Crise postélectorale : guerre des chiffres autour des arrestations
Depuis l’annonce des résultats de la présidentielle du 12 octobre 2025, des manifestations ont éclaté au Cameroun, entraînant de nombreuses arrestations. Cependant, le bilan, selon les ONG et le Gouvernement, diverge.
Âgé de 34 ans, un étudiant en médecine a été tué par la police à Douala par balle lors des manifestations le 27 octobre 2025, par ailleurs jour où le président Paul Biya a été déclaré vainqueur de l’élection présidentielle par le Conseil Constitutionnel avec 53.66% des suffrages exprimés. Relève l’organisation mondiale dédiée à la protection et de défense des droits humains, Human Rights Watch (HRW). D’après cette Organisation de droit l’homme, c’est à travers les réseaux sociaux que le grand frère de ce défunt a vu circuler les images de son petit frère cadet. Il s’est donc mis en effet à chercher le corps de son frère dans divers hôpitaux de la ville y compris un hôpital militaire mais en vain.
Toujours d’après HRW, à Bafoussam dans la région de l’Ouest dans le quartier de Famleg, un homme a déclaré que son neveu âgé de 15 ans, a été blessé par balle devant son domicile le 28 octobre 2025. Selon cet homme, son neveu a été atteint suite aux tirs de gaz lacrymogènes et de balles réelles sur des manifestants. « La police et les gendarmes tiraient au hasard (…) Une balle lui a transpercé le dos et est ressortie par l’estomac », témoigne cet homme.
Cependant, affirme Gabin Kambi, spécialiste du droit international de l’homme et membre de l’ONG Recodh, réseau camerounais de défense du droit de l’Homme, leur association a reçu plusieurs victimes de balles lors de ces manifestations post-électorales. « La majorité d’entre elles présentent des blessures graves, dues à l’usage disproportionné de la force. Lorsque la police tire à balles réelles sur des civils, elle bafoue les principes fondamentaux de la protection de la vie humaine », déplore Gabin Kambi.
Toutefois, ces quelques incidents cités ne sont malheureusement pas des cas isolés. Selon le bilan provisoire des 149 avocats du Collectif de Défense Citoyenne du Cameroun, mobilisés dans sept régions du pays pour les violences post-électorales, publié le 17 novembre 2025, les premiers chiffres dressés sont lourds. « Environ 2 500 arrestations ont été opérées sur l’ensemble du territoire national, avec plus de 1 900 personnes toujours incarcérées à ce jour. Parmi elles figurent de nombreux mineurs, âgés de 14 à 18 ans », déclare le Collectif de Défense Citoyenne du Cameroun.
Par ailleurs, le rapport provisoire du Collectif indique que 39 personnes ont été tuées par balle dans plusieurs régions du pays, et que plusieurs victimes n’ont pas encore été formellement identifiées.
Contrairement aux chiffres du Collectif de Défense Citoyenne du Cameroun, lors de ses déclarations, Paul Atanga Nji, le ministre de l’Administration territoriale (Minat), a affirmé le 12 novembre 2025 qu’il y avait eu 16 morts et plus de 800 arrestations. De plus, dans chaque région où le Minat est passé faire le bilan des manifestations, les chiffres communiqués sont en deçà de ceux avancés par le Collectif.
Selon le Minat, ces tensions découlent de l’action de pyromanes et de politiciens irresponsables qui, à des fins égoïstes, instrumentalisent, droguent et manipulent des enfants âgés de 12 à 14 ans, afin qu’ils descendent dans la rue pour vandaliser les biens publics et privés.
Hyacinthe TEINTANGUE







