Ouest : Plus 800 agents publics désertent leurs postes

Dans cette région du Cameroun, les écoles et hôpitaux se vident, les affectations prolongées et les conditions de travail difficiles, accélèrent l’exode silencieux des agents publics. Une situation inquiétante selon les syndicalistes, qui appréhendent une pénurie d’enseignants secondaires d’ici 5 ans.

Engagé dans l’enseignement depuis plus de dix ans, Sosthène, professeur de physique-chimie et de technologies, est toujours à son premier poste d’affectation, dans une localité enclavée du département du Noun. Malgré de nombreuses demandes de regroupement familial pour rejoindre son épouse, elle aussi enseignante dans la Mifi, sa situation demeure inchangée.
« Plus de la moitié de mon salaire est absorbée par les frais de transport. Je ne vois ma famille que quelques jours par semaine », confie-t-il. Épuisé moralement et financièrement, il admet avoir désormais « le cœur ailleurs ». Depuis près d’un an, il tente sa chance à travers la loterie américaine et une demande de résidence permanente au Canada.

Un cas loin d’être isolé. Selon Augustine Awa Fonka, le gouverneur de la région de l’Ouest, 858 agents publics ont quitté leurs postes depuis 2023. Dont, 708 enseignants, un secteur déjà fragilisé, et près de 150 personnels de santé, alors même que les besoins en soins augmentent.

Pour l’autorité administrative, cet exode ne se résume pas à une quête de meilleures conditions de vie. Il révèle aussi des défaillances internes. Le gouverneur déplore « la complicité de certains responsables », tout en dénonçant des absences prolongées, des abandons de postes ou des départs à l’étranger parfois tolérés ou signalés tardivement, qui facilitent la fuite des agents sans relève.

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Sanctions disciplinaires

Face à l’ampleur du phénomène, l’administration a durci le ton. Deux sessions du Conseil régional de discipline, tenues les 26 août et 13 novembre 2025, ont examiné 54 dossiers, débouchant sur 44 révocations. « Il faut stopper l’hémorragie avant qu’elle n’emporte des secteurs entiers », a prévenu le gouverneur.

Dans cette logique, le cas du délégué régional des Arts et de la Culture de l’Ouest a récemment marqué les esprits. Porté absent, il a regagné son poste à la suite d’une recherche coordonnée par le gouverneur, matérialisée par un communiqué officiel invitant Étienne Tieudem à rejoindre immédiatement son bureau, sous peine de sanctions disciplinaires.

Une crise structurelle

Du côté des syndicats, l’inquiétude est plus profonde. Samory Touré Tenkeng, porte-parole du Syndicat des Enseignants du Cameroun pour L’Afrique (Seca) et Collectif des Organisations des Enseignants du Cameroun (Corec), estime que plus de 12 000 enseignants ont déjà quitté le système éducatif camerounais. « Tous ne partent pas pour le Canada. Certains exercent dans d’autres pays africains, où les conditions sont meilleures », précise-t-il.

Il cite la crise post-électorale, les interpellations d’enseignants engagés politiquement, ainsi que la fermeture des écoles normales supérieures comme des causes majeures. Selon lui, d’ici cinq à six ans, l’enseignement secondaire pourrait faire face à une pénurie aiguë de personnel, aggravée par les départs, les révocations et les mises à la retraite non compensée.

Aurélien Kanouo Kouénéyé

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