« La situation n’a pas changé malgré les multiples requêtes des chefs traditionnels »
Justin Aoudou

« La situation n’a pas changé malgré les multiples requêtes des chefs traditionnels »

Justin Aoudou Koueke, Président du Conseil d’arrondissement des Chefs traditionnels de Ngoura dresse le bilan des multiples actions des Chefs traditionnels pour mettre fin à l’exploitation illégale des ressources minières à l’Est.

Dans plusieurs correspondances adressées au Chef de l’Etat, les chefs traditionnels ont décrié la façon dont les terres sont exploitées à l’Est. Quelle est la situation actuelle ?

La situation n’a pas changé malgré les multiples requêtes des chefs traditionnels. Les Chefs sont même parfois accusés par leurs communautés. Elles croient que nous sommes complices de la situation qui prévaut dans les zones minières pourtant nous ne connaissons rien. Les exploitants qui arrivent présentent souvent des permis de recherche. Par contre c’est avec ces permis de recherche qu’ils exploitent et quand vous voulez vérifier, ce sont des coups de fils de la haute hiérarchie qui vous demande de les laisser travailler, donc la situation n’a pas changé.

Avez-vous reçu le feedback de vos multiples correspondances ?

Nous n’avons pas de feedback puisque la situation que nous dénonçons demeure.

Parlant du développement local, quel est l’état des lieux dans ces différentes localités où les exploitations prennent de l’ampleur ? Y’a-t-il des emplois pour les jeunes, des écoles, des hôpitaux, des routes et autres ?

Nous ne ressentons rien. Il n’y a aucun impact sur le développement local dans les zones d’exploitation minière. Il n’y pas des routes, pas de forages, pas d’écoles, même pas des tables bancs qu’on demande pour les enfants, ces entreprises n’ont jamais contribué. Parlant des emplois, je dois dire que ces entreprises viennent souvent avec l’essentiel de leurs employés et quand même ils prennent nos jeunes dans les villages, ils ne sont rien dans leurs sociétés. Pire, nos jeunes enfants et les populations en général sont exposés au danger des trous d’or abandonnés. Nous avons déjà enregistré de nombreux décès dans ces trous abandonnés.

Les Chefs traditionnels sont souvent accusés de complicité avec les exploitants et/ou le gouvernement lors des négociations des contrats et ce au détriment de la communauté. Que dites-vous à ce sujet ?

C’est vrai, quelques Chefs ignorants sont souvent en complicité avec les exploitants. C’est une situation que nous déplorons et du coup, les Chefs éveillés deviennent les ennemis à abattre. Nous les Chefs éveillés, nous continuons le combat en écrivant par exemple au ministère de l’Environnement pour dénoncer la non restauration des sites qui détruisent notre environnement si cher pour nous et pour les générations futures.

A côté des grands exploitants, il y a des riverains qui exploitent également clandestinement des sites miniers et s’exposent parfois à des risques énormes. Qu’est-ce qui explique cette situation ?                                                                                                      

Ce sont les riverains qui ne se soucient pas de leurs communautés et de leurs propres vies car l’exploitation minière obéir à une réglementation et aux normes environnementales.

Quelle est la nature de vos relations avec les exploitants miniers et le gouvernement qui assure la régulation de ce secteur ?

Nous n’avons aucune relation avec les exploitants.  Avec le gouvernement, nos relations sont comme le chat et le chien puisque quand un exploitant vient déjà avec une autorisation, nous n’avons plus le pouvoir sur lui. Et comme nous sommes dans un Etat de droit, on est obligé de les laisser faire.

Quelles sont les solutions que vous proposez pour qu’enfin l’exploitation des ressources naturelles, notamment l’or et le bois, ait des répercussions significatives et qualitatives sur le développement local ?

Entant que Chefs, nous proposons qu’avant la délivrance d’une autorisation d’exploitation, qu’il y est une assise entre l’exploitant et les populations pour prendre l’avis de la communauté assortie d’un cahier de charge qui respecte les normes et l’intérêt des populations. Je dois dire que nous avons pris sur nous d’organiser des réunions de sensibilisation dans les 33 villages de Ngoura pour demander aux jeunes d’aller à l’école au lieu d’aller dans les trous d’or clandestins car l’école c’est l’avenir. Au cours de ces descentes sur le terrain, j’ai même retiré des enfants mineurs dans les trous d’or en demandant qu’on interpelle leurs parents. Malgré les difficultés que nous rencontrons sur la route, nous allons mener ce combat jusqu’au bout car un Chef ne doit jamais dire que ça m’a dépassé.

Propos recueillis à Garoua Yaka par Sébastian Chi Elvido

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