Avec de nombreux salariés déjà en chômage technique à cause du Covid-19, l’industrie de l’hôtellerie au Cameroun subit des répercussions « catastrophiques » de la crise sanitaire engendrée par la pandémie. Cependant, aucune donnée n’est encore disponible pour évaluer les dégâts.

D’ordinaire à l’aube, Jacques, nom d’emprunt, met les petits plats dans les grands pour satisfaire au quotidien les papilles gustatives de la centaine de clients de l’un des hôtels 4 étoile de Douala. Ce vendredi 3 avril 2020, à 9 heures, ce cuisinier est resté confiné chez lui. La journée sera longue, dit-il, pour cet homme habitué aux journées marathons dans ses fourneaux. Jacques est en chômage technique, comme plus d’une centaine de ses collègues depuis le 23 mars 2020. « C’est depuis deux semaine que l’hôtel a décidé de nous mettre en congé technique. Il n’y a plus de client. Nous ne pouvons rien faire quand il n’y a plus de séminaires, des mariages, quand les aéroports sont fermés… c’est vraiment difficile », déplore ce père de famille.

En effet, le covid-19 au Cameroun, a entrainé l’industrie de l’hôtellerie au fond du gouffre. « C’est une catastrophe pour l’industrie hotellière ! tout est ferme », déplore Chantal Lewat, la présidente du Syndicat Patronal des Industries de l’Hôtellerie et du Tourisme (SPIHT), joint au téléphone. Les dégâts sont énormes et ont contraint plusieurs établissements hôteliers à une cessation d’activité, le temps que le pays sorte de la crise sanitaire. « Par jour, on a 2 à 4 clients. Maintenant à Douala il n’y a aucun hôtel qui a plus de dix clients, sauf ceux réquisitionnés par l’Etat pour les passagers mis en quarantaine. On risque de fermer les portes si cette situation ne change pas. J’ai été déjà mis en congé technique », explique sous anonymat une employée de l’Hôtel Vallée des Princes (3 étoiles).

La plupart des hôtels au Cameroun sont dans la même logique à en croire le SPIHT. Le personnel pour des raisons économiques est mis en chômage partiel. Même s’il est difficile pour l’instant de faire une estimation globale des pertes, Chantal Lewat explique : « On est parti de tout à zéro. On est obligé de mettre les employés en congé technique, vue les conditions ». Dans certains hôtels, comme au Star Land Hotel Douala (4 étoiles), l’effectif du personnel a été réajusté, pour assurer la continuité du service. Même si la situation est critique, cet hôtel continue de fonctionner pour satisfaire le peu de clients présents. « Nous sommes en service. Nous avons réajusté nos mesures de sécurité à celles prises par le gouvernement », explique l’un des responsables de l’hôtel.

La chaîne des hôtels La Falaise par contre, en plus d’avoir mis son personnel en congé technique, a fermé deux de ses établissements. « Nous sommes en congé technique depuis deux semaines.  L’hôtel continue d’accueillir les clients au cas où ils ne sont pas contaminés. Il y a le service minimum, avec un personnel par service. Avant nous faisons le plein au moins 4 fois par semaine. Aujourd’hui nous avons seulement trois clients », confie un employé de la Falaise Bonajo.  A L’hôtel Somatel (3 étoiles), seuls 7 employés sont encore en service. Cet établissement est passé d’une cinquantaine de clients à quelques-uns par semaine.

Mesures fiscales

Pourtant en plein essor avec d’une part l’arrivée des grands groupes hôteliers américains, (Hyatt et Radisson Blu), et le groupe qatari Katara Hospitality, et l’organisation du CHAN 2020, reporté à une date ultérieure, et la CAN 2021, la crise sanitaire actuelle qui paralyse l’économie mondiale, va anéantir les progrès en cours dans l’industrie de l’hôtellerie camerounaise.

Dans son rapport 2018 (Cameroon destination), le ministère du Tourisme et des loisirs, relève que le pays est passé de 930 hôtels à 1721 avec une capacité de 2585 lits entre 2012 et 2018.  Selon les provisions dudit Ministère, le Cameroun devait accueillir au moins six millions de touristes internes et un million de touristes internationaux par an à partir de 2020. Des prévisions désormais irréalisables, avec la fermeture des frontières. Toutes nos tentatives pour joindre le délégué régional du Tourisme et des Loisirs pour le Littoral, dans le cadre de ce reportage, après avoir pris rendez-vous, ont été vaines. Le but de cet échange était d’évaluer l’impact de la crise sanitaire dans le développement de l’industrie de l’hôtellerie.

Selon la Banque Mondiale, le tourisme et les secteurs associés ont engendré en 2016 près de 5,3% du BIP local. En 2017, selon Jumia Travel, le secteur du tourisme camerounais a réalisé 631.2 milliards F Cfa de recettes pour une contribution directe de 3.2% au PIB. L’industrie de l’hôtellerie emploie plus de 800 mille personnes. L’Etat a consacré sur la période 2015-2020 plus de 160 milliards FCFA d’investissements publics pour redynamiser de manière pérenne le secteur touristique et accroître principalement les capacités d’accueil hôtelier.

Le SPIHT espère bénéficier des avantages fiscaux, qui permettront aux promoteurs locaux de sortir la tête de l’eau.  Dans la même logique, le Groupement inter patronal du Cameroun (Gicam) a suggéré au Gouvernement une vingtaine de mesures fiscales, douanières et financières pour faire face à la pandémie du Coronavirus qui impacte déjà sur les entreprises.

Marie Louise MAMGUE

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