Électricité : Le mensonge d’Etat broie l’Adamaoua dans le noir
Gaston Eloundou Essomba Ministre de l'Eau et de l'Energie

Électricité : Le mensonge d’Etat broie l’Adamaoua dans le noir

Les 11 mégawatts supplémentaires sur les 25 promis par gouvernement depuis décembre dernier restent toujours attendus. Entre temps, la région château d’eau du Cameroun frôle bientôt la paralysie Électricité l’Adamaoua dans le noir.

Les habitants de la région de l’Adamaoua ne sont pas encore au bout de leur peine. Leur quotidien est marqué d’interminables coupures d’électricité qui plombent les activités économiques et perturbent l’apprentissage des élèves et des étudiants. « Je ne comprends plus rien dans cette histoire de l’électricité. Quand le ministre était là, on nous a dit qu’il n’y aura plus de coupure à Ngaoundéré, mais on attend mais rien. Au lieu de couper toute la journée, c’est devenu comme un jeu de lumière, vous avez la lumière pendant 15 minutes et ils reprennent pendant 2 heures, c’est du n’importe quoi. Où est finalement passé le groupe électrogène que le ministre a promis », s’inquiète un étudiant.

Ces inquiétudes cachent en réalité un malaise profond, que vit toute la population de cette partie du pays. Le jeune homme est rongé par les interminables coupures qui le soumettent à un volume important de travaux à réaliser à brève échéance. « On prépare en ce moment les séminaires de doctorat à l’Université de Yaoundé 1 où je suis inscrit en thèse. Il me faillait finaliser le projet au plus tard en fin janvier et il me faut 08 exemplaires dont 4 seront déposés au département et 4 à l’Unité de Formation Doctorale. Avec ces coupures, le temps de travail est réduit, et la pression monte. Je suis obligé de sacrifier la soirée pour le travail, de 18h, parfois de 20h jusqu’à 2h ou 3h du matin. Je n’ai pas les moyens de m’offrir un groupe électrogène », soupire ce doctorant.

Une pression énorme qui n’épargne pas les élèves. « C’est déjà de trop. Les enfants ne peuvent plus étudier normalement. A chaque fois que l’enfant doit étudier, on n’est pas sûr s’il ira jusqu’au bout. Ceux qui sont déjà en 1ère et Terminale peuvent se battre avec la bougie pour quelques heures et ceux du primaire, il faut toujours quelqu’un à côté sinon, l’irréparable peut se produire à tout moment. Le 2ème trimestre est très court et il y a plusieurs activités », déplore désemparer, Rachel, parente d’élève.

A l’instar de ces apprenants, les tenanciers des secrétariats ne cachent pas leur amertume face à ce qu’ils qualifient désormais, du « malheur de vivre à Ngaoundéré ». Des longues heures d’inactivités sont observées tous les jours, entre 8h et 18h, parfois au-delà. Sous la pression des clients, leur seule alternative est de chercher un générateur. « Actuellement, je n’ai pas moins de 15 mémoires de Master à imprimer, mais avec quelle énergie ? Acheter un groupe coûte énormément cher non seulement, et le carburant aussi, qui coûte environ 560 C Cfa le litre. Par jour, je vais consommer combien et pour quel revenu s’il faut aussi prendre en compte la location du lieu, les factures d’électricité qui ne font qu’augmenter. S’il faut acheter un groupe électrogène, je dois augmenter les frais des photocopies et impressions, les clients ne comprendront pas facilement », déplore Cédric, gérant d’un secrétariat bureautique.

Dans la ville de Ngaoundéré, les dégâts des délestages à répétition sont énormes au quotidien, dans tous les secteurs d’activité. Des ménages, aux petites, moyennes ou grandes entreprises, les pertes sont, selon les témoignages, importants. « Je me demande jusqu’à quand cette situation va perdurer. Tu ne peux plus passer la commande d’une grande quantité de poisson, puisque tu n’es pas sûre d’avoir l’électricité à tout moment et cela constitue une grande perte pour nous autres. Nous sommes en janvier, il n’y a pas assez de marché, ajouter aux délestages dont ils ne respectent même plus les programmes de coupure, c’est vraiment difficile. C’est un véritable manque à gagner pour nous », se désole Aïcha, gérante d’une poissonnerie.

Pluviométrie

Pendant que les habitants de l’Adamaoua souffrent, l’entreprise distributrice de l’énergie électrique au Cameroun, The Energy of Cameroon (Eneo) et le gouvernement accusent la faible pluviométrie dans le bassin de Lagdo qui fournit l’énergie dans les régions septentrionales. Selon elle, la quantité d’eau tombée en 2020 ne permet pas une fourniture en énergie suffisante. « Le bassin de Lagdo ne nous a pas permis d’avoir le volume d’eau pour faire fonctionner de manière optimale le barrage. Nous avons reçu pendant la période de remplissage de juillet à octobre 2020, seulement 2 milliards de m3 d’eau contrairement aux 4 milliards de l’année précédente. Avec seulement 2 milliards de m3 d’eau, on ne peut pas libérer plus de 6 millions de m3 pour une production de 15 mégawatts d’électricité de puissance par jour », se justifient-t-ils.  Dans les différents programmes de coupures fournis chaque semaine, l’entreprise évoque comme principale raison de la coupure, le déficit hydrologique.

Pendant que la population attend, Eneo continue dans son plan de rationnement de la fourniture de l’énergie avec ou sans programme. Les 11 mégawatts à injecter dans la région, annoncés par Gaston Eloudou Essomba, ministre de l’Eau et de l’Energie, lors de sa visite dans l’Adamaoua le 14 décembre 2020, restent toujours attendus. Pourtant, lors de son passage, les travaux de génie civil en vue d’installer la centrale démantelée à Ahala était évalués à 65% pour une livraison complète en mi-janvier 2021.  Les 11 mégawatts de l’Adamaoua sur les 25 annoncés pour le septentrion semblent encore un autre éléphant blanc. Le projet du barrage de Bini à Warack d’une capacité installée de 75 mégawatts à injecter dans le RIN n’a même pas été à l’ordre du jour. Cet ouvrage qui devait bénéficier d’une ligne de transport de 225 Kv est aujourd’hui à l’arrêt. L’entreprise Sinohydro a suspendu les travaux pour faute de versement de la contrepartie du gouvernement camerounais.

Pourtant en 2016, le gouvernement signait avec la Chine, une convention de financement dans laquelle la Chine verserait 303 millions de Dollar, environ 181 milliards au Cameroun pour la construction de ce barrage. Le Cameroun de son côté devrait débourser les 15% des 356 millions de dollars pour la construction de l’ouvrage. Au moment de la signature de l’accord au 2e semestre 2016, il avait été indiqué que l’ouvrage allait être livré au 4e trimestre 2018. Pour l’heure, c’est le statut quo tandis que les populations continuent de subir les coupures intempestives.

Jean BESANE MANGAM

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