Covid-19 : A Mbanga, le prix du kilogramme de cacao passe de 1300 à 905 F Cfa
Source : FUGIC MO/DataViz by ADISI-Cameroun

Avec plus de 800 cacaoculteurs, le principal groupement des producteurs du Moungo, dans le Littoral, subit les répercussions de la crise sanitaire, à l’origine de la chute du prix du kilogramme de cacao de plus de 400 F Cfa.

« S’il n’y a pas d’argent, je préfère retourner chez moi avec mes sacs de cacao », lâche Richard E au bout d’une énième interrogation sans réponse concluante. Frustré et visiblement fatigué, l’homme d’une cinquantaine d’années avec une taille imposante, s’assoit désespérément sur l’une des chaises disposées au secrétariat de la Fédération des Unions des Gic du Moungo (FugicMo) à Mbanga dans le département du Moungo, région du Littoral. Ce vendredi 22 janvier 2021, Richard est venu pour la troisième fois, encaisser les revenus de la vente de son cacao, plus de 2 tonnes. Mais, les caisses ne peuvent pas pour l’instant supporter sa facture.

                                                     Source : FUGIC MO/DataViz by ADISI-Cameroun

Parti de Bangem, une commune de Koupé-Manengouba dans la région du Sud-Ouest, pour écouler son stock de cacao, l’agriculteur, n’a encore rien reçu. « J’étais obligé de m’installer à l’hôtel, en attendant de recevoir mon argent », explique-t-il. A 5 heures de route de sa famille, Richard a préféré attendre les retombées de sa production surplace, évaluées à un peu plus de deux millions F Cfa.

Une longue attente jamais vécue, qui inquiète déjà ce producteur du cacao. Ce vendredi dans l’après-midi, le cacaoculteur qui menace de récupérer ses colis, craint une fois de plus de rentrer bredouille, comme les deux jours précédents. Les acheteurs se font non seulement rares, l’argent aussi, déplore, Dénis Dansi, le secrétaire général de cette organisation agricole qui regroupe 800 membres producteurs du cacao principalement dans le Littoral et le Sud-Ouest.

Pour satisfaire les producteurs comme Richard, le Fugicmo, leader régional en termes de coopérative avec plus de 2 millions de tonnes de cacao vendus en 2020, et une référence au niveau national, a besoin des fonds, que lui-même attend encore des entreprises exportatrices du cacao, leurs principaux clients. Jusqu’à 15 heures, le coursier dépêché dans la matinée à Douala ce jour pour récupérer une partie des financements, était toujours attendu. Un retard qui inquiète davantage la dizaine de cacaoculteurs présents.

Instabilité   

Dans son bureau, le secrétaire général gère au mieux la crise de panique des producteurs. Il doit trouver les astuces pour apaiser les cœurs de ceux qui se plaignent de la chute du prix ou sollicitent leur paiement, et surtout rassurer ceux qui s’informent de l’évolution du prix sur le marché. Denis Ngonde, un autre cultivateur de Bangem, ne se lasse d’ailleurs pas de décrier cette instabilité du prix qui affecte considérablement leur secteur d’activité depuis le mois de juillet 2020.

                                                     Source : FUGIC MO/DataViz by ADISI-Cameroun

Une chute qui serait en partie liée à la crise sanitaire qui paralyse le monde, et qui sévit au Cameroun depuis le mois de mars 2020. « La crise sanitaire a eu un impact important sur le marché du cacao. Les magasins sont saturés parce que les exportations sont crispées, et les financements difficiles. Les anciens stocks ne sont pas encore consommés. Nous achetons, mais ne revendons pas, donc l’argent ne circule pas. Et ça se répercute sur toute la chaine », déplore Rodrigue Ndoh, commercial   dans une entreprise exportatrice du cacao.

Après avoir perdu une bonne partie de sa production dans la crise anglophone, Denis Ngonde regrette la baisse du prix kilogramme de cacao qui stagne entre 900 et moins de 1000 F Cfa, contrairement à la période d’avant Covid-19, où il se situait entre 1000 F Cfa et 1 300 F Cfa.  Avec un stock de 2 tonnes 764 Kg, le quinquagénaire a récolté un peu plus de 2 millions F Cfa, alors qu’avec la même quantité avant la Covid-19, il pouvait encaisser minimum 4 millions F CFa. « Sans la Covid-19, nous pouvions aller au-delà de 1360 F CFA, puisque nous étions sur une bonne lancée en janvier 2020. Les exportateurs se plaignent de l’instabilité du marché mondial, et surtout du confinement en Europe, principale destination du cacao camerounais (, qui freine les transactions. Dans notre organisation, les prix sont fixés sur la base des prix communiqués par l’Office National du Cacao et du Café, (ONCC) », explique Dénis Dansi. Sur son site, l’ONCC informe qu’à la date du 20 janvier 2021, « le prix d’achat par les Exportateurs à Douala Mini varie entre 925 F Cfa et maxi 1000 F CFA le Kg ». Le prix de vente à bord au départ du navire à Douala (prix FOB) est de 1230 F CFA le Kg.

                                             Source : FUGIC MO/DataViz by ADISI-Cameroun

Au Fugicmo, les coûts varient également en fonction de la quantité du cacao. Plus le volume est grand, explique le secrétaire, plus les enchères sont élevées. Mais, avec la dégringola du prix, les magasins du Fugicmo toujours saturés de vendeurs et des sacs de cacao, sont quasi vides. Ce vendredi, à peine une centaine de sacs y sont rangés. Les producteurs conservent leur récolte pour attendre la hausse des prix, apprend-t-on.

Severin Nguimbou, qui dispose de 800 kg de cacao, prie désormais pour que la situation évolue en s’améliorant. « C’est depuis le mois de novembre que j’espère un changement. Mais les prix ne font que chutés. Si d’ici février il n’y a aucun changement, je serai obligé de vendre. J’espérai empocher au moins un million F Cfa, mais je risque de me retrouver avec moins de 700 mille F Cfa. C’est une grosse perte. C’est compliqué pour nous qui vivons à Mbanga. L’agriculture est notre principale source de revenu », déplore Severin Nguimbou. Pour ces nombreux producteurs qui dépendent exclusivement du cacao, leur stabilité socioéconomique dépend désormais de l’évolution du marché. Pourtant, les prévisions, fortement liées à l’évolution de la crise sanitaire, ne rassurent pas.

Travaux réalisé dans le cadre du projet « Accès à l’information en période de Covid-19 » avec le soutien de Free Press Unlimited

Marie Louise MAMGUE

Leave comment

Your email address will not be published. Required fields are marked with *.