Environnement : La difficile recréation des mangroves à Lokoundje
Source : FEDEC

Environnement : La difficile recréation des mangroves à Lokoundje

Pour lutter contre la dégradation de cet écosystème dans cet arrondissement du département de l’Océan, région du Sud, l’association Global Environment Protectiv a initié un projet de régénération de mangroves qui n’a pas atteint les objectifs escomptés. Sur les 3,800 ha reboisés, les palétuviers n’ont résisté que sur une superficie de 1,300 ha environ. Entre autres causes, l’absence d’un dispositif de suivi-évaluation selon les experts environnement difficile dans la création des mangroves.

Sur une superficie d’un peu plus de 2 ha, quelques arbustes de palétuviers sont visibles. Parsemés au milieu des formations végétales qui bordent le fleuve Lokoundje, au quartier Lohovi dans l’arrondissement éponyme, département de l’Océan, région du Sud, leur taille varie d’un arbre à l’autre. Les racines sont engluées dans les flaques d’eau formée par la montée du fleuve. « Des plants ont été mis en terre sur tous ces espaces. Mais plusieurs n’ont pas résistés », se désole Aeia Barth, un riverain qui montre du doigt la vaste étendue végétale qui se dessine sur les rives du fleuve Lokoundje.

Ces plants qui visiblement ont des signes d’une mauvaise croissance, sont des restes des propagules plantées en 2019 dans le but de récréer les mangroves (écosystème côtier et humide, formé d’espèces végétales qui se développent dans la zone de balancement des marées) de cette commune. Une initiative de l’association Global Environment Protectiv (GEP) en collaboration avec la Fondation pour l’Environnement et le Développement au Cameroun (FEDEC) dans le cadre du projet « Régénération des mangroves et mobilisation des populations particulièrement des femmes et des communautés autochtones dans la conservation de ces écosystèmes à Lokoundje ».

Selon Mbeya Boniface, le promoteur de GEP, il était question de réaliser un planting de 7 000 palétuviers. 6 443 ont effectivement été plantés dans quatre villages de l’arrondissement de Lokoundje, situé sur la rive gauche du fleuve Nyong. Notamment Lohovi, le plus grand site qui s’étend sur une superficie de 2,5 ha, Hondja (6000m2), Bondjondji (3000m2) et Peloton (3000m2). « Nous avions constaté une perte en vitesse au niveau de la mangrove de Lokoundjé Embouchure. Elle se dégradait au fur et à mesure du fait de l’action de l’homme avec la coupe des palétuviers pour faire le fumage du poisson », explique Mbeya Boniface.

Comment la mangrove de Lokoundje est-elle un lieu de récréation difficile, mais essentiel à l’environnement ?

Cette commune du Sud Cameroun reconnue pour la densité de son écosystème selon le Réseau Camerounais pour la conservation des Mangroves et zones humides (Rcm), est une principale zone de concentration de la mangrove dans l’estuaire du Ntem, objet de convoitise. En effet, dans cette contrée de l’Océan sud-continental, les habitants qui vivent en majorité de la pêche, se servent des troncs des palétuviers pour fumer du poisson, en vue d’une longue conservation.  « Grâce à ce projet, nous avons compris que depuis des lustres, nous détruisons la nature sans le savoir. Pour nos communautés c’était du simple bois de chauffage. Ceci, sans savoir son importance pour la protection de la côte. Nous avons fini par comprendre que la montée progressive de la mer et même les nombreuses inondations du fleuve Lokoundje sont partiellement dues au fait que nous détruisons nous-mêmes la mangrove », affirme sa majesté Joseph Mapaka, chef du village Lokoundje.

Bien que salutaire, la restauration n’a malheureusement pas porté les fruits escomptés.  « Nous avions le plaisir de voir les plants sortir de terre quelques mois après. Malheureusement deux à trois ans plus tard, je peux conclure que du côté du site de Lohovi c’est un échec » regrette le patriarche Joseph Mapaka.  Au total, indique le GEP, 3,800 ha de mangrove ont été reboisés, mais les palétuviers n’ont résisté que sur une superficie de 1,300 ha environ. « Plusieurs plants sont morts ou disparus sur un peu plus de 2 ha. Seulement trois sites ont réussi. Lohovi qui était notre grand espoir parce qu’étant le plus grand site, est devenu notre plus grande désolation » regrette Boniface Mbeya.

Pour lui, la cause est naturelle. « L’une des raisons c’est les inondations. Lorsque l’eau monte, les lamantins atteignent les marécages et mangent les jeunes plants. Il s’avère aussi que le sol de ce site subit une dégradation naturelle. Nous suspectons qu’il pourrait y avoir un gisement qui empêche les plantes de se reproduire aisément. Car tout ce qu’on y a planté est en train de mourir », croit-il savoir.

 

environnement difficile dans la création des mangroves Suivi-évaluation

Pour réussir une telle plantation, explique Pascal Ebogo, expert en reboisement des mangroves et chef secteur de l’Agence nationale d’appui au développement Forestier (Anafor) dans l’Océan, le Littoral et le Sud-Ouest, plusieurs paramètres doivent être intégrés. « Le succès de la plantation des propagules dépend  de l’entretien, du choix des espèces et du site environnement difficile dans la création des mangroves. Dans un site, il faut tenir compte de l’inondation par la marée, la hauteur de l’inondation, la vitesse du flux et du reflux, la salinité des eaux de la marée, l’apport d’eau douce, la texture du sol, la présence des sédiments dans les eaux de la marée et la température de l’eau de mer », précise cet expert.

