Présidentielle 2025 : A Dschang, des soupçons de fraudes électorales poussent les citoyens dans la rue
Les manifestations contre les soupçons de falsification des résultats de la présidentielle 2025, ont laissé derrière elles une cité meurtrie, des bâtiments incendiés et une population suspicieuse.
Dès les premières heures du jour, les habitants sortent sous une pluie battante, parapluie en main, pour constater les dégâts. Sur la route qui conduit au Parquet de Dschang, dans le département de la Menoua, région de l’Ouest, l’odeur âcre de fumée flotte encore dans l’air humide. Les murs du palais de justice sont noircis, les vitres éclatées, et les bureaux entièrement calcinés. Les dossiers d’audience, carbonisés, sont visibles.
Un peu plus loin, la toiture de la maison du parti du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdcp) n’a pas résisté à la fureur des flammes. « C’est ici que la foule s’est d’abord rassemblée avant que les choses ne dérapent », raconte Thomas, un menuisier du quartier. « On criait pour la vérité des urnes, mais quand le feu a commencé, plus personne ne contrôlait rien », témoigne ce riverain.
Au garage municipal, derrière le bâtiment principal de l’hôtel de ville de Dschang, trois camions municipaux et deux tricycles stationnés ont été endommagés. Les carcasses métalliques de ces engins de collecte des déchets reposent dans des flaques d’eau noire, au milieu desquelles les curieux prennent des photos.
Selon le colonel Abba Saïdou, commandant de la Légion de gendarmerie de l’Ouest, la guérite de la résidence du recteur de l’Université de Dschang, par ailleurs président de la commission communale de campagne du Rdpc, a été également incendiée par les manifestants. « Nous avons passé la nuit sur le terrain », confie un policier, qui tente de dissuader tout attroupement.
Autour des sites sinistrés, des habitants se rassemblent en silence. Certains filment, d’autres murmurent des commentaires amers. « Ce n’est pas ce qu’on voulait », lâche Jeanne, commerçante au marché central. « On voulait la justice, pas la destruction », déplore-t-elle avant de quitter la mairie de Dschang. Un constat que fait aussi Michel, étudiant en droit : « on ne pensait pas que ça irait aussi loin. Mais ce qui s’est passé montre que les jeunes ne croient plus au processus électoral ».
A en croire cet étudiant, « ce qui brûle aujourd’hui, ce n’est pas seulement le parquet ou la maison du parti. C’est la confiance du peuple dans le vote. Tant que la transparence sera perçue comme un leurre, chaque scrutin risque de raviver la colère ».
Selon les témoignages, tout est parti d’une alerte de Salifou Nzangou, délégué départemental du Front pour le Salut National du Cameroun (FSNC) de la Menoua, qui a, à travers un message largement relayé sur les réseaux sociaux, dénoncé ce qu’il qualifie de « falsifications massives ». Selon lui, certains procès-verbaux auraient été « réécrits ou substitués » sous pression, pour inverser les tendances en faveur du candidat du parti au pouvoir.
En fin d’après-midi, la situation a dégénéré à la suite de la mobilisation spontanée de la population. « Nous avons voté dans la transparence. Mais les chiffres qu’on nous présente n’ont rien à voir avec ce que nous avons observé dans les bureaux », fulmine Paul M., enseignant du secondaire. Pour lui, « personne ne veut la guerre, on veut juste la vérité ». Les sources policières locales annoncent l’interpellation d’une dizaine de jeunes manifestants.
Aurélien Kanouo Kouénéyé
Cet article a été produit dans le cadre du projet Partenariat pour l’intégrité de l’information.







