Babadjou-Bamenda : challenges d’exécution et des indemnisations
État du tronçon Matazem — Welcome To Bamenda, précisément à Santa

Babadjou-Bamenda : challenges d’exécution et des indemnisations

L’entreprise de construction routière, BUNS, accélère les travaux de réhabilitation de la route Bamenda – Babadjou, abandonnées en 2018 à cause de la crise sécuritaire. Après 10 mois de travaux, la première phase du projet, qui s’étend sur 17 km entre Babadjou à Matazem, a atteint un taux de réalisation de 33%. D’une durée de 18 mois, le projet couvre un total de 52 km de route. Malgré la reprise des travaux, les victimes attendent toujours d’être indemnisées.  Babadjou-Bamenda indemnisations

Sur les chantiers du lot 1 de la route Babadjou-Bamenda, (Babadjou-Matazem) et du lot 2 (Matazem-Welcome To Bamenda), les ingénieurs, les géomètres ainsi que des ouvriers de la société de construction routière BUNS, travaillent d’arrache-pied afin de respecter les délais. Des cônes d’affaissement en acier, des panneaux ainsi que des barricades sont installés pour attirer l’attention des usagers. Ces mesures de sécurité permettent aussi d’orienter les automobilistes et de contrôler la circulation entre les deux extrémités de cette route qui relie la région du Nord-Ouest à celle de l’Ouest.

Chaque ouvrier est affecté à une tâche spécifique. Certains régulent la circulation, tandis que d’autres nettoient ou terrassent la chaussée, utilisent des outils tels que les marteaux-piqueurs pour démolir les routes existantes, réparent des équipements, à l’instar des bétonnières et des réchauffeurs d’asphalte. Ils s’occupent aussi de l’installation du matériel nécessaire à la construction des canalisations et draines, et aux revêtements de surface.

La récente stratégie élaborée par le ministère des Travaux publics (Mintp), le maitre d’ouvrage de cette infrastructure, pour accélérer la réalisation du projet a facilité  la reprise de ces travaux de réhabilitation. Selon Nwainbi Paul Ayah, le délégué régional des Travaux publics pour le Nord-Ouest, ces travaux sont répartis en quatre lots et seront réalisés par les entreprises retenues par le ministère.

La réhabilitation du tronçon Matazem – Welcome To Bamenda (18,05 km), qui s’étend sur 18 mois est confiée à la société de construction de bâtiments BUNS. « Nous travaillons sur le lot 2 depuis 6 mois et nous avons déjà atteint 15 % du taux de réalisation. Le montant total du contrat s’élève à 21,52 milliards F Cfa et il arrive à expiration en janvier 2024 », déclare un représentant de BUNS qui a requis l’anonymat.

La société BOFAS a obtenu le contrat du lot 3, pour un montant de 14,32 milliards F Cfa, en vue de réhabiliter la voie de contournement de la falaise de Bamenda. Cette route s’étend sur 4,9 km et les travaux dureront 15 mois.

Selon le porte-parole de cette entreprise, un accent a été mis sur la qualité du matériel utilisé sur la route Babadjou – Bamenda. « Conçus pour avoir une durée de vie minimale de 20 ans, les matériaux utilisés pour les travaux de réhabilitation des lots 1 et 2 ont été triés sur le volet », déclare le représentant de BUNS. Il précise que « les deux chaussées comportent quatre couches : la couche de forme, la couche de fondation, la couche de base et la couche de roulement ».

Avant le début des travaux sur le terrain, BUNS et une équipe technique du MINTP ont réalisé une étude technique afin de sélectionner les matériaux appropriés. « Nous avons pour mission de contrôler, en collaboration avec l’administration, l’approbation de tous les matériaux avant son utilisation. Nous sommes convaincus que l’utilisation des matériaux de qualité assurera une durabilité de 20 ans », souligne le maître d’œuvre.

