Après une baisse de 63 % en vingt ans, les dernières statistiques de 2024 révèlent une remontée brutale du nombre de décès maternels, signe de failles persistantes dans le système de santé et d’inégalités régionales toujours marquées.

Selon les estimations internationales du groupe technique des Nations Unies, intégrant l’Oms, l’Unicef et la Banque mondiale, l’évolution de la mortalité maternelle a connu un progrès majeur au Cameroun. Le ratio de mortalité maternelle (Rmm) est passé de 678 décès pour 100 000 naissances vivantes en 2000 à 258 en 2023. Soit une réduction de 63%. Une performance qui place le pays parmi les nations africaines ayant le mieux réussi à inverser la tendance, le positionnant significativement sous la moyenne subsaharienne (454).

Une réussite que le ministre de la Santé publique (Minsanté), Manaouda Malachie, impute largement à la mise en œuvre des politiques d’accès aux soins, par le biais du Chèque santé qui a permis l’augmentation des accouchements assistés. « Ces statistiques valident l’efficacité des investissements structurels destinés à l’accès aux services obstétricaux d’urgence. »

Cependant, cette observation internationale contraste avec les indicateurs nationaux les plus récents. Le bulletin épidémiologique annuel du Cameroun de 2024, issus de la surveillance épidémiologique interne et plus proches de la réalité opérationnelle, témoignent d’une vulnérabilité systémique. Le Rmm national est passé de 208 décès en 2023 à 267 en 2024, soit une augmentation préoccupante de près de 28% en l’espace d’une seule année. « L’explication fondamentale de cette divergence statistique réside dans la méthode d’évaluation et la qualité de la donnée elle-même. Si les estimations internationales mesurent une tendance de fond, les données nationales sont confrontées à un sous-enregistrement et, surtout, à un taux d’investigation insuffisant », explique Dr Paul Tassé, médecin généraliste.

Selon ce médecin, le rebond enregistré peut-être associé à une faible résilience du système face aux chocs opérationnels tels que les ruptures de stocks de médicaments essentiels, les pannes d’équipements vitaux ou le déficit chronique en personnel qualifié. Pour lui, cette incidence accrue sur une période si courte doit immédiatement conduire à l’identification et la correction des goulots d’étranglement logistiques et humains.

Sur le plan national, l’’analyse des données par région exacerbe cette problématique en révélant une absence d’équité territoriale. Le risque de décès pour une femme enceinte varie selon son lieu de résidence. La région du Sud affiche un ratio critique de 490 décès pour 100 000 naissances vivantes, un niveau qui contraste fortement avec le score de la région du Nord-Ouest, qui parvient à maintenir son ratio à environ 115. « Cet écart régional illustre une distribution inégale des ressources et de la qualité des soins obstétricaux d’urgence sur le territoire national, traduisant un déficit d’investissements ciblés dans certaines zones géographiques », explique le Dr Paul Tassé.

A en croire un proche collaborateur du Minsanté, « sans une connaissance précise des causes de la majorité des décès, l’élaboration de stratégies sanitaires ciblées devient impossible. Cette lacune statistique entrave directement la capacité du pays à atteindre l’objectif de 70 décès pour 100 000 nouveaux nés fixé par les Odd pour 2030 ».

A cette allure, le Cameroun fait face à un double impératif qui est celui de capitaliser sur les acquis de long terme tout en résorbant les faiblesses opérationnelles et les inégalités territoriales pour garantir l’équité des soins.

Mélanie Ambombo