Electricité : Trois centrales de production sur 16 réalisées en 10 ans au Cameroun
Site des installations techniques du chantier du barrage de Bini Warak le 07 mars 2024. © DMS

Electricité : Trois centrales de production sur 16 réalisées en 10 ans au Cameroun

Entre 2013 et 2023, l’Etat du Cameroun a annoncé la construction d’une quinzaine de barrages hydroélectriques, évalués à plus de 1389,4 milliards de F Cfa, qui devaient être financés conjointement par l’Etat, des investisseurs privés et des bailleurs de fonds centrales de production electrique au Cameroun. A ce jour, près de 9 projets prévus n’ont jamais démarré, la plupart sont mal montés ou dépassés. Avec un taux d’accès à l’électricité estimé à 70 % en 2021, le pays peine à couvrir sa demande en énergie.

Au Cameroun, la production hydroélectrique a peu évolué au regard des ambitions manquées du pays. Sur la décennie 2013-2023, pas moins de 16 nouvelles infrastructures, estimées à plus de 1389,4 milliards de F Cfa, devaient être construites ou en cours de construction. Plusieurs projets étaient censés démarrer en 2017 ou 2018, et s’achever au plus tard en 2025. A la fin mars 2024, sur les 16 que nous avons recensés, 9 projets n’ont jamais démarré. Un est inachevé malgré les délais initiaux déjà consommés. Il s’agit notamment du projet de la centrale de Nachtigal (420 MW) centrales de production electrique au Cameroun. Elle connaîtra quelques mois de retard si les travaux se terminent cette année 2024 comme annoncé. Une autre catégorie est celle des projets à l’arrêt. Ils sont deux : la centrale de Bini à Warak dans l’Adamaoua et la centrale de Kumba dans le Sud-Ouest.

Au décompte, seuls trois projets hydroélectriques sont arrivés à leur terme ces 10 dernières années. Et encore. Ils ont tous accusé des retards. Le projet Mekin a été livré en 2023 avec 9 ans de retard. Celui de Memve’ele a requis 5 ans supplémentaires pour injecter ses premiers mégawatts dans le Réseau interconnecté Sud (Ris) en 2022. La centrale de Mbakaou-Carrière a quant à elle été achevée avec une année de retard. Sa capacité actuelle se limite à 1,48 MW, en-deçà des 2,8 MW installés centrales de production electrique au Cameroun. La production de Memve’ele et de Mekin est sujette à préoccupation. Même achevées, ces infrastructures situées dans la région du Sud continuent de poser problème.

Durant la saison sèche, la centrale de Memve’ele peine à livrer ses 211 Mw installés. En janvier et février 2024, la production était tombée à zéro et remontait à 30 MW la nuit. La contrainte c’est le faible débit du fleuve Ntem pendant la période d’étiage. Cette situation est décrite sous anonymat par des ingénieurs d’Electricity Development Cameroon (EDC), l’entreprise qui exploite la centrale de Memve’ele. Et si plusieurs responsables minimisent la chute de production, ils reconnaissent néanmoins le problème structurel de la centrale hydroélectrique, à savoir qu’elle souffre de la baisse du débit du fleuve Ntem.

Le souci est pratiquement le même avec l’aménagement de Mekin, l’ouvrage ne peut produire les 15 MW installés et tombe même à moins de 1 MW pendant la période d’étiage sur les fleuves Dja et Lobo, confie sous anonymat un ingénieur ayant travaillé sur le projet centrales de production electrique au Cameroun. Le souci, précise-t-il, c’est que le barrage a été construit sur un site plat offrant une faible hydroélectricité pendant la saison sèche. L’ingénieur rappelle d’ailleurs que lors des tests du barrage en 2017, le relief a favorisé les inondations dans les localités environnantes dans l’arrondissement de Meyomessala.

Les contraintes que posent les nouvelles infrastructures hydroélectriques sont dues à des choix questionnables, croient savoir plusieurs experts. Un ingénieur ayant travaillé sur le projet Memve’ele explique sous anonymat : « quand on concevait le projet Memve’ele, on savait que les étiages sont souvent sévères sur nos cours d’eau. Alors on a décidé de coupler la centrale hydroélectrique à la centrale à gaz de Kribi. Celle-ci devait prendre le relais quand la production était en chute sur le fleuve Ntem centrales de production electrique au Cameroun. Mais ce schéma n’est pas respecté car, la demande d’énergie est telle qu’il faut faire fonctionner la centrale de Kribi à plein temps. Aujourd’hui il est difficile de construire un barrage de retenu en amont de Memve’ele car, le Ntem n’appartient pas seulement au Cameroun. Il prend sa source au Gabon. »

La construction des centrales de production sans ligne de transport constitue un problème crucial, se désole Jean Marie Biada, économiste d’énergie et expert certifié de l’Organisation des nations unies pour le développement industriel (Onudi). « La ligne de transport doit être construite en même temps que la centrale de production car, l’énergie produite ne peut être stockée », explique-t-il.