La réalisation de ce projet a débuté par une étude préliminaire du sol, suivie des travaux de terrassement (déblais, remblais et fondation inférieure). BUNS a ensuite procédé à la pose d’une sous-couche au-dessus de laquelle une couche de fondation a été posée. Les ouvriers ont achevé par la pose d’une couche de roulement.  « BUNS fait un excellent travail en élargissant d’abord la route, en laissant assez d’espace pour les tuyaux de drainage, les ponts et la chaussée. D’après mes estimations, le temps de trajet entre Santa et Bamenda a été réduit à environ une heure, voire moins, contre une durée de deux heures avant les travaux », a déclaré Martial Gnoukapasir, un usager de la route.

Défis sécuritaires

Shey Haruna Babangida, ingénieur des travaux et co-fondateur de HABA Construction Company Limited, estime que de considérables progrès ont été accomplis dans la réhabilitation du tronçon Babadjou-Bamenda, même si les travaux sont encore en cours. « BUNS a mis en place une méthodologie d’exécution dans laquelle ils ont commencé par le traitement des points critiques, rendant ainsi la circulation entre Bamenda et Bafoussam fluide. D’autre part, la mobilisation et l’engagement de l’entreprise sont presque irréprochables », a réitéré M. Haruna, ajoutant que le gouvernement travaille en étroite collaboration avec cette structure, pour s’assurer que les objectifs du projet sont atteints dans les délais impartis.

Contrairement aux autres tronçons, les travaux sur la voirie urbaine de Bamenda (lot 4) n’ont pas encore commencé. Une situation qui impacte les habitants  qui doivent braver au quotidien la poussière  et les nids de poule. « Conformément aux instructions relatives au lot 4, une double chaussée de 16 à 17 km devait être aménagée. À la reprise des travaux, les habitants de Bamenda, par le biais du conseil municipal, ont demandé une route large de 30 mètres. Sauf que ces dimensions sont bien plus grandes que les standards initialement prévus par l’État », précise le délégué. Il souligne que « le MINTP doit réaliser de nouvelles études pour redéfinir les termes contractuels relatifs au lot 4 ».

Selon les informations relayées par Stopblablacam, la société Sogea-Satom, initialement chargée de la réhabilitation de cette route, a suspendu ses travaux en 2018 et s’est retirée du projet en 2020 en raison du contexte sécuritaire dans la région du Nord-Ouest. Le délégué régional MINTP, Nwaimbi Paul Ayeah, affirme toutefois que les défis sécuritaires induits par la crise sont contenus par les forces de maintien l’ordre. « En début 2018, en raison de la crise sécuritaire dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, les travaux ont été interrompus avec le départ de Sogea-Satom. Mais jusqu’à présent, aucun obstacle technique majeur n’a été constaté depuis la reprise des travaux. L’approvisionnement des fonds sera assuré de manière régulière, toutes les conditions financières nécessaires ayant été remplies avant la reprise des travaux. Nous sommes confiants quant à la réception d’au moins deux lots, voire trois, d’ici l’année 2024 » a-t-il ajouté.

Toutefois, la société BUNS a fait part de certaines difficultés, notamment liées à la saison des pluies qui ralentit l’évolution des travaux. « Il est assez difficile de travailler dans ces zones pendant la saison pluvieuse. Par conséquent, nous avons arrêté les travaux. De plus, l’approvisionnement irrégulier en carburant rend le travail difficile », déclare le responsable de BUNS.

Outre le volet technique, Missimikim Martial, consultant international en sécurité routière à Securoute Africa, pense que le MINTP et les sociétés d’ingénierie doivent veiller à ce que la route réhabilitée corresponde aux critères de sécurité 3 étoiles ou plus de l’IRAP pour les usagers de la route. « La sensibilisation des automobilistes doit être faite à travers les panneaux de sécurité routière afin d’éviter tout accident pendant et après la réhabilitation », a-t-il ajouté.

En effet, explique Haruna Babangida : « le tronçon de 52 km de la nationale n° 6 présente de nombreuses zones accidentogènes (zones de glissement de terrain, étroitesse de la chaussée, nids de poule, virages serrés, falaises, etc.)  Des zones qui ont rendu les déplacements difficiles, affectant ainsi les échanges interurbains, notamment le commerce, les coût des tarifs de transport et la durée de voyage ».

