Pour la réélection de leur candidat, de nombreux ministres sillonnent le pays depuis deux semaines délaissant leur département ministériel au grand dam des usagers.

Il est 10 h, ce 7 octobre 2025 au ministère de la Santé publique (Minsanté). Les entrées sont filtrées comme à l’accoutumée. Derrière la grille de fer, un agent de sécurité posté à la guérite renseigne que le chef de département, Manaouda Malachie est absent. Après insistance, il nous laisse néanmoins passer.  Dans le couloir du cabinet du Minsanté, les usagers patientent en vain. « Le ministre est en mission », glisse un agent.

En réalité, Manaouda Malachie, le chef de la commission communale de campagne du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), le parti au pouvoir, se trouvait à Maroua, dans l’Extrême-Nord où il accompagne le chef de l’Etat Paul Biya et président du parti, en campagne électorale.

Mais au Minsanté, une note du chef de la cellule de Communication, Clavère Nken, renseigne qu’à l’occasion de la campagne présidentielle de 2025, le Minsanté, supervise un vaste dispositif sanitaire visant à garantir la sécurité des délégations et de tous les citoyens sur l’ensemble du territoire national. Un dispositif sanitaire organisé autour de 05 postes médicaux avancés, dont 03 civils et 02 militaires, appuyés par une flotte de 20 ambulances. Mobilisant un personnel composé de 50 médecins, dont 32 spécialisés en soins préhospitaliers, 52 infirmiers et 105 secouristes expérimentés. En clair, les effectifs du Minsanté sont au service du candidat.

Même scène dans d’autres ministères. Depuis le début de la campagne présidentielle, le 27 septembre 2025, les chefs des départements ministériels sillonnent le pays. Le lundi 29 septembre 2025, Jean Ernest Masséna Ngalle Bibehe, ministre des Transports, absent de son bureau était à Édéa pour mobiliser les militants. Le 3 octobre, Jacques Fame Ndongo, ministre de l’Enseignement supérieur, prêchait la fidélité au président-candidat à Ambam, dans la Vallée du Ntem, région du Sud.

Tous mobilisés pour la même cause : la réélection de Paul Biya pour un 8^e mandat.  D’autres figures du gouvernement ont été vus sur le terrain, Louis Paul Motaze des Finances dans le Sud, Joseph Le de la Fonction publique à Yokadouma, à l’Est, René Emmanuel Sadi à Obala, Henri Eyebe Ayissi du Cadastre et des Affaires foncières à Monatélé, Ngannou Djoumessi des Travaux public a multiplié des tournées à Bamesingue, Bangang, Bafunda et Bali, dans la région de l’Ouest.

Le lendemain, le Premier ministre a animé les meetings dans le Sud-Ouest, avant de rejoindre Kumba le 8 octobre pour une marche de soutien et l’inauguration de la tribune municipale.

Au même moment, dans le Noun, les villages de Feyouom et Manka réaffirmaient leur fidélité au candidat du Rdpc sous la houlette du sultan-roi des Bamoun, Muhammad-Nabil Mbombo Njoya. À Malentouen, Zakariaou Njoya, président de la commission départementale de campagne, présidait trois meetings ponctués de prières pour la victoire.

Depuis deux semaines, des administrations se retrouvent ainsi paralysées. Au ministère des Enseignements secondaires, un cadre confie : « Plus rien n’avance, les décisions attendent le retour de la ministre. » Selon le doctorant en sciences politiques, Jean Raphael Youmbi, près de 40 % des cadres de l’administration centrale seraient actuellement mobilisés pour la campagne. Une situation qui selon lui, rappelle celle de l’élection présidentielle de 2018, où les bureaux avaient déjà été vidés. « Cette mise en veille du service public traduit une confusion entre loyauté partisante et devoir républicain. », tranche Jean Raphael Youmbi.

Mélanie Ambombo

Cet article a été produit dans le cadre du projet Partenariat pour l’intégrité de l’information.