Le Noun est le département le plus touché avec près de 36500 personnes, suivi des Bamboutos. Pour cause, l’ignorance de la population.

 Le petit Oumarou Sanda, âgé de 13 ans est à sa deuxième et dernière année de CM2 à l’école publique de Tsinégha dans l’arrondissement de Galim, département des Bamboutos, à environ 55Km de Bafoussam.  Cet élève classé parmi les plus éveillés de sa classe fait du sur place pour problème d’acte de naissance. Ses parents n’ont pas pu lui en établir par manque de moyen financier. A cause de cela, depuis l’année scolaire 2018-2019, il n’a pas constitué ses dossiers de candidature au concours d’entrée en 6e et à son premier examen officiel, le certificat d’études primaires (CEP).

 Son enseignant affirme que « pour cette année scolaire (2019-2020 Ndr) encore, il n’y a pas espoir qu’il puisse présenter l’examen, puisque le parent s’est présenté et a dit qu’il n’a pas de moyens, donc à la fin de cette année, il va encore se retrouver à la maison, et cette fois-ci définitivement puisqu’il ne peut pas revenir l’année prochaine au CM2. En effet il n’est pas permis de faire une classe plus de deux fois. » Dans la classe que tient Samuel Nzonoung, des cas similaires défilent tous les ans. L’enseignant et directeur de cette école, affirme que 5 autres élèves de CM2 n’ont pas d’actes de naissance cette année, et au CM1 il y en a plus encore.

A Tsinégha comme dans plusieurs villages de l’arrondissement de Galim, une bonne partie des élèves sont issus de la communauté Bororo, un peuple de bergers nomades dont certains se sédentarisent dans la région de l’Ouest-Cameroun ; une communauté au sein de laquelle on compte l’un des plus faibles taux d’enregistrement des naissances du pays. « La plupart des enfants Bororo sont venus au monde à domicile, loin des hôpitaux où une déclaration de naissance peut être délivrée. C’est seulement après que l’enfant a grandi, est scolarisé, et est arrivé à un niveau scolaire où l’acte de naissance est exigé qui lui devient difficile de poursuivre ses études faute d’acte de naissance » d’après Chaibou Alidou, membre de la communauté Bororo et vice-président de l’association pour le développement social et culturel des Bororos.

Depuis environ 15 ans, cette organisation de la société civile travaille au sein de cette communauté pour changer la donne avec beaucoup de difficultés, dues principalement aux mentalités et à l’ignorance. « Certains de ces parents ne connaissent pas l’importance d’un acte de naissance, les parents eux-mêmes n’en ont d’ailleurs pas. Autrefois les Bororos n’allaient pas à l’école. Ce qui fait qu’aujourd’hui, la majorité n’est pas instruite, par conséquent, ils ne trouvent pas important d’avoir un acte de naissance. De nos jours il devient pourtant impossible de se faire établir une carte nationale d’identité sans présenter son acte de naissance. Les parents ne savent pas que leur progéniture pourrait ne jamais poursuivre leurs études. L’ignorance est le principal problème » ajoute le Vice-président de MBOSCUDA, qui remarque que le petit Oumarou de Tsinégha va très certainement finir comme berger, à l’image de ses parents. C’est le cas aussi pour plusieurs enfants Bororo dans le Noun un autre département de la région de l’Ouest.

Noun

D’après le Bureau National des Etats Civils (BUNEC) le Noun, le plus vaste département de la région, est la contrée où la situation est le plus déplorable.  Car dans l’Ouest-Cameroun qui compte environ 1 892 545 d’habitants (annuaire statistique du Cameroun, édition 2015), plus de 56500 personnes n’ont pas d’acte de naissance.  36 500 soit plus de la moitié se trouvent dans le Noun. Une situation alarmante pour les autorités publiques. « Il y a des familles dans lesquelles aucun membre n’a un acte de naissance. Car c’est une chaine qui se suit. En effet pour faire établir un acte de naissance à un enfant, il faudrait d’abord que le parent lui-même en dispose, sinon il lui sera difficile d’apporter la preuve des informations qu’il va fournir pour faire que son enfant puisse avoir un acte de naissance. C’est à ce niveau que se trouve le goulot d’étranglement que nous rencontrons », relève Séraphine Kenko Ngakam, la chef d’agence régionale du BUNEC qui reconnait qu’il faut un travail de fond pour que les parents puissent assurer la continuité d’établissement d’acte de naissance pour leurs enfants.

Conscients de la complexité de la situation, les autorités publiques et les organisations de la société civile cherchent désormais à faire alléger les procédures de jugement supplétif, en vue de l’établissement d’actes de naissance, notamment par l’organisation d’audiences foraines.

Phillipe Malong, à Bafoussam

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