Etablissements scolaires : Les clandestins font leur rentrée à Douala

Malgré les décisions de fermeture signées par le ministre de l’Education de Base Laurent Serge Etoundi, ces écoles primaires et maternelles sont ouvertes et fonctionnelles.

Comme tous les autres établissements scolaires du pays et notamment de la ville de Douala, « Possibility bilingual nursery and primary school » situé au quartier New Priso (Koweit) dans l’arrondissement de Douala 2ème a fait sa rentrée le 6 septembre dernier. Ce matin-là, 11 élèves ont répondu présents. Pourtant, l’école est encore en chantier. Des deux bâtiments devant abriter les salles de classe, juste un seul est presqu’achevé, du moins pour ce qui est du gros œuvre.

D’ailleurs alors que les enfants sont en salle, les techniciens vont et viennent, les bruits de pèle se mêlent aux voix des trois enseignants qui donnent cours. Des trois salles de classe presque prêtes car n’ayant ni portes, ni fenêtre entre autres manquements, deux sont occupées. L’une par les élèves de Class 4 et l’autre ceux de Class 3 et Class 1 qui se partagent donc la même salle de classe et le même tableau. L’école qui jouxte les maisons d’habitation est dans une promiscuité cuisante. Ce qui sert de cours de récréation est jonchée de flaques d’eau et d’ordures ménagères.

L’école qui est à sa première année de fonctionnement n’est pourtant pas autorisée. D’ailleurs, son nom figure en bonne place parmi les établissements clandestins répertoriés cette année par le ministère de l’Education de Base. Motif, faux et usage de faux. Il s’agit en réalité de l’usage d’une fausse autorisation de création et d’ouverture de l’école. Cette école, d’après les décisions prises par Serge Laurent Etoundi, ministre de l’Education de base le 4 août 2021, est fermée depuis lors.

Une décision de fermeture dont le directeur de l’école rencontré ce matin du 6 septembre, affirme ne pas être au courant. « Je ne suis que le directeur de l’école. Le fondateur m’a présenté une autorisation de création et d’ouverture donc je ne sais pas de quoi vous parler », indique Yves Christian Siani Tcheukam, le directeur. « Je ne saurai d’ailleurs pas vous dire si le document qu’il m’a présenté est un faux ou pas. C’est un promoteur d’école. Il n’est pas à sa première école en plus. Je ne suis qu’un employé. Néanmoins, quand on ira à l’inspection pour le code des examens et du sous centre où nos élèves vont composer, là je saurai si l’école est autorisée à fonctionner ou pas », ajoute Yves Christian Siani Tcheukam.

Reprise normale

A vol d’oiseau de là, le GSB Divine Wisdom situé au Bois des singes, toujours dans l’arrondissement de Douala 2e est également fonctionnelle. La décision de fermeture dont elle fait l’objet n’a visiblement pas fait écho ici. Le brouhaha dans les salles de classes confirme la présence des élèves dans l’enceinte de l’école en ce jour de rentrée. Quelques-uns déambulent d’ailleurs dans les allées et dans la cour. Au groupe scolaire bilingue Yontcheu De Kwetcheu au quartier Bonamoussadi-Sable dans l’arrondissement de Douala 5ème, la rentrée est prévue le lundi 13 septembre 2021. Lors du passage de Data Cameroon jeudi 16 septembre 2021, tout y est visiblement fin prêt pour accueillir les tout-petits de la maternelle. Aucun enseignant n’est présent, encore moins la responsable de l’école. « Madame n’est pas encore là et je ne sais à quelle heure elle va arriver », renseigne Simon, le seul membre du personnel présent. A la question de savoir si l’école est fermée, ce dernier se hâte de répondre par la négative. « La rentrée ici c’est le lundi 13 septembre ».

A l’instar de ces écoles suscitées, il y a également plusieurs autres répertoriées clandestines dans la ville de Douala mais qui fonctionnement normalement depuis la reprise de l’école pour le compte de l’année scolaire 2021-2022. Aucun arrêt des cours ni pose des scellées sur lesdits établissements, encore moins une note d’information relative à la décision prise par Laurent Serge Etoundi. Rencontré vendredi 10 septembre 2021, Léopold Ymga Djamen, délegué régional de l’Education de base pour le Littoral affirme avoir déjà jouer sa partition. « Pour moi, ces écoles sont fermées. Alors, de quelle rentrée ou fonctionnement de celles-ci me parlez-vous ? », interroge-t-il. « Lorsque le ministre a signé ces décisions, j’ai écrit au gouverneur. Ce dernier à son tour a écrit aux préfets et sous-préfets également pour l’application de ces décisions. Car ce n’est pas moi qui ferme les écoles mais l’autorité administrative. J’ai fait mon travail », poursuit-il, demandant au passage à l’un de ses collaborateurs de me fournir une copie de la correspondance adressée le 9 août 2021 au gouverneur de la région du Littoral.

Corruption

Visiblement, la mise en application des décisions n’est pas encore à l’ordre du jour. Et pour François promoteur d’une école, l’une des raisons de cette non application des décisions du ministre est la corruption. « J’ai demandé à quelqu’un employé dans une sous -préfecture dont je préfère taire le nom ce qui explique qu’un mois après les décisions du ministre rien ne soit fait sur le terrain. Il m’a répondu que fondateur laisse le dossier là. En plus les élèves ont déjà repris les classes. Pour la simple raison que l’argent a déjà circulé », soutient notre source. « C’est une affaire de gros sous en dessous des tables. Parce qu’il suffit à certains promoteurs d’écoles clandestines de faire circuler des enveloppes d’argent et le tour est joué. On passe dessus, l’année finie, une autre recommence et c’est la même chose tout le temps », renchérit un autre.

Et à en croire les acteurs du domaine, le mal est profond. « Ce secteur est un serpent de mer », lance monsieur Nyetam du Secrétariat à l’Education (Seduc). D’après lui, dans la ville de Douala, l’on peut avoir 150 à 200 écoles clandestines. « C’est énorme ! Ce qu’on a dans la liste c’est juste ce qu’on a pu recenser. Puisque nous faisons le constat, on recense ce qu’on peut recenser et on remonte l’information à la tutelle. Mais je puis vous assurer que tous les clandestins ne sont pas répertoriés sur cette liste », explique notre interlocuteur, non sans préciser que la crise au Nord-Ouest et le Sud-Ouest n’a pas arrangée la situation. Car le flux de déplacés internes a, d’après ses explications, favorisé l’augmentation des écoles clandestines puisque la demande de scolarisation des enfants est bien réelle et forte.

Marthe NDIANG

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