Vie chère : le panier de la ménagère s’amaigrit de plus en plus
« Vie chère »(1/5) Alors que les prix des denrées alimentaires grimpent et que la nourriture se raréfie, commerçants et consommateurs peinent à survivre.
Armand Kalong, grossiste, traine difficilement un sac de patate douce de 100 Kg vers sa voiture, ce mercredi 25 juin 2025, au marché Sandaga, dans l’arrondissement de Douala 1er. Il vient d’acheter quelques sacs à des prix variant entre 30 000 et 32 000 F Cfa. Une hausse par rapport à la période allant de février à mai où ce même sac oscillait entre 18 000 et 20 000 F Cfa. Il impute cette augmentation à la rareté des patates douces et à la saison peu propice aux récoltes : « les années précédentes, même en basse saison, les prix de la pomme de terre n’ont jamais été aussi élevés et le plus difficile c’est que nous ignorons quand ça va se stabiliser », déplore-t-il.
A Yaoundé, dans la région du Centre, ces tubercules ne se comportent pas mieux. Le seau de 5 litres qui s’achetait à 2000 F Cfa, oscille désormais entre 3000 et 3 500 F Cfa. Même constat pour l’igname qui, habituellement empilée en pyramide attrayante se fait aussi discrète. Anne Marie, mère de sept enfants, regarde longuement un tas de ces tubercules au marché Essos. Elle soupèse certaines ignames avant de tout abandonner, resignée. « Il y a deux mois, un tas d’igname coutait 2500 F Cfa, aujourd’hui, il est vendu à 3500 F Cfa pour une quantité encore plus petite », déplore-t-elle.
Inflation
La flambée des prix touche presque toutes les denrées alimentaires, même celles produites localement. Banane plantain, arachides, tubercules, légumes… les quantités baissent, contraignant commerçants et consommateurs à changer leurs habitudes. Observée à travers le pays, cette situation laisse entrevoir une tension dans l’approvisionnement des ménages en produits locaux. La plateforme Trading Economics, indique que le coût de la nourriture au Cameroun a augmenté de 7,90 % en janvier 2025 par rapport au même mois de l’année précédente et entre 2013 et 2025, cette inflation alimentaire a atteint en moyenne 4,07 %.
Selon l’Institut national de la statistique (Ins), l’économie nationale continue de faire face à des pressions inflationnistes persistantes, principalement à cause d’une hausse de 5,6% des prix des produits alimentaires et une augmentation de 12,3% des coûts de transport, fortement impactés par la hausse des prix des carburants. Une inflation qui varie en fonction des régions, souligne l’INS. Par exemple, le taux d’inflation a atteint 7,0% à Maroua contre 3% à Garoua. Des écarts qui résultent à la fois des coûts du transport, la disponibilité des biens de consommation et la dépendance aux importations, qui influencent différemment les prix des régions.
Exigences du marché
Mamouda Awoudou, ingénieur agronome, identifie plusieurs causes structurelles à cette situation à savoir : le décalage saisonnier des récoltes, la baisse de production dans certaines régions, les changements climatiques, le mauvais état des routes, la spéculation, la hausse du coût des intrants agricoles… Dans la même logique, Mohamed Foupouapouognigni, également ingénieur agronome, relève, les nouveaux ravageurs et les semences mal adaptées. « Le marché est élastique, les prix varient énormément, décourageant les producteurs. De plus, la demande est élevée, mais la production n’a pas répondu aux exigences du marché », souligne Mohamed Foupouapouognigni.
Lueur d’espoir
Malgré ce tableau sombre, certains produits offrent une embellie. En juin, grâce aux récoltes, le prix de la tomate a chuté. Le cageot qui coûtait 4 500-5 000 F Cfa en avril et mai 2025, se vend entre 2 000 et 3 000 F Cfa, selon les variétés. Une tendance similaire est observée pour le gombo. « Le tas de gombos que nous vendions à 1 500 F Cfa il y a trois semaines, est vendu à 500 F Cfa », témoigne Irène vendeuse de légumes au marché Mvog-Mbi à Yaoundé.
Et pourtant selon le ministère de l’Agriculture et du Développement rural ( Minader), le Cameroun abrite d’importantes ressources. Sur une superficie de 47 millions d’hectares cultivables, 9,2 millions sont utilisées à des fins agricoles. Les terres arables s’étendent sur environ 7,2 millions d’hectares auxquels il faut ajouter près de 2 millions d’hectares de pâturages. Seulement 1.8 millions d’hectares actuellement sont effectivement cultivés (26% de la surface cultivable).
Malgré ce fort potentiel agricole, l’économie nationale souffre d’un faible taux de transformation accentué par l’industrie locale embryonnaire. Cela favorise sur le marché, la circulation de biens importés, contribuant à une balance commerciale fortement déficitaire comme le reconnait le ministère des Petites et moyennes entreprises de l’Economie sociale et de l’Artisanat (Minpmeesa). Une menace pour la sécurité alimentaire, relève, Mohamed Foupouopouagningi, couplée à une dépendance accrue aux importations et une perte de revenus. Il recommande à l’Etat de prendre des mesures à la fois drastiques et pérennes. Le Groupe de la Banque mondiale (février 2025), attribue la crise de sécurité alimentaire à la raréfaction des stocks des aliments de base, exposant 250 000 Camerounais à une insécurité alimentaire grave ou élevé.
Mélanie Ambombo







