Malgré son potentiel économique immense, cette région a enregistré seulement 2,9% de taux de création d’entreprises nationales en 2024. Une situation que des experts imputent à plusieurs défis tels l’enclavement, le déficit énergétique et le difficile accès au financement.

En 2024, à en croire la répartition des stocks des Petites et moyennes entreprises (Pme) par région de l’Annuaire statistique sur les Petites et moyennes entreprises de l’économie sociale et de l’artisanat (Pmeesa), la région du Sud tout comme l’Adamaoua, au cours des cinq dernières années, continue d’enregistrer le taux de création des entreprises le plus faible du pays

Avec seulement 12 862 Pme créées en 2024 sur les 443 524 recensées à l’échelle nationale, la région du Sud se pointe avec un maigre pourcentage de 2,9 % loin derrière Yaoundé et Douala qui enregistrent respectivement 23,9 et 33,5%.

« Cette réalité contraste fortement avec le potentiel économique de cette région riches en infrastructures telles que le Port autonome de Kribi (Pak). Port en eau profonde de classe mondiale, il est le seul de l’Afrique centrale et est censé desservir le Tchad, la République, le Congo et la Guinée Equatoriale. La région jouit aussi d’un important potentiel énergétique tel que le Barrage de Memve’ele et la Centrale à gaz de Kribi », analyse un cadre du ministère de l’Enseignement supérieur, membre de l’élite de la région du Sud qui a requis l’anonymat.

Comme ce maître de conférences, l’économiste Dr Raoul Bengono ajoute que cette région est pourvue de ressources naturelles (fer de Mbalam, Bauxite de Minim-Martap) et agricoles (terres fertiles avec plus de 500 000 hectares de terres arables encore inexploitées) et d’un fort potentiel hydraulique. Il n’oublie pas de mentionner sa bonne position géographique, le corridor logistique vers l’Afrique centrale, sa proximité avec Douala la capitale économique du Cameroun, et le fait qu’elle soit une zone économique spéciale (Zes), y compris son potentiel touristique majeur.

Pourquoi avec un tel potentiel le développement de la région ne suit pas ? Cette situation peut s’expliquer par l’enclavement marqué de la région, souligne l’économiste. « Vous n’avez qu’à voir les routes comme celles de Yaoundé -Kribi (où il faut au moins 5h de route pour 300Km) et Douala-Kribi (parfois qui requiert 4h de route pour 170km) », dit-il. A cela, Dr Raoul Bengono relève aussi l’accès irrégulier et onéreux à l’électricité et la faible connectivité au numérique qui n’encouragent pas les entrepreneurs. « A tous ces motifs, ajoutez également le difficile accès au financement par les investisseurs locaux et les procédures administratives qui se révèlent étouffantes. Sans oublier la prédominance du tissu économique de la région par les investisseurs étrangers », soutient Dr Raoul Bengono.

Pour inverser la tendance et permettre à la région de se développer grâce à son potentiel, le spécialiste en Economie verte, Jodelle Amana Mbanga, propose de régulariser l’accès à l’électricité et baisser le cout de la tarification industrielle dans la région. Il suggère également de désenclaver la région en aménageant les moyens de transport. Selon lui, il faut aussi créer un écosystème entrepreneurial, en créant par exemple des incubateurs spécialisés dans l’agro-alimentation, l’artisanat, l’économie verte. « La lente progression des Pme dans la région du Sud, bien qu’elle soit très révélatrice peut-être interpréter comme la résultante d’un tissu entrepreneurial encore décousu malgré un fort potentiel en ressources et en opportunités. Mettre cette région au standard qui lui convient requiert une réelle politique de développement volontariste et décentralisée », conclu Jodelle Amana Mbanga.  

Mélanie Ambombo