Aquaculture : « Le grand défi est de maintenir la tendance baissière des importations »
Dans cet entretien, Metchum Tayou, Directrice générale du cabinet SPHINGE, promotrice du festival de poisson NdemaLaSue dresse un état des lieux de la filière aquacole au Cameroun . Pour cette experte en marketing, l’aquaculture sera désormais un choix de carrière et une prise de risque business au Cameroun.
Il s’est tenu à Yaoundé du 02 au 07 décembre un salon réunissant les acteurs de la filière aquacole. Quel est l’état des lieux de cette filière ?
C’est une filière en pleine structuration au Cameroun, pour capturer les opportunités frémissantes du marché. La filière aquacole progresse avec constance depuis près de 10 ans, et il est question désormais qu’elle prenne sa vitesse de croisière.
La production est encore éparse, entre acteurs domestiques et producteurs industriels. La question du coût de l’aliment est lancinante. Les défis de distribution et de commercialisation restent entiers, pendant que le consommateur attend d’être séduit par de nouvelles saveurs pour adopter complètement le poisson d’élevage.
Depuis plusieurs années, le gouvernement camerounais est porteur de bons vœux pour le développement local de la filière aquacole. Mais à l’inverse, les données sur l’importation des produits halieutiques donnent le tournis. Ça coince où?
Les données que vous évoquez laissent espérer un avenir meilleur… La tendance est à l’inversion, par petits pas, en raison d’une conjoncture internationale particulièrement perturbée . Le grand défi est de maintenir la tendance baissière des importations jusqu’au grand shift. Il faut que l’écosystème poursuive ses efforts constants, car ce n’est pas gagné d’avance.
Malgré le développement de cette filière avec des acteurs de plus en plus nombreux dans le domaine, la demande locale a du mal à être satisfaite. C’est quoi le souci ?
C’est plutôt normal que dans la grande ruée il y ait de la confusion, et c’est donc à point nommé que le SIAC (Salon de l’interprofession aquacole du Cameroun Ndlr) réponde aux besoins d’organisation, de structuration, de mutualisation des efforts au sein de la filière.
Et vraiment chapeau à l’Interprofession OIDAC (Organisation professionnelle pour le Développement de l’Aquaculture au Cameroun Ndlr)
Il faut noter que le nombre de producteurs ne suffira pas à faire décoller la filière . Il faut surtout des investissements massifs, des porteurs jeunes, des opérateurs métiers, qui vont mettre toutes leurs énergies dans cette bataille. L’aquaculture est l’un des grands défis entrepreneuriaux pour les femmes, les jeunes, et les financiers. Ce ne sera plus seulement une activité de confort à domicile ou de recyclage d’une vie professionnelle déjà remplie, ce sera désormais un choix de carrière et une prise de risque business.
On remarque à travers les rues que la commercialisation du poisson est florissante, est-ce à dire que les Camerounais ont-ils la culture du poisson?
La culture du poisson au Cameroun est innée. Chacun des départements de notre beau pays est traversé par un fleuve, le triangle national étant parcouru par un réseau hydrographique très riche. Nous sommes familiers du poisson, d’espèces diverses et des façons de le cuisiner, si différentes…
Qu’est-ce qu’il faut pour un développement optimal de la filière au Cameroun ?
Nous pensons qu’il faut une intégration des acteurs de la chaîne de valeurs, et une attention particulière sur six (06) investissements structurants: l’énergie, la chaîne de froid, les équipements locaux, la digitalisation, la formation continue aux métiers intermédiaires – artisans écailleurs, Poissonniers, braiseuses- et bien sûr, la labellisation.
Propos recueillis par Paul Joel Kamtchang
