Extrême-Nord : Tourou, ce village fantôme abandonné à cause de Boko Haram
Les restes du centre de santé de Tourou, attaqué en 2015 par Boko Haram

Le village fantôme abandonné à cause de Boko Haram dans l’Extrême-Nord

Avec plus de la moitié de ses habitants en fuite, le hameau montagnard de Tourou, frontalier au Nigeria, dans l’arrondissement de Mokolo, département du Mayo Tsanaga, subit depuis plus de 5 ans, des assauts répétés de la secte terroriste Boko Haram. Cette insécurité prive ce village de ses infrastructures sociales Village abandonné à cause de Boko-Haram.

Yerima Djibrine, une femme âgée de 86 ans vit dans la solitude et l’angoisse. Assise sur un tabouret, devant sa case délabrée ce 30 juillet 2023, cette matriarche a les yeux plongés dans le vide. Avec le temps, elle s’est habituée à ce silence qui la ronge au quotidien depuis l’assassinat des membres de sa famille en 2015 par les membres de la secte islamique Boko Haram Village abandonné à cause de Boko-Haram. « Je vis dans la peur, il n’y a plus assez d’habitants par ici », soupire cette octogénaire, stupéfaite par la visite du reporter de Datacameroon.

La hutte de cette vieillarde est dissimulée au milieu des arbres à l’entrée du village Tourou, un village situé dans l’arrondissement de Mokolo, département du Mayo Tsanaga dans la région de l’Extrême-Nord. Elle est l’un des rares habitante encore présente dans cette bourgade située au beau milieu des Monts Mandaras à la frontière entre le Cameroun et le Nigeria Village abandonné à cause de Boko-Haram. « Même les femmes qui portaient sur la tête les calebasses rouges en guise du chapeau, ne sont plus visibles dans le village », se désole Yerima Djibrine.

Yerima Djibrine, la matriarche de Tourou
Yerima Djibrine, la matriarche de Tourou

Tourou et ses maisons de pierres en ruine, offrent un paysage désolant à près de 69 kilomètres de route de la ville de Mokolo, chef-lieu du département du Mayo Tsanaga. Seule une partie du nord de ce village est accessible, uniquement à pied ou à vélo. La plupart des murs des maisons qui témoignent de la présence des êtres humains menacent de s’effondrer Village abandonné à cause de Boko-Haram. Des impacts de balle sont encore visibles sur certaines façades. Les habitations n’ont ni eau, ni électricité.

Village fantôme

Dans les rues, les éléments de la Force Mixte Multinationale (FMM) et la police sont omniprésents. Les rues sont silencieuses Village abandonné à cause de Boko-Haram. Les habitants sont rares. Le moindre bruit attise la curiosité. Votre reporter est d’ailleurs escorté sur une partie du trajet par la police.

Autrefois habité par environs seize milles d’habitants, Tourou est aujourd’hui sans vie. Entouré des montagnes qui longent vers le Nigeria, sa proximité avec le Nord-Est de ce pays voisin, fief du groupe terroriste Boko Haram, qui sévit dans cette région du Cameroun depuis 2014, fait de lui, une proie facile Village abandonné à cause de Boko-Haram.

Des invasions qui ont contraint les habitants à abandonner leurs domiciles. « La population dort à peine. Elle est obligée de se réfugier chaque soir sur les montagnes. Les forces de défense font de leur mieux pour défendre la population mais l’état géographique de la zone et sa proximité avec le nord-est du Nigeria ne les facilitent pas la tâche. Les militaires tombent régulièrement sur des mines implantées la nuit par ces terroristes », explique Dr Vohod Teguimé, maire de Mokolo Village abandonné à cause de Boko-Haram.

Même les plus téméraires, ont fini par céder, et se sont exilés dans d’autres localités de la région. « Le village s’est vidé », déplore Yerima Djibrine, qui craint une disparition de cette localité. « Près de 16 milles personnes vivaient ici mais depuis les attaques meurtrières de 2015 et 2022, la population est réduite aujourd’hui à environs 5 110 personnes », indique une source à la sous-préfecture de Mokolo qui a requis l’anonymat. Un nombre important de déplacés internes recensés dans la Matrice de suivi des déplacements (Displacement Tracking Matrix, DTM en anglais), un outil de l’OIM, permettant de collecter des informations sur les déplacements et les besoins humanitaires multisectoriels dans les zones affectées par les crises Village abandonné à cause de Boko-Haram.

