Entrepreneuriat : au Cameroun, les préjugés autours des produits locaux freinent la consommation

La consommation de produits locaux demeure encore faible au Cameroun, malgré les efforts des entrepreneurs locaux. La méconnaissance des structures d’accompagnements, la confiance dans le savoir-faire local et l’accès aux financements sont entre autres défis que subissent les promoteurs.

Formateur et consultant en fabrication des pavés écologiques et ses dérivés, Achille Fozeu est un jeune entrepreneur Camerounais spécialisé dans la fabrication des pavés écologiques à base des déchets plastiques à Douala. Ce jeune entrepreneur d’une vingtaine d’années, a créé en 2025 une structure spécialisée dans la prestation des services, la formation et la fabrication des pavés écologiques et ses dérivées. Ceci dans le but de débarrasser les villes de leurs déchets plastiques. « Notre production artisanale ne suffit pas à répondre à la demande, qui aujourd’hui dépasse l’offre. Pourtant, nos demandes de financement pour l’acquisition des machines restent sans suite », déplore Achille Fozeu.

Comme Achille, après avoir participé à plusieurs formations organisées par les ministères des Petites et Moyennes entreprises, de l’économie sociale et de l’artisanat (Minpmeesa) et du Commerce sur la transformation des produits locaux en produits manufacturés, Carine Mateke a décidé de se lancer dans la fabrication des produits cosmétiques. Cette jeune entrepreneuse de 25 ans apporte des solutions naturelles aux problèmes et à l’entretien de la peau noire avec des produits fabriqués à base des matières grasses naturelles, fruits et légumes locaux.  « Malgré les efforts consentis dans la sélection des ingrédients, les produits locaux peinent encore à trouver leur place dans les habitudes de consommation des Camerounais. De nombreux Camerounais pensent qu’il n’est pas possible de produire de bons produits cosmétiques chez eux. La plupart d’entre eux ont déjà en tête des marques européennes », déplore la promotrice de l’établissement Fidel Industrie.

A en croire Nadine Nyam, promotrice d’une entreprise artisanale spécialisée dans la fabrication des produits alimentaires et cosmétiques, les préjugés culturels autour des produits locaux constituent un obstacle majeur à la promotion du « made in Cameroon » et limitent la demande au niveau national. « Lorsque l’on produit, l’objectif est de vendre. Cependant, si on produit sans parvenir à écouler, cela ne nous sert à rien », déplore Nadine Nyam.

Selon Yves Tefack, le Directeur exécutif du Centre d’Incubation Pilote (CIP) de la Chambre de Commerce, d’Industrie, des Mines et de l’Artisanat du Cameroun (CCIMA) de Douala, pour que les produits locaux soient compétitifs sur le marché national ou international, il est de bon ton que ces produits respectent un certain nombre de normes. « Au niveau de la norme, il y a un laboratoire agréé par le ministère des Mines, de l’Industrie et du Développement Technologique, qui est non seulement comme un outil pédagogique mais aussi un outil qui permet d’être compétitif sur le marché », indique Yves Tefack. Pour lui, il est impératif que tout produit passe d’abord par le laboratoire pour qu’il soit analysé afin de bénéficier de processus de sa mise sur le marché.

Outre les préjugés sur les produits locaux, déplore Daouda Aladji, analyste financier, la difficulté d’accéder aux fonds limite considérablement l’essor des jeunes entrepreneurs. « Bien que de jeunes innovateurs aient de bons projets, leur principal frein demeure l’accès aux crédits. Ils n’ont souvent pas de garanties pour obtenir des financements bancaires », relève-t-il.

Une situation dont l’une des causes, à en croire Armand Temgoua, conseiller technique en placement des employés et en accompagnement des entrepreneurs, est le manque de connaissances. La majorité des jeunes entrepreneurs, selon lui, perçoivent l’entrepreneuriat comme un jeu de hasard. Beaucoup se lancent dans cette aventure sans faire d’études ni d’analyse sur ce qu’ils vont entreprendre, ni sur le marché. « C’est l’être humain qui crée de la valeur. Ainsi, s’il manque de connaissances, il risque d’échouer dans son processus et de rencontrer de nombreuses difficultés », insiste-t-il.


Made with Flourish
A en croire le Dr. Yaya Saidou, économiste et chef de la cellule de l’observatoire économique de la Commune Urbaine de Douala (CUD), par ailleurs promoteur du projet de l’entreprenariat « made in Cameroon »,  « il existe de nombreuses opportunités dans divers secteurs, mais la méconnaissance de ces structures par les jeunes constitue un obstacle. Ils ignorent souvent qu’il existe des fonds qui leur sont dédiés pour se lancer dans l’entrepreneuriat », précise le Dr Yaya Saidou.

D’après l’annuaire statistique des Petites et Moyennes Entreprises, Économie Sociale et Artisanat (PMSAA) de 2023 publié en mai 2025, les Unités de Production Artisanales (UPA) font partie des acteurs de premier rang du tissu économique national.  Bien que vulnérables, elles font preuve de résilience aux différents chocs qui confrontent l’économie depuis quelques années, en raison de leurs capacités limitées d’adaptation et d’innovation.

En 2023, on observe 3 557 UPA enregistrées dans les Bureaux Communaux d’Artisanat, soit une baisse de 39,83 % par rapport à 2022. Les activités de ces acteurs économiques sont majoritairement dominées par l’artisanat de production (53,98%), suivi de l’artisanat d’art (27,13%).

 Hyacinthe TEINTANGUE (stagiaire)

 

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