Covid-19 : Les recettes fiscales chutent de plus de 100 millions Fcfa à l’Est Cameroun
Des billets en manque dans les caisses du tresor de l'est-Cameroun

Les mois de mai et juin ont connu une baisse drastique des recettes de l’ordre de 148.673.790 F Cfa. Les prochains mois s’annoncent plus difficiles à cause de la cessation d’activités de certaines entreprises forestières et minières à l’Est du Cameroun.

Bien qu’ayant atteint ses objectifs du second semestre 2020 à hauteur de 3.583.216.806 F Cfa, sur un objectif assigné de 3.546.500.000 F Cfa, Oumarou Wadjonré, chef de Centre régional des impôts de l’Est n’a pas la mine grise. Avant le déclenchement de la crise sanitaire actuelle, ses services avaient réalisé l’exploit de collecter près de 1,7 milliards F Cfa au titre du premier trimestre, sur une prévision des recettes de 805 millions F Cfa assignée par la Direction générale des impôts. Soit un taux de réalisation de 102%.

Parti sur cette bonne base, grâce au bon suivi des contribuables qui ont renouvelé leurs patentes, impôts libératoires et payé leur solde d’impôts, sa joie n’a été que de courte durée. Car l’impact négatif de la Covid-19 a commencé à se ressentir au mois de mai. « Sur un objectif de 621.000.000 F Cfa, nous avons réalisé les recettes de 601.009.311 F Cfa. La situation s’est aggravée au mois de juin. Sur un objectif de 666.700.000 F Cfa, nous n’avons que collecté 538.016.899 F Cfa », explique-t-il. Le tableau comparatif de rendement 2020/2019 signal un écart de recettes de 148.673.790 F Cfa.

Dans cette administration située à Bertoua, la capitale régionale de l’Est, ce n’est plus la grande affluence des contribuables. Les usagers se comptent désormais au bout des doigts. Pour Oumarou Wadjonré, le patron des lieux, plusieurs facteurs expliquent cette baisse drastique des recettes ces deux derniers mois. « Depuis le déclanchement de la pandémie du Covid-19 au mois de mars, certaines entreprises forestières et minières installées dans la région nous ont informé de la suspension temporairement ou définitivement de leurs activités. Une situation qui a eu des répercussions négatives sur nos recettes. Selon certaines entreprises, tout le bois qui a été coupé est toujours stocké au port de Douala à cause de la fermeture des frontières internationales. Et ces sociétés forestières ne peuvent plus effectuer de nouvelles coupes. Conséquences, la taxe d’abattage que nous percevons dans ces entreprises a disparu, tout comme la taxe à l’essieu liée aux charges des camions d’un chargement de plus de 3 tonnes », relève-t-il.

Plus 2 000 salariés mis au chômage

A l’Est, plus de la moitié des effectifs des employés ont été réduits dans les entreprises. C’est le cas des 250 employés de la Cameroon Timber installée à Kika, à l’Extrême Sud-est du Cameroun. Ils avaient bruyamment manifesté leur colère contre la direction générale de cette entreprise forestière qui a décidé de les mettre en congé technique sans salaire. Pour l’un des ex-employés qui a requis l’anonymat, « la mise en congé technique alléguée pour cause de Covid-19 n’était qu’un leurre ». En réalité, explique-t-il, « la société Cameroon Timber était au bord de la faillite. Raison pour laquelle le paiement de nos salaires devenait de plus en plus difficile ». Comme lui, la plupart des ouvriers licenciés par d’autres sociétés forestières ou minières rencontrés à Bertoua soupçonnent leurs anciens patrons de profiter de l’apparition de cette crise sanitaire pour se soustraire de leurs obligations fiscales et de mettre la clé sous le paillasson. Une source à la délégation régionale du travail et de la sécurité sociale de l’Est parle de plus 2 000 ouvriers salariés mis au chômage par une trentaine d’entreprises qui auraient dû réduire temporairement ou définitivement leurs effectifs. Tandis qu’une dizaine a préféré mettre la clé sous le paillasson sans crier gare.

D’autres secteurs mis en mal

Parmi les secteurs également touchés par les ravages du Covid-19, le transport, la restauration, les entreprises hôtelières et autres activités qui se greffent autour du tourisme. « Cela a entraîné un énorme manque à gagner en termes de taxes comme la taxe de séjour que nous prélevons dans les hôtels », déplore le chef de Centre régional des impôts de l’Est. Pourtant ces dernières années, les établissements hôteliers se sont multipliés dans la région l’Est sur le segment haut de gamme, en ciblant une clientèle d’affaires importantes. De 2 à 3 étoiles, en passant par des hôtels de standing moyen, la région de l’Est compte aujourd’hui une gamme diversifiée d’établissements hôteliers.

Malheureusement, tout est au point mort. « Il n’y plus de touristes, pas de séminaires, encore moins de mariages. Regardez notre parking, les chambres sont totalement vides. La clientèle a complètement disparue », se lamente un opérateur du secteur dans la ville de Bertoua. Région touristique et de transit pour le grand-nord, le Tchad, la République Centrafricaine et le Congo-Brazzaville, l’Est compte parmi les grands pôles économiques du Cameroun. « Tous les touristes et camionneurs qui viennent ou qui passent par cette région sont de potentiels clients pour nos hôtels, auberges, débits de boisson, les espaces de restauration, les commerces de biens divers et autres consommables. Depuis le déclanchement de cette pandémie, rien ne marche », constate Mathurin, gérant d’un hôtel de la place.

Néanmoins, pour les entreprises qui continuent leurs activités malgré la crise sanitaire, les effectifs des employés ont été réduits de moitié. Par ailleurs, l’inquiétude des fiscalistes reste grandissante si les mesures gouvernementales d’exonération de certaines taxes restent maintenues. La progression du Covid-19 ne permettant plus aux fiscalistes de se déployer partout, le chef de Centre régional des impôts précise que « l’immatriculation du contribuable tout comme le paiement des taxes fiscales se fait déjà en ligne ». Ce qui permet aux usagers de gagner en temps, de réduire le phénomène de la corruption et de traiter les dossiers des contribuables avec célérité.

Ange-Gabriel OLINGA BENG  à l’Est

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