« La longue absence des parents est une forme de violence »
Madeleine Lobe, Psychologue

 

Madeleine Lobe Seppo, psychologue et enseignante, aborde dans cette interview les causes et la gestion du viol dans la société camerounaise. Pour cette psychologue, la recrudescence des cas est liée à l’absence de plus en plus observée des parents dans le quotidien de leurs enfants.

Comment peut-on qualifier un abus sexuel du point de vue psychologique ?

Parler de l’abus sexuel, c’est parler d’une forme de violence. Il y a plusieurs formes de violence, sur le plan sexuel également où sans l’accord du partenaire, on la violente et on passe à l’acte sexuel. Les conséquences sont multiples.  Notamment au niveau physique, psychologique et social.  Au niveau physique, il y a beaucoup de douleurs qui peuvent se terminer par des vaginites, la grossesse, les maladies sexuellement transmissibles, parmi lesquelles le VIH. Au niveau psychologique, c’est un traumatisme.  La personne qui pose l’acte est un malade, qui a un fort sentiment d’infériorité. La façon pour lui d’avoir certain équilibre est de passer à l’acte violent qui est l’acte sexuel. La victime se voit très diminuée, une personne pas comme les autres, sinon on aurait demandé son accord.  Si c’est chez les enfants, l’enfant est marqué par cette violence là et développe aussi ce sentiment d’infériorité. Parfois la victime entre elle-même dans le cycle de la violence. Elle veut violenter les autres, parce qu’elle a été violentée. C’est un cycle infernal qui se crée, il faut dont une prise en charge pour libérer et le bourreau et la victime.

Sur le plan social, c’est un acte condamnable. Mais, qui généralement dans les familles, surtout quand il s’agit de pédophilie ou de rapport incestueux entre frère et sœur ou parent et enfant, la famille protège le bourreau. J’ai vu des familles vivre le viol de leur enfant comme une honte au point de retirer leur plainte contre le bourreau qui était bien connu parce qu’ils ne veulent pas qu’on sache que leur enfant a été violenté. Voilà le comportement des parents. La victime vivra sa situation isolée à la maison, et cela va créer une ambiance de manque de confiance entre les parents, les enfants et les proches. C’est ce qui se passe généralement.  J’ai eu pleins de cas similaires, où c’est la mère qui restait muette devant les agissements de son mari sur sa fille, ou alors c’est toute la famille qui s’oppose au fait que la mère de l’enfant dévoile les actes de leur frère. Donc, au niveau de la société, c’est très douloureux parce que souvent la victime vit son traumatisme isolée et ne peut pas s’exprimer. Nous encourageons les gens d’en parler. On n’en parle pas, par parce qu’il faut faire du mal au bourreau, mais pour la santé mentale de la victime.

Qu’est-ce qui explique le fait qu’un parent inflige cet acte à son enfant ?

C’est la violence. Ce parent a été lui-même violenté et il a un fort sentiment d’infériorité, il ne peut pas aller avec courage déclarer son amour ou ses sentiments à une personne adulte. Psychologiquement cette personne se nourrit également des souffrances, des cris et de la peine de la victime. Pour lui, c’est une réjouissance qui accompagne son ébat sexuel. Ce genre de plainte augmente sa jouissance. Donc, il a été lui-même traumatisé, il veut se retrouver dans une position où il pense qu’il a le pourvoir sur un individu qui peut-être son enfant, ou n’importe qui. Mais son objectif est d’écouter et ressentir cette peine sur l’autre. C’est un cycle. Toute personne qui s’investit dans ce genre de rapport, est d’abord lui-même malade et sa maladie c’est un sentiment d’infériorité, il se sent inférieur, nul.

Si on estime que les bourreaux sont à la base des victimes de violences, on pourra dont déduire que   la recrudescence des cas de viol, est la conséquence d’une société empreinte de violence ?

Pour comprendre la recrudescence des cas de viol, il faut d’abord comprendre les cas sociaux. Notre société est en dysfonctionnement, les parents sont longtemps absents dans la vie de leurs enfants. Qu’est-ce qui se passe quand les parents ne sont pas là ? Qu’est-ce qui se passe avec l’enfant ? ça peut-être un voisin qui traumatise ou martyrise l’enfant, une nounou, un ainé qui est à la maison, l’enfant ne le dira jamais parce que le plus souvent, le bourreau demande à la victime de se taire. Et il développe un complexe de Stockholm où la victime respecte son bourreau. Il ne dira jamais, mais il va intérioriser cela. Dans les interactions humaines, à chaque fois qu’un acte est posé, il s’en suit une énergie que la victime ou le bourreau consomme, qui va dans son inscience et va faire son chemin plus tard. Cette énergie négative du traumatisme va s’exprimer selon la fixation du bourreau. Plus les parents sont absents dans la vie de leurs enfants, plus il y a de la violence, plus les enfants sont traumatisés, plus l’adolescence est perturbée tout simplement parce que pendant cette période où l’enfant devait assimiler beaucoup d’affection, d’amour, la présence maternelle qui représente une sécurité, ou les parents sont absents. Déjà la longue absence des parents est une forme de violence.  On ne les accuse pas, il faut aller travailler, chercher de quoi manger et l’enfant reste seul entre les mains des personnes non pourvoyeuse d’affection comme cela se doit. Voilà pourquoi la violence augmente dans notre société. Plus on avance dans le temps, plus il y a plus de délinquants parce qu’il y a cette absence des parents à côté des enfants.

Il ne faut avoir d’assurance avec personne. Qui est équilibrer ? Personne ne le  sait jusqu’au moment où la personne passe à l’acte. Chacun a un facteur d’extérieur qui l’équilibre, qui peut-être, la nourriture, le sexe, la cigarette …  Les limites entre le normal et l’anormal est très faible. C’est au moment d’assouvir ce besoin pulsionnel qui est prédominant chez un individu qu’on voit si l’être est normal ou anormal. Nous sommes à un moment donné ou à un autre anormal nous tous, donc il est difficile en voyant une personne de juger s’il est normal ou pas. Il peut être normal dans les rapports parent-enfant, anormal dans les rapports d’époux, normal avec ses amis, normal dans les rapports d’employé… il y a un aspect de la vie où quelqu’un manifeste son anormalité. Il est difficile de juger de prime à bord qui est normal ou ne l’est pas. C’est quand on passe à l’assouplissement de l’acte pulsionnel qu’on va juger s’il est excessif, et s’il porte atteinte à la liberté ou l’intégrité de l’autre.

Généralement les victimes, surtout quand-il s’agit des adolescentes, sont accusées d’être la cause de leur agression …

Sur le plan psychologique, la période de l’adolescence est la période où on veut découvrir le fonctionnement de son corps. On n’est un peu aguichant. Mais cela n’explique pas que l’on se mette à violer les adolescentes. Un adulte est responsable, un adulte équilibré, doit prendre le comportement de l’enfant comme celui de quelqu’un de cet âge-là et ne va pas passer à l’acte. Même s’il doit le faire, il doit demander le consentement de la personne.

Comment est-ce que la société peut contribuer à limiter les cas d’abus sexuel ?

Je considère toujours les abus sexuels dans un cadre de violence. Pour limiter les violences, les parents doivent rester un peu plus avec leur enfant, ils doivent éduquer leurs enfants. Le parent qui dire à l’enfant ne pars jamais avec les inconnus, refuse les dons des étrangers, cet enfant saura se protéger face à certaine situation.  Il revient aux parents de s’occuper un peu plus de l’éducation de leurs enfants.

Réalisé par M.L.M.

 

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