Gouvernance : le taux de chômage toujours inquiétant au Cameroun

Malgré les mesures prises par le gouvernement au cours du septennat 2018-2025, le taux de chômage est croissant au Cameroun. Une situation décriée par des économistes et à laquelle des candidats à la présidentielle du 12 octobre prochain apportent des ébauches de solution.

Debout, appuyé sur son comptoir de manuels scolaires à Akwa, Guy Merlin échange avec un parent venu acheter les fournitures scolaires de ses enfants. Ce titulaire d’une Licence en Economie obtenue à la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion Appliquée (Fséga) de l’université de Douala, il y a 10 ans s’est reconverti dans la vente des livres, mais, de manière saisonnière. « Après ma Licence, j’ai poursuivi en Master pendant un an. Faute de moyens, j’ai arrêté l’école. J’ai fait des stages. Mais, nulle part, je n’ai été retenu. C’est ainsi que j’ai commencé l’activité de conducteur de moto. Mon frère vendeur de livres m’a entrainé progressivement dans cette activité. Entre mi-août et décembre, je me consacre à la vente des livres », raconte celui qui rêvait devenir comptable.

Son cas n’est pas isolé. Jeanine vendeuse de vêtements de sport au marché Nkolouloun et titulaire d’une Licence en lettres modernes a déjà perdue tout espoir d’avoir un emploi stable. « Je me considère comme une chômeuse, parce que diplômée de l’enseignement supérieure et sans emploi. Mais avec cette activité que j’exerce, je ne me plains pas vraiment. J’ai embrassé cette activité, il y a 5 ans, après avoir cherché en vain un emploi », se souvient-elle. Albert, jeune diplômé ingénieur en informatique, garde l’espoir d’avoir un emploi stable et surtout, « bien rémunéré ». Même si les demandes d’emploi qu’il envoie spontanément dans les adresses e-mail des entreprises ou celles auxquelles il postule n’ont jusqu’ici pas encore abouti, il ne perd pas espoir.

Pourtant, les structures de placement du personnel ou encore le département des Ressources humaines (Rh) ploient sous les demandes d’emploi. Selon Loïc Bassale, responsable des Ressources Humaines dans la filiale camerounaise d’une multinationale, les demandes d’emploi abondent. « Mais, cela dépend du nombre de postes ouverts, des domaines dans lesquels le besoin est exprimé et du niveau de responsabilités. On recevra plus de candidatures pour un poste d’assistant comptable par exemple. Mais de manière générale, avec des dizaines de postes ouverts par an et une moyenne de 200 à 300 candidatures par poste, nous sommes généralement amenés à traiter des milliers de candidatures par an », informe-t-il.

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Taux de chômage

Idem à Msc où, selon Nformi Ngi Jones, en service à l’administration publique, ils reçoivent jusqu’à 500 candidatures, lorsqu’une offre d’emploi est postée. Et, « on a beaucoup de cas où on veut un employé qui a le niveau Bacc, mais les gens postulent avec les masters », explique-t-il. Ce qui traduit le niveau de chômage des camerounais. Un chômage que peine à résoudre le président Paul Biya tout au long de ce septennat (2018-2025).

Selon les données de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), le taux de chômage au Cameroun était estimé à 3,6% en 2018. Un chômage amplifié par la pandémie à Coronavirus en 2019. En effet, un rapport sur l’impact du coronavirus dans les entreprises, publié par le Groupement Interpatronal du Cameroun (Gicam) en 2019, fait état de ce que 87% des entreprises camerounaises sondées ont procédé à des mises en chômage ou à des réductions des effectifs à cause du Coronavirus. Le rapport évalue le chômage partiel dans les entreprises industrielles à 41,9%, dans les entreprises de services à 44,4% ; une mise en chômage partielle de 42% ; et une réduction des effectifs de 49,3% dans les Petites et moyennes entreprises (Pme).


Ce qui a accru le chômage au Cameroun. Selon les indicateurs de développement publiés en décembre 2021, par l’Institut national de la statistique (Ins), le taux de chômage au Cameroun a augmenté de 6,1 % en 2021, avec un taux de sous-emploi global de 65% pendant la même période. La perte d’emploi a touché près de trois ménages sur cinq (54%) en juillet 2021, selon l’Ins qui fixe à 74% le taux de chômage en 2024. Ce chiffre, particulièrement élevé, concerne le chômage des jeunes âgés entre 25 et 35 ans titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur.

Facteurs favorisants

Parmi les facteurs à l’origine du chômage élevé au Cameroun, on note le marché du travail caractérisé par la prépondérance du secteur informel qui selon l’Ins, représente 86,6 % des emplois. Mais, pas que. Issa Tchiroma Bakary, alors ministre de l’Emploi et de la Formation Professionnelle (Minefop), indiquait en 2024 au forum d’information et d’échanges organisé à l’Assemblée nationale que « le chômage est en partie lié à une formation pas toujours en adéquation avec les besoins réels ».

A en croire Nformi Ngi Jones, « les Camerounais sont plus diplômés et moins compétents. Plusieurs ont des diplômes et aucune compétence ». Il note également que : « à cause du chômage, plusieurs postulent même quand la demande ne correspond pas à leur profil. Pire, pendant l’entretien, on se rend compte que certains ont menti sur leur Cv et n’ont pas les qualifications qu’ils y ont mises ».

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Selon l’économiste Dikoume Mbonjo, cette situation est la résultante du modèle économique du néocolonialisme. « L’économie du Cameroun est désarticulée. C’est-à-dire qu’il n’existe aucun secteur d’activité capable de servir de moteur pour entraîner les autres dans la production des richesses », analyse-t-il. A cela, s’ajoutent « le difficile accès au financement par les banques des opérateurs économiques ; le cadre structurel de notre économie ne concède pas une place suffisante à la création d’emplois », tranche-t-il.

 


Propositions

Un chômage exacerbant que les candidats à la présidence de la République du Cameroun entendent juguler une fois élus. Akéré Muna, le candidat du parti Univers entend mettre un accent particulier sur l’économie et la création d’emplois. Il compte entre autres, construire un climat favorable au climat des affaires et à la protection des investissements. Le candidat du Peuple Uni pour la Rénovation Sociale (Purs), Serges Espoir Matomba, de son côté, souhaite développer un cadre plus incitatif à la diaspora comme acteur de la vie économique, entre autres.

Sur le plan économique, la stratégie de Atéki Seta Caxton, le candidat du Parti pour l’Alliance Libérale (Pal), repose sur l’industrialisation et le retrait du Cameroun des programmes du Fonds monétaire international (Fmi). Et pour relancer l’activité économique, il mise sur des investissements massifs financés à travers des concessions, des incitations au secteur privé et des investissements directs étrangers.

Blaise Djouokep

Cet article a été produit dans le cadre du projet Partenariat pour l’intégrité de l’information

Mots – clés :

Chômage

Emploi

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