Babadjou-Bamenda road
Des ouvriers en activité sur le tronçon Matazem – Welcome To Bamenda (lot 2)

Réhabilitation de la voirie urbaine

Selon le Cercle International pour la Promotion de la Création (CIPCRE), l’insécurité causée par la crise dans la région n’est pas le seul défi à relever. « Il s’agit également de la sécurité ou du bien-être mutuel des populations locales face aux VBG (violence basée sur le genre) de toutes formes, à la destruction des biens, aux dettes des travailleurs et à d’autres types de désagréments qui pourraient découler des travaux de réhabilitation de cette route », précise cette organisation.

Le MINTP a octroyé des fonds pour les travaux de réhabilitation de certaines routes principales dans la ville de Bamenda en attendant la maturation du nouveau projet qui contient de nouveaux indicateurs. « Nous effectuons des travaux en régie afin de remédier aux problèmes aigus de la ville, de sorte que la population ne soit plus exposée à la poussière et puisse poursuivre ses activités économiques sans heurts », explique le délégué régional.

Paul Achombeng Tambeng, maire de la ville de Bamenda, a quant à lui développé un projet de réhabilitation des routes, baptisé « Care-taking measure » de certains quartiers afin de facilité la mobilité de la population.  « Il s’agit d’un projet développé par le conseil municipal et qui n’est pas financé par la Banque mondiale. C’est une mesure temporelle pour rendre les routes impraticables, praticables. Ce travail se fera grâce à la mobilisation communautaire. Nous commencerons par Mbatu, Nsongwa et Chomba. Nous invitons toutes les communautés à participer à la réalisation de ce projet », sollicite-t-il.

En effet, le projet de réhabilitation du tronçon routier Babadjou-Matazem-Bamenda est réalisé grâce à un financement de 192 millions de dollars (soit 113 milliards de FCFA) de la  Banque Mondiale. Ce projet, précise cette institution bancaire, a pour but d’aider le Cameroun à élaborer un programme à moyen terme d’investissements prioritaires dans le domaine des transports. Cet instrument de planification devrait, entre autres, faciliter la mobilisation des ressources budgétaires pour des investissements ciblés dans le secteur des transports.

Indemnisation

Pendant que les travaux évoluent, les victimes de ces projets attendent toujours d’être indemnisées. « Malgré le suivi effectué par mon avocat, je n’ai reçu aucune information concrète à ce jour, si ce n’est que l’Etat prévoit de m’indemniser ultérieurement », déplore Payne Flora, habitante de la ville de Bamenda dont la maison a été détruite.  Tout comme elle, plusieurs autres victimes sont toujours en attente.

Selon un rapport de la Banque mondiale en 2016, 502 individus ont été touchés par le projet, dont 232 habitants de la Mezam et 275 des Bamboutos. Parmi ces personnes touchées, 405 possédaient des arbres et des plantes cultivées dans les zones d’emprise du projet. 70 personnes possédaient des propriétés qui représentaient la majorité du coût d’indemnisation. De plus, 221 parmi ces personnes sont âgées d’au moins 55 ans, dont 17 femmes. 66 commerçants du marché de Bamenda ont été touchés. 65,7 % des biens affectés dans la ville de Bamenda sont des clôtures et des hangars, tandis que les maisons représentent 32,4 %. « L’État s’occupe actuellement des dossiers des victimes du projet Bamenda – Babadjou », déclare Paul Ayeah, délégué régional MINTP NW, tout en précisant que « le nouveau budget et les individus à indemniser ne seront connus qu’à l’issue des études à venir ».

Maikem Emmanuela

Cette enquête a été réalisée dans le cadre du projet Open data for Governance in Cameroon (ODAGOCA), initiée par ADISI-CAMEROON, avec l’appui financier International Freedom of Expression Exchange (IFEX).
A lire aussi :  Babadjou-Bamenda road: Challenges in execution and compensation

Leave comment

Your email address will not be published. Required fields are marked with *.