Est : A Ngoe-Ngoe, l’exploitation minière menace la subsistance des habitants
Dans cette localité de l’arrondissement de Ngoura, département du Lom-et-Djérem, des plantations sont détruites par des dépôts de terre en provenance des sites d’exploitation minière. Une situation dénoncée par les riverains qui sollicitent une intervention des pouvoirs publics.
A Ngoe-Ngoe, le visiteur est accueilli par des vastes étendues de terres dévastées, déversées par des camions en provenance des sites d’exploitation minière. Des dépôts qui sont devenus au fil des années, des montagnes artificielles. Des trous inactifs abandonnés disséminés à perte de vue, sont transformés en lacs artificiels. Une image saisissante, qui en dit long sur le climat social tendu dans ce village situé à environ 75 kilomètres du chef-lieu de l’arrondissement de Ngoura, département du Lom-et-Djerem, région de l’Est.
Ici, les populations, estimées à environ 3 000 âmes, majoritairement composées d’agriculteurs, d’éleveurs et des orpailleurs ne savent plus à quel saint se vouer. Ceci, depuis l’installation des sociétés d’exploitation minière semi mécanisées, il y a quelques années. « Les entreprises minières créent des dépôts de terre partout. Elles barrent les pistes qui mènent dans les champs. Nos plantations qui sont au pied de ces dépôts, subissent des éboulements réguliers de terre. Les pierres versées par les camions-bennes terminent leur course dans nos champs », regrette Jean Charles Gwemei, agriculteur et notable à la chefferie Ngoe-Ngoe.
Propriétaire d’une parcelle de près de 6 hectares, Charles Gwemei a perdu une grande partie de sa production, ensevelie par des blocs de terres déposés par les exploitants miniers en amont. « J’avais produit le manioc, les arachides et le maïs. Et j’avais déjà aussi préparé les sillons pour le piment », deplore-t-il.
Indemnisation
DataCameroon a rencontré Charles Gwemei à Ngoe-Ngoe le 08 avril 2025. Il relève qu’en mars 2023, l’une des entreprises accusées avait sollicité auprès du délégué d’arrondissement de l’Agriculture et du Développement Rural, l’identification des riverains qui ont les champs autour des dépôts de terre à risque. « Mais depuis mars 2023 jusqu’à nos jours, ce travail qui a été fait par une commission n’a jamais eu de suite. Pendant ce temps, les choses continuent à s’empirer au niveau du village et les agriculteurs n’ont plus accès aux terres cultivables », regrette ce notable.
Une situation également déploré par Abbo Oumarou, orpailleur et agriculteur qui a dénoncé les abus des exploitants chinois dans cette localité, lors d’une rencontre à la chefferie. « Rien ne marche dans ces deux secteurs à Ngoe-Ngoe. Les Chinois arrachent nos chantiers sans aucune compensation et lorsqu’on se tourne vers les autorités, on a aucune solution », s’offusque cet agriculteur. Toute chose qui fait croire aux habitants, à l’instar de Joseph Alima, secrétaire de la chefferie, que « Ngoe-Ngoe est un village où les riverains n’ont aucun droit ».
Des blocs de terre issus des sites miniers
Sur le terrain, les populations décrient également de nombreux morts enregistrés dans la zone, dû aux mines d’or abandonnées. « Les Chinois refusent de restaurer les sites. Ils ont abandonné les trous partout dans l’arrondissement. On a déjà enterré plus de 40 personnes mortes dans ces trous », a condamné sa Majesté Justin Bello, le chef de Canton Gbaya-Banginda, après la mort de neuf personnes dans un trou au chantier du campement Caillé à Ngoe-Ngoe en 2017.
De leur côté, les entreprises chinoises incriminées réfutent toutes les allégations. « Les Chinois n’ont pas les autorisations d’exploitation artisanale de l’or. Ces autorisations sont détenues par les nationaux qui font venir les Chinois comme partenaires technico-financiers. Donc, les cahiers de charge avec les riverains et les études d’impact environnementaux sont supposés avoir été fait par les détenteurs des autorisations qui sont les nationaux », confie sous anonymat, le traducteur d’une entreprise chinoise.
Selon Bernard Gaétan Bangda, coordonnateur national de Moabi Think Thank, une organisation de la société civile qui milite pour la promotion du développement durable de l’Est, ce qui se passe à Ngoe-Ngoe est symptomatique de la situation que vivent les riverains des sites miniers dans la région de l’Est. « La réduction des espaces cultivables installe l’insécurité alimentaire mais aussi et surtout contribue à l’inflation. Nous pensons alors que les pouvoirs publics devraient intervenir pour régler l’activité minière. Malheureusement, les agents publics sont impliqués dans ce qui se passe dans l’exploitation minière », déplore cet acteur de la société civile.
Sébastian Chi Elvido à l’Est