Maturation des projets

Le projet Bini à Warak dans la région de l’Adamaoua est aujourd’hui à l’arrêt. L’entreprise chinoise est partie en expliquant avoir attendu en vain le financement étatique. Le projet n’est pas arrivé à maturité, pense plutôt Chamberlain Mba Abessolo, ingénieur spécialiste en conception d’aménagements hydroélectriques et conseiller technique à l’Agence d’électrification rurale (Aer). « Les travaux ont été lancés alors que les études n’étaient pas bouclées centrales de production electrique au Cameroun. L’entreprise a créé l’opacité autour des études qu’elle avait elle-même réalisées, et demandait le déblocage des financements. Finalement, on a perdu beaucoup de temps. Or il fallait au préalable approfondir les études en déterminant avec exactitude la puissance installée, sachant que le barrage est pris en charge par deux cours d’eau : Bini et Warak », explique-t-il.

Avec un budget initial de 182 milliards F Cfa, le projet Bini, confié à l’entreprise britannique Savannah Energy PLC en 2023 à travers un protocole d’accord, est désormais évalué 179 milliards de F Cfa. La production du premier mégawatt est prévue entre 2027-2028.

D’une capacité de 1080 MW, le projet d’aménagement hydroélectrique Grand Eweng qui s’étend sur les régions du Centre et Littoral, est celui qui devrait recevoir le plus gros budget : un investissement estimé à 1815,45 milliards F Cfa.  Situé sur le fleuve Sanaga à Log Pagal (commune de Massock-Songloulou, département de la Sanaga-Maritime), à cheval sur les départements de la Sanaga Maritime et du Nyong-et-Kellé, ce projet devrait débuter, selon Hydromine, en début 2023. Un an plus tard, les travaux peinent à décoller. D’après Hydromine, l’installation des premières machines est prévue en 2025 et la mise en service des infrastructures à l’horizon 2027-2028.

Le budget du projet hydroélectrique Grand Eweng surclasse ceux des projets de construction de la centrale hydroélectrique de Nachtigal et la centrale de Makay. De ces trois infrastructures qui présentent les plus gros budgets de ces secteurs ces dix dernières années, seuls les travaux de  la centrale hydroélectrique de Nachtigal ont débuté et touchent à leur fin. La direction générale de Nachtigal Hydro Power Company annonce les 420 Mw attendus pour décembre 2024.

Certains projets n’ont jamais démarré faute d’avoir atteint le niveau de maturation requis, confie l’ingénieur Chamberlain Mba Abessolo. Il cite à titre d’exemple la centrale sur la Menchum. En outre, plusieurs projets arrivés à maturité deviennent inadaptés au moment de leur mise en œuvre car, ils ont attendu dans les tiroirs pendant des années. L’apport des projets Memve’ele et Mekin apparaît aujourd’hui comme une goutte d’eau dans la mer, tellement les besoins se sont accrus centrales de production electrique au Cameroun. Le constat est fait par le maire de la commune de Biwong Bulu dans la région du Sud, Samuel Ebia Ndongo. « Pendant longtemps, on a dit aux populations qu’avec les barrages de Memve’ele et Mekin, il y aurait le courant. Aujourd’hui que les barrages sont là, tout le monde dit que rien n’a changé. En réalité, les projets sont déjà dépassés au moment de leur réalisation car, les besoins se sont multipliés », explique l’élu local.

12 500 mégawatts de puissance exploitable

Malgré tous ces projets en gestation, plusieurs localités sont toujours sevrées d’électricité, alors que le Cameroun est deuxième pays du continent africain en termes de potentiel hydroélectrique. « Le potentiel hydroélectrique du Cameroun est unique en Afrique de par sa richesse et sa diversité. Les sites d’hydroélectricité sont répartis sur plusieurs cours d’eau dans neuf des dix régions du pays. Il s’agit là d’un avantage car, la République Democratique du Congo (RDC) par exemple détient certes le plus grand potentiel hydroélectrique du continent, mais l’essentiel est concentré sur le fleuve Congo », explique Chamberlain Mba Abessolo, ingénieur spécialiste en conception d’aménagements hydroélectriques et conseiller technique à lAgence d’électrification rurale (Aer).

