Covid-19 : L’hôpital Laquintinie passe de 13 000 à 250 consultations prénatales
Consultation prenatale hopital Nylon 2019-2020

Sur près de 15 000 consultations prénatales et plus de 3 000 naissances réalisées par mois avant la survenue de la Covid-10, Laquintinie a vu ses chiffres sur ce segment diminués de plus de la moitié à cause du Coronavirus.

Hôpital Laquintinie de Douala ce mercredi 5 août 2020, une dizaine de femmes barre l’allée qui donne au Département de gynécologie obstétrique. Certaines sont assises sur des bancs disposés au couloir, tandis que d’autres sont debout, en attente d’être reçues par le gynécologue. Il faut s’armer de patience. Une infirmière enregistre et fait entrer les patientes selon les indications du médecin qui reçoit en fonction des arrivées. Toutes n’y sont pas pour des visites prénatales. Certaines patientes sont venues pour des visites de routine. « Je ne suis pas enceinte, je suis juste venue me faire consulter », souligne une patiente.

La situation est quasiment la même à l’hôpital de district de Nylon de Douala dans le 3ème arrondissement, où plusieurs femmes attendent d’être reçues. Les plus fatiguées s’étalent sur les sièges et ne se lèvent qu’après avoir été appelées. Contrairement aux patientes rencontrées à l’hôpital Laquintinie, toutes sont enceintes. « Je suis à ma 2e semaines de grossesse et c’est ma première consultation », témoigne Jeanne Carole Tamu.

Alors que les fréquentations des centres hospitaliers semblent abondantes, les données elles, disent le contraire. « Nous faisions 14 000 à 15 000 consultations le mois. Pendant la période de Covid-19, soit celle allant de mars à juillet 2020, on est passé à environ 250 consultations le mois. Nous étions à près de 3 000 naissances, nous sommes passés à 900, voire 850 », témoigne Dr. Henri Essome, chef de département de gynécologie obstétrique de l’hôpital Laquintinie de Douala.

Outre l’hôpital Laquintinie, l’hôpital Général de Douala a également connu une baisse de fréquentation des femmes enceintes. Bien que cette formation n’accueille pour la plupart, que des cas à haut risque. Selon le Pr Charlotte Tchente Nguefack, chef de service de gynécologie obstétrique de l’hôpital Général de Douala, l’hôpital a enregistré au 1er trimestre de 2020, 162 femmes pour les premières consultations prénatales, contre 80 au 2e trimestre de la même année. Les deuxièmes, troisièmes et quatrièmes consultations sont respectivement passées de 84, 101, et 90,  à  63, 73, et 77 au 2e trimestre.

Sur une comparaison annuelle, l’hôpital de district de Nylon révèle que ses consultations prénatales ont connu une légère hausse au mois de mars, où le premier cas de Covid-19 a été enregistré au Cameroun. « Elles sont passées de 368 en 2019, à 370 en 2020 », souligne Emaculate Siri, Major des consultations prénatales à l’hôpital de district de Nylon. En avril 2019, 312 femmes enceintes se sont fait consulter dans cet  hôpital, contre 279 en 2020. Au mois de mai, la fréquentation est passée de 297 en 2019 à 275 en 2020 ; de 282 à 273 en juin, et de 340 à 181 en juillet 2020. « La période de juillet à août est quasi morte. Il y a des femmes qui ratent leurs rendez-vous parce qu’elles sont allées accompagner leurs enfants au village, partis pour les vacances », tente d’expliquer Dr. Freeman Mvondo, Gynécologue obstétricien à l’hôpital de district de Nylon.

Changement des habitudes

Selon le médecin de la santé publique, Dr Roger Etoa, plusieurs reports de consultations ont été faits en cette période de forte croissance de nouveaux cas de Covid-19, et les femmes enceintes n’y ont pas échappé. « Je ne suis pas allée à l’hôpital à cette période. J’évitais les établissements hospitaliers, maintenant, je n’ai plus de choix », lâche Christelle Kaptuée à 6 mois de grossesse.

