Covid-19 : Des floriculteurs du Sud-Ouest enregistrent une perte de plus 3 millions F Cfa
Un champ de fleur

Contrairement à la crise anglophone, le Coronavirus a plus affecté ce secteur d’activité qui compte une quarantaine de producteurs dans cette région.

Passionné de la floriculture, Francis Nekoli, un fonctionnaire en exercice, y consacre la majeure partie de ses journées, à quelques exceptions près. « J’avais une grande commande qui devait aller à Douala hier, c’est pourquoi je ne suis pas au champ aujourd’hui », confie-t-il. Propriétaire d’une parcelle de terre de 3 hectares à Bokwango, quartier situé au sud de Buea dans le département du Fako, région du Sud-Ouest, Francis ne consacre pour l’instant que, la moitié de son terrain à la culture des fleurs, faute de moyens financiers.

Le floriculteur qui s’est lancé dans cette activité il y a environ 8 ans, décrie le faible engouement des jeunes dans ce secteur pourtant générateur d’emplois, d’où sa décision de former quelques-uns.  « Nous encourageons les jeunes qui n’ont pas pu continuer les études pour une quelconque raison, de s’y lancer », indique-t-il. A cette volonté de voir les jeunes se tourner vers la floriculture, Francis décide de prendre une vingtaine d’entre eux sous son aile. Ceux-ci lui allègent la tâche lors des récoltes. « J’ai environ 26 jeunes avec qui je travaille, mais ils n’ont pas d’argent pour acheter des terrains. Ils travaillent dans le mien en attendant de collecter tout ce qu’ils gagneront pour entrer en possession du leur », confie-t-il.

Covid-19

Comme dans plusieurs secteurs d’activités, la Covid-19 a engendré des perturbations dans le secteur de la floriculture. « Le marché était lent, le business était complètement en arrêt, les fleurs mourraient dans les champs… La perte que j’ai enregistré en cette période (de juillet à décembre) est estimée à plus de 3 millions », révèle Francis Nekoli. Comme lui, David Akema dit avoir passé de mauvais moments durant la période forte de la Covid-19. « J’ai perdu des centaines de mille pendant cette période », confie-t-il sans en dire plus.

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Habitué à avoir un bénéfice mensuel qui oscille entre 200 000 F Cfa et 300 000 F Cfa, et environ 500 000 F Cfa en une semaine au mois de décembre, Francis déclare que la Covid-19 a été un ravisseur. Sans dire exactement à combien s’élevaient désormais ses revenus au plus fort de la crise sanitaire. Il avoue néanmoins avoir connu des mauvais jours. Une réalité qui a affecté toute la chaine. « Personne n’a été épargnée. Nous avons eu des fleurs, mais pas de commandes, ce qui a engendré beaucoup de pertes », explique Pierre Magane Ndoki, commerçant au marché des fleurs de Douala.

Durant la période Avril-Mai 2020, dit-il, les fleurs qui se vendaient à 300 F Cfa l’unité sont passées à 500 F Cfa, tandis que la botte de 50 fleurs est passée à 50 000 F Cfa, alors qu’elle ne coûtait que 12 000 F Cfa, et parfois 10 000 F Cfa. Pour Rose Mbonde, promotrice de Horti-Floral Institute; la seule école de formation des floriculteurs au Cameroun et en Afrique centrale située à Buea, cette période a été plus difficile à gérer que la crise sécuritaire qui secoue le pays depuis bientôt 5 ans. « La crise anglophone n’a vraiment pas eu d’incidence sur notre secteur d’activité, c’est plutôt la Covid-19 qui a impacté le marché. Il était totalement mort », a-t-elle révélée.

Une activité encore à la traine

Malgré la demande de plus en plus grande, et les bénéfices qu’elle génère, la floriculture est malheureusement encore mal structurée au Cameroun. Ce qui explique sa faible portée dans le marché local. « Les floriculteurs ne sont pas financés, ils sont mal organisés, ils ont une faible capacité de négociation parce que ce sont des individus, ils ne font pas le lobbying. Pourtant, lorsqu’ on a un pareil secteur où des personnes ne savent pas que c’est porteur, on doit faire le lobbying », souligne Jackson Ntapi, Délégué régional de l’Agriculture et du Développement rural (Minader) pour le Sud-Ouest.

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Selon Rose Mbonde, la mauvaise volonté des pouvoirs publics qui n’ont aucun programme pour ce secteur d’activité est la principale raison de cette stagnation, un point de vue que ne réfutent pas les autorités locales. « C’est vraiment négligé par l’administration. On s’en fou s’ils sont structurés, on s’en fou s’ils ont les ressources, pourtant on accompagne les autres secteurs d’activité », relève le Délégué du Minader pour le Sud-Ouest.

Pour une meilleure organisation, Jackson Ntapi suggère de mettre en place une coopérative, une idée qui semble prendre forme. « Nous avons une association en voie d’être enregistrée. Nous sommes déjà une quarantaine, mais nous voulons être au moins 50 pour entamer la procédure », indique Francis Nekoli, par ailleurs président désigné de l’association. En attendant l’effectivité de ce regroupement, les floriculteurs continuent de panser les blessures de la Covid-19.

Ce travail a été réalisé dans le cadre du projet « Accès à l’information en période de Covid-19 » avec le soutien de Free Press Unlimited.

Michèle EBONGUE

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