Des champs aux étales : le calvaire des producteurs de la région l’Est

« Vie chère » (4/5) Du fait de l’enclavement des bassins de production, de l’absence des moyens de transport et des tracasseries routières, les agriculteurs bradent leurs produits à vil prix aux grossistes en provenance de grandes métropoles au détriment du marché local.

Avec une population estimée à 3000 âmes cohabitant avec environ 12.000 réfugiés centrafricains depuis 2014, constitués majoritairement d’agriculteurs et d’éleveurs, Lolo, un grand village de l’arrondissement de la Bombé, département de la Kadey à l’Est, n’a pas de marché. Une situation qui handicape les producteurs agricoles, à en croire, Nicolas Mbonga, chef du troisième degré de cette localité, qui éprouvent des difficultés à écouler leur production.

« Ne pouvant pas atteindre le marché de Batouri à 90 km du village, encore moins celui de Kentzou à seulement 30 km à cause du mauvais état de la route, nous sommes contraints de barder nos produits.  Une cuvette d’arachides qui coûte 7000 F Cfa en ville, nous la cédons à 3000 F Cfa aux grossistes qui parviennent à arriver ici grâce à leurs pick-up. Ce qui fait perdre aux 50 femmes engagées dans cette activité, près de 200. 000 F Cfa à chaque vente », se plaint Madeleine Miankoi, grande productrice d’arachides, de maïs, de banane plantain, et manioc de Lolo.

Un problème auquel sont également confrontés les producteurs de Ngomdouma dans l’arrondissement de Doumaintang dans le Haut-Nyong. « Nous souffrons du mauvais état des pistes rurales surtout en saison des pluies. Il arrive que nous passions deux jours entre le village et la route centrale à pousser la voiture. En plus de ces conditions, les contrôles routiers présents le long du trajet nous ponctionnent à chaque passage », déplore Jean Eloundou, producteur de banane-plantain depuis une vingtaine d’années, qui ne parvient toujours pas à vivre du fruit de son travail.  En plus de ces tracasseries, il ajoute que faute de moyens de locomotions, les récoltes  pourrissent dans les champs, faisant perdre plusieurs millions de F Cfa aux 70 cultivateurs que compte le village.

Les routes en décrépitude

Des difficultés qui trouvent leurs origines dans un problème structurel qu’est le mauvais état des routes, et qui constituent un obstacle majeur chez les producteurs agricoles qui peinent à acheminer leurs productions dans les zones urbaines. En 2024, Armand Njodom, Secrétaire d’Etat au Travaux publics chargé des routes, affirmait que dans cette région : « l’état du réseau routier présente des faiblesses. Au 31 décembre 2023, le réseau routier dont le linéaire est de 13 401.14 km, affichait un taux de 7,87% pour les routes en bon état, 18,96% pour celles en moyen état et 73,17% pour les routes en mauvais état, c’est à dire présentant au moins un point de rupture, des nids de poule récurrents ou de grandes profondeurs ». Il est à rappeler que d’après l’Etude de référence publiée par MDPI en 2024, sur l’agriculture entre 2009 et 2018, la région joue un rôle non négligeable dans la production agricole et aquacole nationale.

A en croire Alain Ponga habitant du village Bayong 1 dans l’arrondissement de Doumé, pour contourner cet obstacle, les producteurs se sont organisés pour trouver un moyen de transport afin d’évacuer leur produit. « À cause de l’enclavement de la région et du manque des moyens de transport, les producteurs de Bayong 1 s’organisent chaque fin du mois pour transporter leurs marchandises au marché périodique de Yademé à Bertoua. A cet effet, il loue une camionnette à raison de 140.000 F Cfa par jour. En plus de ces frais de location, s’ajoutent les frais de passage obligatoire que nous payons au niveau du poste de contrôle de police à Doumé et au poste de contrôle mixte police-gendarmerie à Bonis à l’entrée de Bertoua. Soit 5000 F Cfa pour le passage d’une camionnette. En fin de compte, le producteur ne gagne presque rien », dit-il.

Pour venir en aide à ces cultivateurs et commerçants, le Moabi Think Tank, organisation de la société civile propose la réhabilitation et l’entretien durable des routes rurales. Une initiative qui, selon Bernard Gaétan Bangda, coordonnateur du Moabi Think Tank, passe par la mise en place des comités villageois pour l’entretien périodique des routes avec l’appui technique de l’Etat ; l’incitation des entreprises forestières et minières opérant dans la région à investir dans les routes en échange d’avantages fiscaux et d’intégration dans les plans communaux de développement. « Ensuite, nous préconisions des campagnes de lutte contre les tracasseries administratives et les postes de contrôle illégaux par l’organisation du plaidoyer pour la transparence, campagnes citoyennes et le suivi citoyen par la mise en place de plateformes de signalement anonyme et le renforcement des observatoires régionaux de la gouvernance », conclut Bernard Gaétan Bangda.

Sébastian Chi Elvido à l’Est

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