Présidentielle 2025 : l’opacité des programmes politiques qui intrigue
À un mois du scrutin présidentiel du 12 octobre 2025, cinq candidats sur douze n’ont toujours pas rendu public leurs projets de société. Une situation qui rend indécis certains citoyens quant au choix à faire.
Assise sur un banc devant sa boutique à Logbessou dans l’arrondissement de Douala 5e, Marie-Claire, vendeuse de produits alimentaires depuis plus de vingt ans, regarde avec inquiétude sur son téléphone les affiches électorales sur les réseaux sociaux. « J’ai consulté plusieurs sites, parcouru les réseaux sociaux, j’ai aussi demandé à des amis… Impossible de trouver le programme de certains candidats. Comment choisir sans savoir ce qu’il propose pour nous ? », s’exaspère Marie-Claire ce samedi 6 septembre 2025.
A un jet de pierres de là, Marcel, 25 ans, vendeur de tissus avoue ne pas comprendre le silence de près de la moitié des prétendants à la présidence, qui n’ont toujours pas dévoilé leurs projets de société à un mois du scrutin du 12 octobre. « Certains candidats ont des pages Facebook bien animées avec des photos, mais zéro proposition concrète. Voter sans connaître les programmes, c’est comme acheter un produit sans étiquette. On ignore ce qu’on va obtenir. », confie Marcel, un jeune qui se prépare à élire pour la première fois son président.
Seulement, « Nous sommes dans une phase importante où la transparence doit primer, mais force est de constater que les citoyens restent dans le flou. Cette opacité est volontaire. Certains candidats évitent de s’engager par écrit pour ne pas être tenus responsables après l’élection. Mais c’est une insulte à la démocratie. L’électeur a le droit de savoir sur quoi il vote », souligne Herman Ngono, Juriste. Selon lui, cette situation pourrait fragiliser la légitimité de tout le processus électoral.
D’après, Jean Claude Fezeu, le secrétaire national du parti l’Union des Mouvements Socialistes (UMS), dont la formation politique fait partie de celles qui n’ont pas encore publier leur projet de société, chaque candidat a ses raisons. Mais, il croit savoir que certains ne doivent pas en avoir et d’autres évitent de le dévoiler tôt pour ne pas voir leur projet repris par leurs concurrents. « Quant à nous, la première mouture a été rendue publique pour permettre à notre candidat de faire sa tournée dans le Nord. Je suis en train de boucler la mouture finale qui sera disponible en Anglais et en français dès Lundi prochain (15 septembre 2025, Ndlr )», confie Jean Claude Fezeu.
Pourtant, selon Mark Kouayep, sociologue, cette opacité des programmes va favoriser le vote ethnique ou clientéliste au détriment du vote projet. Il craint que faute d’éléments concrets ou de comparaison sur lesquels s’appuyer, les électeurs se rabattent sur des critères identitaires ou matériels.
Néanmoins, la plupart des partis politiques ont rendu public l’intégralité de leur programme politique. Selon Christian Ndjock Nkongo, Secrétaire National aux Affaires Politiques, aux doits de l’hommes, aux libertés et aux affaires syndicales et porte-Parole n°1 du Parti Camerounais pour la Réconciliation Nationale (PCRN), rendre public le projet de société est une évidence, car le parti ne peut espérer convaincre les électeurs que sur la base de fondements solides.« Nous l’avons fait parce que c’est ainsi que cela doit être. C’est la loi de l’offre et de la demande qui régit le marché politique. Ce qu’un parti propose aux citoyens, c’est en quelque sorte un produit. Il est donc absurde, voire incohérent, de solliciter la voix des électeurs en leur présentant une offre sans fondement solide », précise Christian Ndjock Nkongo.
A en croire Herman Ngono, Juriste, au Cameroun, la loi n’impose pas explicitement l’obligation pour les partis politiques de publier leurs programmes politiques. Cependant, certaines dispositions légales et réglementaires encadrent la transparence et le processus de communication des partis envers le public. « En l’absence de sanction, les candidats jouent avec les limites », souligne Herman Ngono.
Hyacinthe TEINTANGUE
Cet article a été produit dans le cadre du projet Partenariat pour l’intégrité de l’information.







