Présidentielle 2025 : les artistes jouent la carte de la prudence
Alors qu’en 2018, la campagne présidentielle vibrait au rythme de refrains partisans, en 2025, la prudence semble être la plus grande marque de prise de position chez les artistes.
En 2018, la scène politique camerounais avait les allures de festival. Au cours de la campagne présidentielle, Longue Longue chantait son soutien à Akere Muna, le candidat du Front populaire pour le développement (Fpd). De son coté, Koko Ateba, de regrettée mémoire, faisait vibrer sa guitare pour Maurice Kamto du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc), tout comme Valsero et le cinéaste Jean Piere Bekolo. Le rappeur One Love, lui scandait : « Je vote Matomba », hymne de ralliement au candidat du Peuple uni pour la rénovation sociale (Purs).
Le camp du parti au pouvoir était autant mouvementé et cadencé. Des voix connues telles que Grace Decca, Ama Pierrot, Annie Anzouer ou encore K-Tino, donnaient le ton lors des meetings du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc). A ce grand show politico-musical, les fans aimaient, partageaient, exultaient et parfois s’alignaient… C’était le grand show où les refrains rimaient harmonieusement avec les slogans.
Mas ça c’était en 2018. Sept ans plus tard, la cadence a baissé, la musique s’est adoucie et les scénarios ont changé. Jusqu’en juillet 2025, Des artistes comme Jean Pierre Bekolo ou Moustik le Karismatik, Fingon Tralala, Ameli Bengono faisaient entendre leur voix sur les réseaux sociaux notamment sur Facebook soutenant Kamto ou Cabral Libii. Mais le 26 juillet 2025, après publication de la liste des candidats retenus par Elecam, cet engouement est quelque peu retombé.
Pourtant, ailleurs le pouvoir d’un artiste sur une campagne reste réel. Aux États-Unis, Après avoir partagé sur Instagram une publication en faveur de Kamala Harris et Tim Walz, Taylor Swift a conduit 400 000 personnes à s’inscrire sur les listes électorales en moins de 24 heures. En 2008, le soutien d’Oprah Winfrey à Barack Obama avait selon une étude de l’Université du Maryland, augmenté les votes et les contributions financières reçues par Obama. Même en France, les chansons de Youssoupha en 2017 ont fait vibrer l’électorat urbain jeune pour Emmanuel Macron.
Au Cameroun, le parallèle est évident, certains continuent de jouer la partition du soutien. Moustik le Charismatik ne se cache pas, il ne manque pas une occasion d’apporter son soutien à Cabral Libii. Le jeudi 09 octobre 2025 à 20h, il animait en direct sur Facebook et Tik Tok, « le Talkshow des influenceurs de la vague des Orange », aux côtés de Valérie Ndongo, Tagne Kondom, Kritikos, Chelsy Suzy entre autres…
Malgré cette prise de position, chez les artistes la prudence est de mise et ce, malgré des interpellations de certains abonnés. Le 06 octobre 2025, Mani Bella, chanteuse de bikutsi écrivait sur sa page Facebook : « ils sont deux ! Mon chéri où Samuel Eto’o ! Le jour où l’un d’eux décidera et se présentera à l’élection présidentielle au Cameroun, je mettrai les organes en vrai. Là là là, Bonne chance à tous les candidats. Que le meilleur gagne. »
Une déclaration pleine d’humour et de prudence. Et pourquoi ce repli ? Interrogé le manager de l’artiste de Ktino, Dr Joseph Djene, justifie cette inaction de l’artiste par un séjour en France sans plus d’explications. Le critique culturel, Pierre Justin Olama pointe trois raisons majeures, la peur des représailles, la désillusion politique, et la prudence professionnelle. Le message est clair : les artistes à la rechercher de leur pitance, préfèrent rester à l’écart de l’élection présidentielle. Résultat, le Cameroun vit une campagne électorale presque muette selon la loi dictée par le showbiz face à la politique.
Mélanie Ambombo
Cet article a été produit dans le cadre du projet Partenariat pour l’intégrité de l’information.