Ici, le traumatisme se lit sur les visages de certaines personnes qui malgré l’effroi, ont préféré retourner dans le village.  « On se demande bien si ce village nous appartient. A cause de Boko Haram, on est obligé de fuir le village la nuit pour se réfugier sur les montagnes. On ne regagne le village que le matin pour ceux qui ont encore le courage d’y rester Village abandonné à cause de Boko-Haram. Boko Haram nous attaque presque toutes les nuits », explique Vasgai José, l’un des patriarches de Tourou.

Selon Taoyang Innocent, sociologue à l’Université de Ngaoundéré, « depuis les attaques de mars 2015 qui se sont déroulées dans la matinée, la psychose s’est réinstallée » dans cette localité. Les autorités administratives et traditionnelles ainsi que les militaires sont toujours en alerte. A en croire Evariste Atangana Zoa, sous-préfet de Mokolo, les fonctionnaires qui prennent le risque de travailler à Tourou sont obligés de retourner à Mokolo en fin de journée. « Plusieurs postes militaires ont été créés à Tourou pour protéger la population locale. Ces postes ont été attaqués à plusieurs reprises et des soldats tués. Ces terroristes ont attaqué les écoles, les marchés, bref, ils ne laissent rien sur leur passage. Pour protéger la population, certaines administrations telles que la douane par exemple, ont été retirées de la zone Village abandonné à cause de Boko-Haram. L’armée est en alerte permanente », explique le sous-préfet de Mokolo.

Village abandonné à cause de Boko-Haram Attaque

Le 04 août 2023 dans un énième assaut nocturne de ces combattants extrémistes, des dizaines de personnes ont été brutalement assassinées, des maisons détruites et des propriétés pillées. « Nous sommes fatigués de souffrir. Nous n’avons pas la paix à cause de Boko Haram. Les terroristes ont récemment attaqué un camp militaire ici à la frontière et ont emporté des armes et des munitions Village abandonné à cause de Boko-Haram. Ils utilisent ces armes pour attaquer des civils pauvres et innocents. C’est pour cette raison que nous avons récemment manifesté devant la sous-préfecture de Mokolo et les services du gouverneur de l’Extrême-Nord », relate Hakda Paul, l’un des rescapés.

Déjà en mai 2022, les habitants de Tourou avaient convergé vers la sous-préfecture de Mokolo pour protester contre les attaques de Boko Haram. Certains ont même amené des matelas pour camper devant la sous-préfecture estimant que le lieu était plus sécurisé.

A en croire le maire de Mokolo, le Mayo-Tsanaga et Tourou en particulier autrefois un lieu d’échanges commerciaux avec le Nigeria voisin est l’ombre de lui-même du fait de ces conflits armés qui durent depuis des années Village abandonné à cause de Boko-Haram. « Le poste des douanes a été attaqué et incendié, les camions transportant des marchandises ne peuvent plus passer par ici, à cause de ces terroristes », affirme Dr Vohod Teguimé.

L’insécurité exacerbe la situation socio-économique de ce village déjà précaire. Tourou qui partage les frontières avec le Nigeria, a vu son marché hebdomadaire fermé faute de commerçant. Le magasin de la Sodécoton a été saccagé et incendié. Son unique centre de santé a été délocalisé après avoir été attaqué en 2015 Village abandonné à cause de Boko-Haram.  Selon le maire de Mokolo les trois écoles primaires situées dans la zone frontalière, ont été délocalisées. Aussi, Boko Haram a conduit à une chute drastique du nombre de touristes dans les sites touristiques situés près de Tourou, à l’instar de Rhumsiki. « Ne pouvant pas tous dépendre de l’aide et de la solidarité des populations hôtes, la plupart des habitants se sont résolus à être des ouvriers de ces derniers ou comme les populations hôtes, à s’exiler soit au Nigeria, soit vers l’intérieur du pays », explique le sociologue.