Il souligne que « la seule exception du Cameroun est la région de l’Extrême Nord où les cours d’eau coulent sur un relief plat. » L’expert Chamberlain Mba Abessolo résume ainsi le Cameroun : un pays dont l’essentiel des 58 départements portent chacun le nom d’un fleuve ou d’une rivière. Ces cours d’eau serpentent le territoire national du nord au sud, de l’est à l’ouest ; présentant des rapides, des chutes et des dénivellations qui sont autant de sites d’hydroélectricité.

Le potentiel hydroélectrique du Cameroun est déterminé depuis le temps de la Société nationale d’électricité (Sonel). Dans les années 1987-1988, l’entreprise publique commande à Energie de France (EDF) une étude qui a permis d’identifier 151 sites d’hydroélectricité exploitables sur près de 100 cours d’eau à travers le pays. Les plus connus sont la Sanaga, le Nyong, le Wouri, le Moungo, le Nkam, le Mbam, le Dja ou la Benoue. Parmi les plus anonymes, il y a le Kim, le Ligara, le Katsina Ala, le Mbikiliki ou encore le Tchar. Cette étude a évalué la puissance exploitable du Cameroun à quelque 12 500 mégawatts. La Banque mondiale pour sa part estime le potentiel à 12 000 mégawatts.

Ce niveau de puissance reste à ce jour peu exploité. Le lancement en 2011 du projet d’hydroélectricité de Lom Pangar dans la région de l’Est se justifiait par le constat suivant : l’immense potentiel hydroélectrique du Cameroun était exploité à seulement 3%. Le projet Lom Pangar a livré le barrage réservoir servant à stabiliser la production des barrages d’Edea et de Songloulou, les deux plus importantes centrales de production du pays, construites respectivement dans les années 1950 et 1970. L’usine de pied du barrage de Lom Pangar ne produit pour l’heure que 14 Mw sur les 30 Mw attendus.

centrales de production electrique au Cameroun Demande sans cesse croissante

Les besoins en énergie sont sans cesse croissants au Cameroun, explique l’entreprise Eneo en charge de la distribution.  Dans son rapport d’activités 2022, elle déclare 224 369 nouveaux branchements en basse tension (ménages) et 46 nouveaux branchements en moyenne tension (entreprises). Ces chiffres traduisent l’augmentation des consommateurs d’énergie, soit 100 000 nouveaux ménages branchés en moyenne par an depuis 2015. Au terme de l’année 2022, le total des ménages branchés de manière sécurisée était de 1 917 553, soit un accroissement annuel de 13,25%. En 7 ans (de 2015-2022), il y a eu un million de nouveaux consommateurs (ménages et entreprises). En d’autres termes, c’est la demande qui s’accroît ; et il faut de l’énergie pour la satisfaire. D’après l’Institut national de la statistique (INS), le taux d’accès à l’électricité est passé de 62,2% en 2018 à 70% en 2021. La BM estime le même taux à 65,4% en 2021.

L’évolution de l’offre hydroélectrique ne suit pas ce rythme effréné de la demande. Pourtant 75% de la production d’énergie dépend de l’hydroélectricité. Et les projets dans ce domaine ne prospèrent pas. L’économiste d’énergie Jean Marie Biada rappelle que le déficit énergétique au Cameroun ne cesse de se creuser. En 2002, l’offre était de 800 Mw pour une demande de 1000 Mw. Aujourd’hui, la capacité installée tourne autour de 1 600 Mw alors que les besoins ont déjà atteint 2200 Mw.

Seule la concrétisation des projets hydroélectriques va permettre le rééquilibrage. Si la centrale de Nachtigal Amont fonctionne à plein régime dès cette année 2024, elle apportera un supplément de 420 Mw. Il faudra surtout décentraliser la construction des aménagements hydroélectriques, croit savoir Chamberlain Mba Abessolo, conseiller technique à l’Agence d’électrification rurale. Le défi est alors d’attirer les investisseurs ou d’amener les conseils municipaux et les conseils régionaux à investir dans les petites centrales hydroélectriques afin d’alimenter leurs populations.

ASSONGMO NECDEM et Marie Louise MAMGUE

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