Education : le redoublement, un phénomène persistant au Cameroun
Le pays enregistre un pourcentage alarmant de 11,5% de taux de redoublants dans le secondaire public en 2024, loin des 7% visés par le Ministère des enseignements secondaires. Un écart qui met en lumière l’inefficacité des stratégies déployées, à en croire un spécialiste.
Au Cameroun, la proportion des redoublants dans les enseignements secondaires publics reste préoccupante et pourtant dans sa feuille de route, le ministère des Enseignements secondaires (Minesec), visait 7% en 2024, 6% en 2025 et 5% en 2030. Or, son dernier Rapport d’analyse des données statistiques, en affiche 11,35% en 2024. Un écart qui met en lumière l’inefficacité des stratégies déployées, analyse Dr Alex Nkoa, spécialiste en sciences de l’éducation.
Dans le détail, l’enseignement général avec un taux de 11,50%, reste plus touché que le technique et professionnel qui enregistre 10,35%. Un signe, selon Dr Alex Nkoa, que l’approche plus pratique et professionnalisante de l’enseignement technique motive davantage les apprenants, contrairement au général qui demeure théorique.
En examinant ces résultats du Minesec, des disparités significatives sont apparentes selon les régions. Les zones d’éducation prioritaire (Zep) affichent des proportions de redoublants dans le public les plus élevées : l’Adamaoua (16,42%), le Nord (16,05%), l’Extrême-Nord (14,92%) et l’Est (13,73%). Des régions qui cumulent pénurie d’enseignants qualifiés, infrastructures scolaires insuffisants ou inadaptés, crises socio-économiques et parfois l’éloignement des établissements scolaires, énumère Dr Alex Nkoa. Un ancien professeur dans l’Adamaoua témoigne « Parfois dans certaines zones, un même enseignant peut à la fois couvrir trois disciplines et trois niveaux de classe ».
À l’inverse, les régions anglophones en crise – Nord-Ouest (2,71%) et Sud-Ouest (2,90%) – présentent les plus faibles taux. Cette situation paradoxale s’explique en partie par la baisse du nombre d’élèves présents en classe, conséquence directe du conflit sociopolitique.
L’analyse des données par sexe met en lumière un phénomène significatif : les garçons affichent 12,34%, de redoublants contre 10,20% pour les filles. Cette différence explique Léon Olinga, doctorant en sciences de l’éducation, résulte du fait que les garçons sont plus souvent contraints à contribuer aux charges familiales, ce qui favorise leur absentéisme et leur déscolarisation.Pour sa part, le sociologue, Pr Claude Abé, pense que cela peut résulter de la grosse pression que les parents mettent souvent sur les garçons à cause de la nature patriarcale de notre société. Ils ont une obligation plus que les filles de réussir « Ce que les parents ignorent c’est qu’en le faisant, ils peuvent inhiber les capacités d’invention, de création et de lucidité de l’enfant. La deuxième chose est que quand on regarde au sein de l’organisation de l’activité domestique, il y a une grande impression de la liberté du garçon qui fait qu’il a plus de temps et quand il n’y a pas une prise en charge sérieuse de le discipliner et le pousser aux études, on arrive à ce résultat », conclut le sociologue.
Un redoublement qui pèse lourd sur le budget de l’Etat car d’après Dr Alex Nkoa, chaque élève redoublant coûte une année supplémentaire à l’État incluant salaires, infrastructures, manuels scolaires. Au total, le phénomène au Cameroun engloutirait plusieurs dizaines de milliards F Cfa par an, selon Léon Olinga. Selon l’Unesco, le redoublement représente jusqu’à 10 à 15 % des dépenses publiques d’éducation dans certains pays africains.
Face à ce constat sévère, Léon Olinga plaide pour une refonte urgente qui prendra en compte le renforcement du suivi pédagogique, une adaptation des programmes aux contextes locaux, un soutien particulier aux garçons et aux Zep. « Si on veut réduire le redoublement, il faut former davantage d’enseignants, fournir des conditions d’apprentissage dignes », affirme Léon Olinga.
Mélanie Ambombo







