Ecoles normales des instituteurs : les bibliothèques physiques se meurent
Avec le basculement vers le numérique, seulement 58% de bibliothèques physiques sont fonctionnelles dans les écoles normales des instituteurs au plan national. Selon le ministère des Enseignements secondaires, elles sont majoritairement présentes à l’Est, l’Ouest et au Centre tandis que le Nord et le Sud accusent un grand déficit.
Alain Mfomo Ntouba, élève-maitre au Sud se souvient de ses révisions de fin d’année. « Ce qui tenait lieu de bibliothèque est une vieille salle mal tenue où quelques vieux livres sont disponibles. Ces derniers ne me servaient malheureusement pas à préparer les cours ou mes devoirs. J’étais obligé d’utiliser mes données mobiles », se souvient-il. Une expérience qui illustre le quotidien des apprenants des Ecoles normales des instituteurs (Eni) publiques, privés pour la majorité de ces espaces dédiés au savoir.
Au Cameroun, selon le ministère des Enseignements secondaires (Minesec), seules 58% des Eni publiques disposent de bibliothèques fonctionnelles. Une commodité majoritairement présente dans les régions de l’Est (80%), de l’Ouest (78%) et du Centre (73%). Moins lotis, le Nord (33%) et surtout le Sud (17%), accusent un manque criard.
Depuis la crise sanitaire COVID-19 le Minesec s’est engagé sur la voie de la digitalisation des enseignements à travers la plateforme « Distance Education ». Cette nouvelle donne a nécessité la mise en place de bibliothèques numériques au détriment des bibliothèques physiques dans les structures d’encadrement. Une manière d’aligner l’école camerounaise aux standards mondiaux, à en croire un inspecteur de pédagogie, qui ajoute que le numérique est un moyen de mettre les mêmes ressources à la disposition de tous les apprenants des Eni.
Mais sur le terrain, le basculement vers le numérique reste confronté aux réalités camerounaises selon des données officielles. 85% des Eni disposent d’un branchement électrique ou d’un dispositif d’alimentation en électricité et seulement 32% ont une salle informatique ou un Centre de ressources multimédia. La fracture numérique reste donc un frein majeur et le coût des données mobiles.
L’Unesco rappelle que la transition numérique ne doit pas se faire au détriment des bibliothèques physiques, particulièrement dans les zones où l’accès à internet est limité. Un peu plus loin, la Fédération internationale des bibliothèques (Ifla) insiste que les bibliothèques sont des lieux de mémoire et de culture. Les supprimer c’est priver des générations entières de l’expérience concrète du livre. « A l’observation, il s’agit plus d’une disparition qu’une mutation et avec les disparités que nous connaissons tous, l’Etat coure le risque de créer une élite connectée d’un côté et une masse déconnectée de l’autre », prévient le Dr Alex Nkoa, spécialiste en science de l’éducation.
Même si ce spécialiste reconnait que le numérique a des atouts indéniables tels que l’accès à des millions de ressources et soutien à l’enseignement à distance, il reconnait qu’il est un gros frein aux rapports concrets avec le livre qui structure la pensée et l’imaginaire. « La solution peut venir d’un modèle hybride qui combine le maintien et le renforcer des bibliothèques physiques et développer des bibliothèques numériques accessibles hors connexion internet. Maintenir et renforcer les bibliothèques physiques et former les enseignants à combiner bibliothèque et numérique », suggère-t-il.
Mélanie Ambombo







