Consommation : la production de la viande chute de 36 % en 2025

Derrière le retour apparent à la normale après les tensions post-électorales, les chiffres officiels révèlent un effondrement profond de cette filière au Cameroun.

Pendant les tensions post-électorales, les Camerounais ont eu un avant-goût d’un pays sans bœuf : routes barrées, camions immobilisés, marchés vides. À Yaoundé, certains bouchers du marché Etoudi n’avaient plus rien à vendre. « On n’avait même plus les parures », souffle Roger, encore marqué.

La circulation a repris, mais la pénurie, elle, est restée. Et les chiffres dévoilés le 26 novembre 2025 par le Premier ministre, Joseph Dion Ngute confirment l’ampleur du choc : 172 mille tonnes de viande produites, soit –36,46 % en un an. Toutes les filières reculent : bétail bovin, volaille, porc, caprin et ovin.

Dans les marchés, il se dégage pourtant un retour à la normale. Une « normalité trompeuse », d’après Ali, boucher depuis 18 ans au marché du Mfoundi à Yaoundé, qui reçoit désormais « trois carcasses au lieu de six ». À Essos, Aline achète toujours le morceau de viande de porc à 1000 F Cfa au marché Mvog Ada, mais elle avoue que même si le prix est resté inchangé, la quantité, elle, a diminué.


Selon Dr Patrice Ngono, agronome, cette chute simultanée de toutes les filières révèle un mal plus profond : « Si tout baisse, ce n’est pas une crise ponctuelle, c’est le système d’élevage qui s’effondre. Les éleveurs n’ont plus les moyens de nourrir leurs animaux, les pâturages disparaissent, l’insécurité vide le cheptel. Les troubles post-électoraux n’ont fait qu’accélérer le déclin. »

Cet agronome, revèle que dans le septentrion, les pâturages sont asséchés, les points d’eau rares, les couloirs de transhumance dangereux. Les coûts des aliments, vaccins et soins vétérinaires explosent, poussant de nombreux éleveurs à vendre leurs bêtes trop tôt ou à abandonner l’activité. Résultat : le cheptel national fond et la viande devient structurellement insuffisante.

Les conséquences sont déjà visibles, déplore Béatrice Mbida, experte en chaîne alimentaire : « Moins de viande, c’est moins de protéines animales. On glisse vers une crise nutritionnelle, surtout chez les enfants des ménages pauvres. » La pénurie alimente aussi des circuits informels. Le vétérinaire Dieudonné Oumarou met en garde : « Quand la viande manque, les familles achètent n’importe quoi. Les abattages clandestins explosent, avec un risque réel d’intoxications. »

Le gouvernement annonce des projets d’insémination artificielle, de centre de semences à Wakwa, marché régional du bétail Douala-Édéa.  Mais leurs effets seront visibles « dans quelques années, pas maintenant », rappelle Dr Patrice Ngono.

Dans les marchés populaires, les mères ajustent leurs recettes, les bouchers divisent les portions, et les consommateurs s’habituent à une viande rare. Autour des étals presque vides, la question revient partout : les tensions post-électorales étaient-elles un accident ou un signal ?

Mélanie Ambombo

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