur avisé remarquerait que c’est les mêmes mesures qui ont été prescrites lors d’une réunion similaire le 27 octobre 2023. 15 mois plus tard force est donc de constater qu’elles n’ont pas produit l’effet escompté », relève Joseph Ndi Ndjali.

Par ailleurs chef de département des métiers d’arts de bâtir, d’architecture, d’urbanisme et des paysages à l’Institut des beaux-arts et de l’innovation de l’Université de Garoua, il explique que les problèmes d’assainissement observés à Yaoundé et Douala ont pour origine immédiate l’impossibilité des opérateurs à traiter l’intégralité du volume des déchets produits. « Ils ne parviennent qu’à satisfaire à peu près 47% à Yaoundé et 70% à Douala », précise-t-il. S’agissant de la voirie urbaine, il pense que l’origine immédiate est l’incapacité des acteurs à entretenir le réseau existant fortement solliciter.

Pour changer nos villes, recommande cet architecte-urbaniste, il faut radicalement changer le modèle de développement en s’attaquant aux structures de gouvernance et de gestion. « Cette réponse va au-delà des responsables actuels », dit-il. Néanmoins, prône cet expert, et dans l’immédiat, il faut revoir et refonder le cadre légal, fiscal et budgétaire pour donner la marge de manœuvre nécessaire pour agir dans l’urgence. Ensuite, privilégier l’approche HIMO (haute intensité de main d’œuvre) pour l’exécution des travaux. Enfin, renforcer l’action citoyenne des acteurs locaux pour une maintenance et un entretien adéquat.

Mélanie Ambombo