Crise des ordures au Cameroun : depuis 2016, j’en appelle à une réduction des déchets de nos ménages !
Face aux difficultés de collecte de déchets, il convient que l’élimination ne soit plus que l’ultime recours, car chacun aura mené des actions en amont …
C’est au plus fort de l’une des multiples crises de déchets au Cameroun que mon analyse a conduit à la nécessité, en marge des activités de l’entreprise collectrice (HYSACAM), d’une réduction des déchets au niveau des ménages.
Les raisons évoquées pour les différents épisodes d’excès d’ordures font presque toujours état de l’asymétrie entre les moyens mis à la disposition de l’entreprise qui collecte des déchets et les besoins ou tout simplement les dettes non réglées par l’État.
La gestion des déchets est un enjeu majeur de santé publique dans plusieurs pays. Les conséquences d’une mauvaise gestion se recrutent aussi bien sur l’atteinte de la santé humaine et animale que de l’environnement.
Selon un rapport de la Banque mondiale intitulé What a Waste 2.0, le monde produit 2,01 milliards de tonnes de déchets urbains solides par an, dont au moins 33 % ne sont pas traités correctement, c’est-à-dire dans le respect de l’environnement. Le même rapport indique que le volume des déchets produits chaque année va augmenter de 70 % au cours des 30 années à venir, pour s’établir à 3,4 milliards de tonnes. En cause, l’urbanisation rapide, la croissance démographique et le développement économique.
La production de déchets des ménages urbains au Cameroun a été déjà évaluée en 2015 à environ 2,5 millions de tonnes l’an, soit 53,3% des déchets générés par tous les ménages. D’après PROPARCO (2018), la société Hygiène et salubrité du Cameroun (HYSACAM) fondée en 1969 est le principal acteur privé de gestion des déchets du pays et opère sous délégation de service public le service de collecte et de traitement des déchets ménagers dans 17 villes du pays. HYSACAM collecte plus de 1,5 million de tonnes de déchets par an, soit plus de 4 000 tonnes par jour (sur les 16 000 tonnes par jour environ produites dans le pays).
Aujourd’hui, avec l’urbanisation galopante et l’accentuation de l’exode rural, la production des déchets a forcément augmenté or HYSACAM semble végéter.
À moins donc qu’un plan révolutionnaire soit en cours pour relever cette capacité, même avec toute la volonté, nos grandes villes auront toujours les déchets non gérés. Une réduction de la production des déchets dans les ménages pourra réduire substantiellement son volume. J’en fais d’ailleurs écho depuis 2016 notamment sur une page Facebook créée à cet effet.
Il s’agit en effet d’outiller les ménages par une formation ou une sensibilisation afin de leur apprendre à réduire leurs déchets à la source, à trier et à devenir de réels acteurs dans la gestion des déchets. L’avantage à en tirer est le fait que la population contribuera ainsi à la préservation de la santé qui, avant tout, est individuelle ! Ces actes ne viendront en rien dédouaner les autorités dans leur rôle d’enlèvement (« collecte n’est pas mieux dit ?) et de traitement de déchets.
La démarche préconisée ici consiste en la méthode « 3RVE». L’expression « 3RVE» est une abréviation des mots suivants : réduction à la source, réemploi, recyclage, valorisation, élimination écologique. Il s’agit d’une méthode dont la vulgarisation incombera à l’État qui peut externaliser à l’entreprise d’enlèvement des ordures. Concrètement, voici en quoi consiste chaque aspect :
Réduire les déchets à la source : il s’agit, depuis la source, de limiter la production des déchets. Cela consiste à prioriser les activités dont le dénouement fera le moins de déchets ou rebuts possibles. Par exemple, lors des achats au marché ou au supermarché, il convient d’avoir un sac dans lequel l’on mettra plusieurs articles sans qu’on ait besoin d’emballer individuellement. Ainsi, l’on n’aura plus besoin de préparer des papiers ou plastiques pour contenir uniquement l’ail, le gingembre, … Lors du choix d’un fournisseur, prioriser celui dont les produits et process auront le moins de déchets. Il en est de même du choix des bidons de 10 ou 20 litres d’eau au détriment des petites bouteilles.
Réemploi / Réutilisation : Le réemploi est toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui ne sont pas des déchets, sont utilisés de nouveau pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus. Exemple : l’utilisation des bouteilles de boissons gazeuses ou alcoolisées par les sociétés brassicoles pour les mêmes produits. Réutiliser consiste à se servir des substances, matières ou produits pour un usage différent de ce pourquoi ils ont été conçus. C’est le cas de l’utilisation de l’huile de palmiste dans une bouteille qui précédemment contenu de l’eau minérale.
Recyclage : les matériaux usagés sont collectés, triés, traités et transformés pour être réutilisés. Il s’agit de transformer les déchets en de nouveaux produits. Le papier et le carton sont souvent déchiquetés et transformés en pâte à papier ou en alvéoles d’œufs. Les plastiques sont fondus et réformés en granulés de plastique. De cette façon, l’on réduira de façon importante les quantités à éliminer, car le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas !
Valorisation : C’est l’ensemble des techniques qui permettent d’utiliser un produit dont les matières ne peuvent plus être utilisées telles qu’elles. Il s’agit en effet d’un terme générique qui rassemble différentes techniques pour le réemploi, la récupération ou le recyclage de matières résiduelles, dans le but de les détourner de l’élimination. On prend alors souvent l’exemple du compost qui permet de transformer la matière organique en un produit « valorisé ». Il est possible de valoriser les produits, les matières premières contenues dans ces produits ou l’énergie que l’on peut obtenir à partir de ces produits. Par exemple, le compostage permet de valoriser les résidus alimentaires et les résidus de jardin. Par exemple, les déchets de bois qui ne peuvent pas être réduits, réutilisés ou recyclés pourraient être incinérés pour produire de l’énergie sous forme de carburant ou collectés dans un digesteur (conteneur) pour une réaction biologique anaérobie afin de produire du carburant gazeux (biogaz). Plusieurs initiatives privées pourront être les bienvenues ici sous un réel accompagnement des pouvoirs publics.
Élimination : Cela inclut toute opération visant la destruction définitive de matières résiduelles, notamment par l’enfouissement, le stockage ou l’incinération. Il s’agit du dernier recours. Cette option qui coûte chère, autant à l’environnement qu’au portefeuille, consiste à ne déposer dans les bacs à ordures que les déchets ultimes qui sont des résidus qui ne peuvent être réutilisés, recyclés, valorisés ou compostés. Ils sont acheminés vers des lieux d’enfouissement technique. À minima, un tri devrait s’effectuer en amont et différents types de bacs selon la nature du déchet (plastique, papier, verres, …) avec le plus souvent une variation de couleur. Ceci nécessite en amont une vaste sensibilisation de la population et une réorientation de l’entreprise collectrice des déchets qui, selon les orientations actuelles de la décentralisation au Cameroun, devra être sous l’égide des collectivités territoriales.
En somme, il convient d’assurer une saine gestion des matières résiduelles. Pour ce faire, il faut privilégier, par ordre de priorité, la réduction, le réemploi, le recyclage, les formes autres de valorisation puis l’élimination de ces matières. Face aux difficultés de collecte de déchets, il convient que l’élimination ne soit plus que l’ultime recours car chacun aura mené des actions en amont autant que faire se peut pour que diminue significativement ce qui est déposé dans les bacs à ordures.
Dr Pierre Moueleu, Consultant-Formateur en QHSE (Qualité, Hygiène, Sécurité et Environnement)
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