Même si toutes n’ont pas déserté les formations sanitaires, plusieurs se sont tournées vers les centres qui ne prennent pas en charge les patients de Covid-19. « Pendant cette période, je ne venais pas en consultation, j’allais ailleurs, au quartier. J’avais peur des hôpitaux publics, car quand tu y allais, à la simple grippe, on te diagnostiquait la Covid-19 », relate Angèle, enceinte de 6 mois.

  chute des visites prénatales à l’hopital général de Douala

Le médecin de la santé publique explique que les femmes enceintes « se sont plutôt tournées vers de petites formations sanitaires qui ont donné l’air d’être beaucoup plus sécurisées ». Et dans ce cas, « on ne peut pas dire qu’il y a eu baisse de la fréquentation, il y a eu un changement des habitudes de fréquentation de visites prénatales », relève Dr Roger Etoa. A l’en croire, les sites les plus impactées étaient les formations sanitaires où l’on prenait notoirement en charge les cas de Covid-19, notamment l’hôpital Laquintinie, l’hôpital gynéco-obstétrique de Yassa, et l’hôpital général de Douala.

Kits d’accouchement

L’absence, l’intermittence ou les mauvaises consultations prénatales sont selon les médecins, un danger pour la femme enceinte. Surtout que ces consultations permettent de confirmer la grossesse, de la tâter, de pouvoir évaluer, de faire le diagnostic des maladies congénitales, et de planifier le reste de suivi de la grossesse et de l’accouchement. « Il y a des choses qui lorsqu’elles ne sont pas détectées à temps, c’est les fausses couches qui suivront. Il y en a qui doivent être faites à leur temps. Il doit y avoir la volonté de se faire suivre, et de par cette volonté, nait une solution », déclare Dr. Henri Essome. Pour le gynécologue, la visite prénatale consiste à évaluer l’état de santé de la femme enceinte, car il faut accoucher d’un être viable, encore qu’il y a des déformations que seule l’échographie peut montrer. « La consultation du 1er trimestre est une période très importante qu’il ne faut pas louper. La rater, peut avoir un impact négatif sur le suivi de la grossesse, le devenir de l’accouchement », souligne Roger Etoa.

Le Ministère de la Santé publique (Minsanté) a estimé que 137 800 accouchements ne pourront pas se réaliser dans les formations sanitaires. Pour encourager les femmes, le Minsanté, Dr Manaouda Malachie a procédé le jeudi 13 août 2020, au lancement de la stratégie de « Baby Box », un lot d’outils dont a besoin un nouveau-né. 5 régions à savoir l’Extrême-Nord, le Nord, l’Adamaoua, l’Est et le Centre ont reçu ces kits d’accouchement à redistribuer dans 21 formations sanitaires pout la 1ère phase. La Fédération internationale de gynécologie obstétrique (Figo), de son côté, a recommandé des consultations prénatales ciblées pendant cette période de covid-19, pour les femmes à bas risque, soit celles qui n’ont pas d’antécédent particulier. Elles se résument en des examens essentiels réalisés sur la femme enceinte.

Michèle EBONGUE

3 thoughts on “Covid-19 : L’hôpital Laquintinie passe de 13 000 à 250 consultations prénatales

  1. De 15000 à 250, l’écart est vraiment très grand.
    Pourvu que les petites formations sanitaires qui ont bénéficié de cette situation soient à la hauteur.

  2. Très bon article, j’ai eu du plaisir à le lire.
    Je me demandais bien à la lecture que ces femmes désertent les grands hôpitaux mais où est ce qu’elles partent, mais j’avais déjà ma réponse à l’esprit en lisant, et l’article plus bas l’a confirmé: les petites formations sanitaires. Ce sont elles qui ont profité de la situation.

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