Voir en plein écran

Des villages menacés

Tout comme à Tourou, l’insécurité est devenue si dévastatrice que la plupart des institutions et des entreprises ont été fermées dans de nombreux villages de la région. Selon le bureau local de Maroua de l’Organisation mondiale d’immigration (IOM) plusieurs autres villages voisins sont aussi abandonnés par les habitants. « Les villages de Ldinglingde, de Locktcha, de Toufou 2, d’Oupai, de Ziver, de Guedjele-Guibedrom, de Merekouet et de Ldoubam-Bas qui se trouvent vers les frontières dans le Mayo Tsanaga ont été abandonnés par leurs populations pour des localités plus sécurisées Village abandonné à cause de Boko-Haram. La plupart de ces villages se trouvent dans le canton Mayo Moskota. Quand elles se sentent en sécurité, elles y retournent mais une fois attaquées, elles fuient encore », explique Mongro Issac, agent recenseur à l’IOM au bureau de l’Extrême-Nord.

Cependant, insiste le gouverneur de la région de l’Extrême-Nord, Bakari Midjiyawa, le gouvernement fait des efforts pour sécuriser le territoire ainsi que les populations et leurs biens. « La zone du Mayo Moskota où se trouve Tourou est réputée pour les attaques de Boko Haram. La localité est juste située à la frontière non loin des villages nigérians aussi abandonnés par leurs populations à cause des attaques de Boko Haram », a indiqué le gouverneur.

Il relève : « ces villages abandonnés près de nos frontières ont été occupés par des terroristes qui traversent la frontière la nuit pour attaquer nos populations. Avec la porosité de frontière où ces bandits créent des nouvelles routes chaque jour, la mobilité n’est pas aisée surtout en saison pluvieuse Village abandonné à cause de Boko-Haram. Malgré les moyens mis à la disposition de nos forces, il est parfois difficile de traquer ces terroristes. Il faut aussi noter que ces derniers sabotent régulièrement les antennes téléphoniques. Donc, quand ils attaquent, il est impossible d’être informé à temps. Mais tout est fait pour sécuriser les populations ».

Les restes du centre de santé de Tourou, attaqué en 2015 par Boko Haram
Les restes du centre de santé de Tourou, attaqué en 2015 par Boko Haram

Village abandonné à cause de Boko-Haram Psychose

Outre les villages frontaliers, Moussa Kidal, travailleur à la Croix Rouge Camerounaise à Mokolo confie que : « Les personnes que nous avons rencontrées dans l’Extrême-Nord du Cameroun vivent dans la terreur. Beaucoup ont déjà été témoins d’attaques de Boko Haram et ont perdu des proches ou des connaissances. Elles ne se demandent plus s’il y aura de nouvelles attaques mais quand cela arrivera. Elles se sentent complètement abandonnées ».

Avec la montée des attaques de Boko Haram dans ces zones, Ilaria Allegrozzi, chercheuse à l’ONG Human Rights Watch, estime que « le Cameroun doit davantage multiplier ses efforts pour protéger efficacement les civils, notamment en renforçant la présence militaire et les patrouilles dans la région de l’Extrême-Nord sinon ces villages vont disparaitre de la carte ».

Dans la même logique, le sociologue Innocent Taoyang pense que « Les autorités camerounaises doivent de toute urgence renforcer leur protection dans les zones affectées.Vivant dans un total dénuement, ces personnes vont continuer à subir les assauts meurtriers de Boko Haram ou quitter leurs localités si rien n’est fait » Village abandonné à cause de Boko-Haram.

Pour rappel, Tourou avec ses 22 chefferies n’a pas toujours connu l’accalmie vécue dans les autres régions du Cameroun. Bien avant les attaques de Boko Haram, Tourou a constamment été sujette à des attaques des bandes armées venant du Nigeria Village abandonné à cause de Boko-Haram. En 2004 par exemple, un groupe armé avait déjà tenté de s’installer à Gossi, une localité de Tourou, avant d’être repoussé par l’armée camerounaise. Quatre personnes y étaient mortes et une personne avait perdu un bras.

Peter KUM

Mots – clés :

Boko Haram

Extrême-Nord

Tourou

Leave comment

Your email address will not be published. Required fields are marked with *.