Un autre facteur important qui a été négligé selon Albert Mbotto Ndomi, expert environnemental et membre du Rcm, serait l’absence d’un entretien conséquent et d’un suivi-évaluation au fil des ans. La régénération des mangroves, relève-t-il, nécessite entre 75 et 90 jours environ d’entretien intensif à partir de la date de plantation. « Il y a des plants qui meurent. D’autres sont endommagés par des crabes, érodés, ou flétris. Il faut un bon suivi et un entretien intensif allant jusqu’à 120 jours d’affilée. Le minimum c’est 75 jours. Tout cela doit être accompagné des mesures visant à faciliter le drainage, éliminer les déchets et les broussailles pour combattre l’érosion », explique l’environnementaliste. Selon lui, les initiateurs n’ont pas suffisamment fait la maturation du projet ou ne se sont pas entourés de toutes les expertises nécessaires.

Malgré ce couac, GEP ne baisse pas les bras. Pendant le suivi, les coordonnateurs du projet ont remplacé les plants morts en mettant en terre 500 nouvelles propagules à Lohovi. « Cette fois-ci, nous avons jeté des plantules à travers des racines échasses car avec la crue, l’accès y était très difficile», rassure le porteur du projet. Ces arbres vont combler le vide laissé par l’exploitation abusive des palétuviers de la Lokoundje.

Estuaire du Ntem

En effet, relève le GEP, la couverture de mangrove intacte dans la Lokoundje  a régressé de près de 8% pour une étendue de 50 ha environ, le long des fleuves Nyong et Lokoundje et le long de la côte maritime allant de Londji jusqu’à l’embouchure, entre 2015 et 2018. Cette couverture était estimé entre  2000 à 2015, à 42% pour une superficie de 1 038 ha, selon  le rapport « Atlas des mangroves du Cameroun » publié en juin 2017 par le ministère de l’Environnement, de la Protection de la nature et du Développement durable (Minepded) en partenariat avec le Rcm. Bien qu’encore à l’état primaire selon le Dr Gordon Adjonina, coordonnateur national du Rcm, la dégradation des mangroves à la Lokoundje est préoccupante parce qu’elle constitue un stabilisateur efficace pour la zone de l’estuaire du Ntem.

Globalement, alerte Albert Augustin Mbotto Ndomi, cet estuaire subit une dégradation inquiétante. D’après le rapport  sus cité, les forêts de mangrove dans cette zone sont réduites d’environ 15% de leur étendue initiale. « L’urbanisation de la ville de Kribi et certaines personnes en quête du foncier détruisent des mangroves pour acquérir des terres. De même que certains grands projets de développement. Ajoutée à cela, l’exploitation abusive et illégale du palétuvier pour utilisation comme bois de chauffage dans les campements de pêche de Yoyo, Mombo et Londji », décrit-t-il.

De l’avis de Cécile Bibiane Ndjebet, présidente nationale de l’association Cameroun Ecologie « la situation n’est pas encore alarmante dans les zones de Lokoundjé comme dans l’arrondissement de Kribi II où les mangroves des villages Mpalla, Ebouye et Londji, sont en état de dégradation avancée ». Cependant, relève cette écologiste, il est urgent de mener une réflexion pour leur gestion durable et efficiente, impliquant à la fois la société civile, le gouvernement et les communautés locales.

Source : Minepded

environnement difficile dans la création des mangroves Solutions alternatives

Au rang des solutions contre la déforestation, le département de l’Océan, a enregistré outre le projet de reboisement méné par l’association GEP, le programme de reboisement de la mangrove de Mpolongwe I sur une superficie d’un hectare et le projet « Coast » qui a régénéré le site de mangrove dégradé de Londji I. Ces deux projets ont bénéficié de l’accompagnement du Minepdep et du ministère du Tourisme et des Loisirs. « Le gouvernement à travers la délégation départementale du Minepdep pour l’Océan accompagne toutes les ONG et associations qui font dans la préservation des mangroves. Le suivi permanent est également fait par nous sur tous les sites reboisés », informe Benjamin Haman, délégué départemental du Minepded Océan environnement difficile dans la création des mangroves.

Pour accompagner les actions de la société civile, Vandelin Nkoa, maire de la commune de Lokoundje, indique que sa commune projette d’initier une vaste campagne de sensibilisation de la population pour la préservation des mangroves. « Il va falloir étendre la sensibilisation à tous les villages longeant la côte dans cet arrondissement. Car si la sensibilisation s’arrête à un ou deux villages, les autres continueront de faire usage du palétuvier environnement difficile dans la création des mangroves. Et l’on n’atteindra pas le but escompté, celui de la gestion durable », pense cet élu local. Cependant, le maire recommande de mener une réflexion pour trouver une solution palliative pour substituer à l’utilisation des palétuviers comme bois de chauffage.

A ce sujet, la délégation départementale du Minepded de l’Océan envisage le reboisement d’une espèce à croissance rapide comme alternative à l’utilisation des palétuviers comme bois de chauffage par les fumeuses de poissons. En plus de cette option, le maire de Lokoundje propose la mise à disposition des foyers améliorés pour chaque case du village. Une idée partagée par Albert Mbotto qui suggère de « promouvoir davantage les foyers améliorés pour empêcher l’utilisation de palétuviers comme bois de chauffage ». Au-delà de toutes ces actions, insiste Cécile Ndjebet, « les municipalités doivent empêcher les installations anarchiques dans les zones de mangrove. De même, que les projets de développement qui détruisent les mangroves dans le cadre de leur plan de gestion environnementale et sociale ».

Lazare Kingue

Cette enquête a été réalisée en collaboration avec le quotidien Mutations et DataCameroon dans le cadre du projet Open Data for Environment  and Civic Awareness in Cameroon  (Odeca), initié par ADISI-CAMEROUN. Le projet est financé par le Centre For Investigative Journalism (CIJ) de l’université de Londres dans son programme OCRI ( Open Climate for Reporting Initiative).

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