Vol de cacao : Une menace croissante dans le Mbam et Kim et la Lekié

Ayant à peine atteint 1 400 F Cfa le kilogramme lors de la campagne de 2022-2023, le prix du cacao a grimpé de 6 000 F Cfa en 2023-2024, avant de se s’imposer à 5000 F Cfa en 2024-2025. Une envolée qui a déclenché une vague de vols dans les plantations, contraignant les producteurs à récolter prématurément leurs cabosses.

À l’aube, dans le village Elang, arrondissement de Sa’a dans le département de la Lékié région du Centre au Cameroun, Papa Tsala, planteur, se rend dans sa cacaoyère à Binamoungou dans le Mbam-et-Kim. Autrefois, il n’y allait que deux à trois fois par semaine. Aujourd’hui, il s’y rend chaque jour. « Nous avons perdu le sommeil car nous sommes condamnés à discuter nos propres récoltes avec des gens qui ne nous ont pas aidé à travailler », soupire le septuagénaire affaibli par le voyage.

A Yemsoa, dans l’arrondissement d’Obala, Paul Nemi Ntiga redoute une nouvelle intrusion. Sa famille et ses trois chiens campent dans sa cacaoyère munis de lampes torche et de machettes. « La semaine dernière, trois voleurs ont été surpris dans mon champ. Si je n’avais pas été là, tout aurait disparu », témoigne-t-il.

Dans les départements du Mbam-et-Kim et de la Lekié, le cacao est devenu la cible des voleurs, de plus en plus audacieux. Ayant à peine atteint 1 400 F Cfa le kilogramme lors de la campagne 2022-2023, avant de rebondir à 6 000 F Cfa lors de la campagne d’après et de se stabiliser à 5 000 F Cfa en 2024-2025, cette envolée a exacerbé le phénomène, contraignant les planteurs à sécuriser eux-mêmes leurs champs à travers diverses méthodes. Il s’agit pour certains, du gardiennage et de l’entretien de la plantation rémunérés à 10 % des revenus de la récolte. Tandis que d’autres choisissent la récolte prématurée. Nombreux sont donc ces producteurs qui cueillent leurs cabosses avant maturité pour limiter les pertes. « Nous préférons vendre du cacao moins mûr que de ne rien vendre du tout », confie Pauline Ngono, veuve et mère de cinq enfants.

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Mais cette stratégie inquiète les professionnels. Matilde Melingui, propriétaire d’une chocolaterie artisanale à Yaoundé explique : « les cabosses vertes contiennent moins de matière sèche et moins d’arômes. Si cette pratique se généralise, elle pourrait affecter la réputation du cacao camerounais sur le marché international et diminuer le rendement national. »

Pourtant, le Cameroun a été classé 4e producteur mondial avec une production record de 309 518 tonnes au cours de la campagne 2024-2025, à laquelle le Mbam et Kim et la Lekié contribuent à eux seuls près de 12%.  Or selon les populations locales, il ne se passe presque plus un jour sans qu’un voleur ne soit surpris ou qu’un cas de vol ne soit signalé dans une plantation. « Le phénomène a pris une telle ampleur que plus aucun profil n’est épargné, mêmes les femmes s’y adonnent désormais », regrette un chef traditionnel à Biakoa, dans le Mbam et Kim. Une situation qui menace à la fois les revenus des familles dépendantes du cacao et la chute de la qualité du cacao camerounais.

Face au silence des autorités, les populations suggèrent leurs propres solutions : l’interdiction de la vente du cacao humide, plus facilement volé et revendu ; mais aussi le contrôle renforcé sur les routes.  « En érigeant des barrages où personne ne passe sans justifier la provenance de son cacao », propose Olive Nga Eloundou du village Kokoé par Sa’a. Pascal Biloa du même village insiste sur l’arrestation systématique des auteurs et de leurs complices. Certains plus radicaux, demandent un retour au mystique en fétichant les plantations.

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Selon Paul Nguina, président d’une coopérative locale, le vol de cacao dans le Mbam-et-Kim et la Lekié dépasse le simple préjudice économique. Il menace la qualité des récoltes, la réputation du cacao camerounais et pourrait, en l’absence d’intervention rapide, ouvrir la voie à des formes de justice populaire.

Mélanie Ambombo

Mots – clés :

AGRICULTURE

cacao

 

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