Ressource halieutique : « Le statut des dauphins à bosse de l’Atlantique est critique en termes d’espèce en danger et en voie de disparition »
Dans cet entretien, Eddy Nnanga, ingénieur halieute spécialisé dans la gestion et la gouvernance des Aires Marines Protégées évoque la menace qui pèse sur les dauphins à bosse de l’Atlantique, dont la survie reste une préoccupation majeure au Cameroun .
Vous sortez d’une exploration dont le but était de documenter le dauphin à bosse de l’Atlantique aperçu pour la dernière fois au large des côtes du Cameroun il y’a 11 ans. Quelles sont les premières conclusions de cette exploration marine ?
En mai 2024, six sorties en mer ont été effectuées sur un bateau pour inventorier les espèces de dauphins à bosse de l’Atlantique sur près de 100 km de transects de la côte sud camerounaise. Deux méthodologies ont été déployées, notamment le point scan, qui consiste à s’arrêter à un point du transect, après avoir parcouru une distance de 30 km, et à effectuer une observation visuelle sur 360 degrés pendant 30 minutes à l’aide de jumelles. La deuxième méthodologie a consisté à déployer un hydrophone pour écouter la vocalisation des cétacés . À chaque sortie, l’équipe était accompagnée de la marine marchande de Kribi dans une chaloupe en fibre de verre équipée d’un moteur de 150 chevaux. Lors de ce suivi en mer, nous avons pu observer le déplacement d’un banc de dauphins communs dans la partie nord du Parc Marin Manyangue Na Elombo Campo. Cependant, aucune présence de dauphins à bosse n’a été relevée au cours de cette étude. Les dauphins à bosse existent sur notre côte, sauf qu’ils n’ont pas été observés durant notre mission. Leur statut est critique en termes d’espèce en danger et en voie de disparition. Les données collectées pendant cette exploration, nous permettent de mieux comprendre la dynamique des populations de cétacés dans cette zone protégée, et constituent une information précieuse pour la gestion et la préservation de cet écosystème marin.
Quelle est la différence entre les deux espèces de dauphin ?
Le dauphin à bosse doit son nom à la bosse sur son dos près de la nageoire dorsale, tandis que le dauphin commun a un corps plus profilé sans bosse visible. C’est la principale différence.
Combien de dauphins ont été identifiés ?
Une dizaine de dauphins communs ont été observés. Leur particularité regroupe une maturité physique : mâle 11-13 ans ; femelle 7-9 ans. Pigmentation : gris foncé sur le dos avec un dessin en forme de sablier sur les flancs composé d’une plage jaunâtre à l’avant et d’une plage gris-bleu à l’arrière. Leur ventre est clair . Leur tête est pourvue d’un rostre assez long et d’un melon assez effilé. Les dauphins vivent et se déplacent en groupe. Les dauphins de haute mer (pélagiques) forment de larges bandes comptant, selon les espèces, une ou plusieurs centaines d’individus et parfois plus de mille ; mais les dauphins côtiers préfèrent vivre en famille d’une quinzaine d’animaux, souvent apparentés.
Quelles sont les sites où ces dauphins peuvent être localisés ?
Ils n’ont pas de site fixe proprement dit, mais passe la partie de leur temps à se déplacer le long de la côte camerounaise pour se nourrir des petits poissons qu’on retrouve sur le plateau continental.
Si on a la preuve que le dauphin à bosse de l’Atlantique marine existe, faut-il craindre pour sa survie ?
En effet, la survie du dauphin à bosse de l’Atlantique est une préoccupation majeure. Cette espèce est malheureusement sujette au braconnage, ainsi qu’à des captures accidentelles dans les filets de pêche. De plus, les échos émis par les sonars des navires peuvent les désorienter, les menant parfois à s’échouer sur les plages. Face à ces menaces diverses, il est essentiel de mettre en place des mesures de protection efficaces afin d’assurer la pérennité de cette population fragile.
Quelles sont vos recommandations par rapport à la protection de cette espèce ?
La préservation du dauphin à bosse de l’Atlantique, une espèce vulnérable, est un enjeu majeur de conservation de la biodiversité. Afin de garantir la pérennité de cette population, il est essentiel de mettre en place des mesures de protection efficaces. En premier lieu, il convient de réduire l’impact des activités humaines telles que la pêche et la pollution sur les habitats naturels de ce mammifère marin. Des zones marines protégées devraient être établies dans les zones de concentration de l’espèce. De plus, la sensibilisation du public et la collaboration avec les acteurs locaux sont primordiales pour limiter les interactions néfastes entre les hommes et les dauphins. Enfin, un suivi scientifique régulier de l’état de la population permettra d’ajuster les mesures de gestion au fur et à mesure. Seule une approche concertée et durable permettra de préserver à long terme ce symbole de la biodiversité atlantique.
Comment protéger durablement la ressource naturelle halieutique au Cameroun ?
La gestion durable de la ressource halieutique constitue un enjeu majeur pour préserver l’équilibre des écosystèmes marins et assurer la pérennité des activités de pêche. Face à la surexploitation de certains stocks de poissons et aux impacts environnementaux des pratiques de pêche, il est essentiel de mettre en place des mesures de gestion responsable. Cela passe par le suivi scientifique des populations, la limitation des captures, le développement de techniques de pêche plus sélectives et la création d’aires marines protégées . Une approche collaborative impliquant les pêcheurs, les gestionnaires et les scientifiques est nécessaire pour concilier les enjeux économiques, sociaux et environnementaux. Seule une gestion intégrée et durable de la ressource halieutique permettra de garantir son exploitation dans le respect des écosystèmes marins pour les générations futures.
Entretien réalisé par M.L.M
