Présidentielle :  le Cameroun enregistre un léger rebond du taux de participation

Malgré une légère hausse du taux de participation à la présidentielle du 12 octobre 2025, l’abstention demeure élevée au Cameroun. Derrière les chiffres officiels, politologues et sociologues pointent une crise de confiance durable et des pratiques électorales encore contestées.

Après les élections de 2011 et 2018, le scrutin présidentiel de 2025 confirme la démobilisation progressive de l’électorat. En 2011, le pays a enregistré un taux de participation de 68,2 %. Sept ans plus tard, en 2018, il a chuté à 53,85 % avant de connaître une légère hausse. Cette année, le Conseil constitutionnel a annoncé un léger rebond à 57,76 %, soit un taux d’abstention de 42,24 %. Cette évolution, analyse le sociologue, Dr Arouna Pountougnigni Mfenjou, illustre « une crise de confiance structurelle ». Selon lui, « le niveau d’abstention traduit un désenchantement durable envers les institutions politiques », alimenté par « la perception d’un manque d’alternance réelle, la faible crédibilité des partis et programmes, et le sentiment d’exclusion des citoyens du jeu politique ».

En effet, selon le Conseil constitutionnel, 8 010 464 électeurs ont été inscrits, pour 4 668 446 votants et 4 610 826 suffrages valablement exprimés. Le président Paul Biya, 92 ans, a été réélu avec 53,66 % des voix, soit une baisse de près de 18 points par rapport à son score de 71,28 % obtenu en 2018. Clément Atangana, président du Conseil constitutionnel, a salué une élection « calme et sereine », marquée selon lui par « la maturité démocratique du peuple camerounais ».


Mais, relève le politologue Dr Joël Tchieno Ngouana, ces chiffres doivent être « analysés avec prudence ». Il note : « Au regard des pratiques propres à notre culture électorale (les votes de personnes absentes, décédées ou parfois inexistantes), il faut relativiser ces résultats. Mais puisqu’ils sont officiels, prenons-les comme base d’analyse ».

Depuis 2011, la participation électorale au Cameroun évolue en dents de scie. Pour le Dr Tchieno Ngouana, ces fluctuations « reflètent les dynamiques de la vie politique nationale ». En 2011, rappelle-t-il, « le pays sortait d’une période de fortes tensions sociales en 2008, marquée par une contestation du régime. L’élection présidentielle apparaissait alors comme une occasion d’en finir avec un système jugé verrouillé, d’où une forte mobilisation ».

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Protestation silencieuse.

La large victoire du président Biya en 2018, avec plus de 70 % des voix, a en revanche provoqué « une démobilisation durable », estime le politologue. Selon lui, « les accusations de bourrage d’urnes, la mainmise du RDPC sur les bureaux de vote, les intimidations et l’inféodation des élites locales ont provoqué une perte de confiance profonde envers les institutions ».

L’émergence de figures comme Maurice Kamto et Cabral Libii en 2018, avait pourtant ravivé un espoir démocratique. « Leurs discours d’intégrité et de rupture ont suscité de fortes attentes. Mais les résultats perçus comme verrouillés ont renforcé la méfiance. L’électorat a retenu une leçon : le vote ne suffit pas toujours à changer le système », analyse le Dr Tchieno Ngouana.

La présidentielle de 2025 se distingue néanmoins par une mobilisation en plusieurs phases : l’activation des réseaux sociaux, les coalitions locales, la surveillance citoyenne du scrutin et la défense des résultats. « La dynamique de coalition entre leaders politiques et associatifs a sans doute contribué à redonner espoir à une partie de l’électorat. Même si la confiance reste fragile, la volonté de peser sur le processus a été plus forte », résume le politologue.

Une participation encore à reconstruire.

Majoritaires dans la population, les 18-35 ans demeurent paradoxalement les plus abstentionnistes, observe le sociologue Pountougnigni Mfenjou. « Ils s’informent, débattent et s’indignent en ligne, mais traduisent rarement cet intérêt numérique en engagement électoral concret », explique-t-il. Leur rapport à la politique, ajoute-t-il, « est plus contestataire que participatif ».

Malgré un léger regain de participation, la présidentielle de 2025 confirme la fragilité du lien entre citoyens et institutions. Entre désillusion historique et sursaut collectif, le vote camerounais reste un indicateur ambivalent : un geste civique, mais aussi un baromètre de la confiance politique. « L’abstention n’est pas toujours de l’indifférence, conclut le sociologue. Elle peut être une manière silencieuse de dire : rien ne change, donc je ne participe pas à la mascarade », conclut le sociologue.

Aurélien Kanouo Kouénéyé

Cet article a été produit dans le cadre du projet Partenariat pour l’intégrité de l’information.

 

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