Septennat Paul Biya : Première année sur fond de violation de droits et de tensions

En prêtant serment le 6 novembre 2018, Paul Biya inaugurait son septennat des « grandes opportunités » dans un climat de tensions sociopolitiques et de crises sécuritaires. Entre arrestations, libérations et condamnations, on ne sortirait pas de l’auberge pour la suite de son mandat, si rien n’est fait.

Il y a déjà un malaise dans la capitale du Cameroun ce 6 novembre 2018. L’opposant Maurice Kamto est décidé à prendre la parole dans la rue alors que le président de la République, Paul Biya, prête serment devant l’Assemblée nationale pour un septième mandat. Le président réélu a été déclaré vainqueur par le Conseil Constitutionnel à l’issue de l’élection du 7 octobre. Le score de 71,28% ne décourage pas Maurice Kamto qui conteste sa deuxième place et revendique la victoire.

Dans une ville placée sous haute sécurité, ses partisans et lui réussissent à se ressembler au rond-point Nlongkak dans le premier arrondissement de Yaoundé. Le leader du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) fait une brève allocution avant l’intervention de la police et de la gendarmerie qui dispersent le regroupement.

Paul Biya a quant à lui prononcé un discours fleuve au Palais des verres de Ngoa-Ekelle devant la représentation nationale. Il n’empêche que la résistance nationale engagée par le MRC en rajoute une couche aux tensions sociopolitiques et aux crises sécuritaires que traverse déjà le Cameroun au moment où le président inaugure son nouveau bail après 36 ans de magistrature suprême.

L’urgence est de restaurer la sécurité et la paix. Le front contre Boko Haram est encore ouvert dans la région de l’Extrême-Nord. L’Adamaoua et l’Est subissent encore les débordements du conflit centrafricain. La guerre a fini par éclater dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. Quelques semaines après la prestation de serment, la Nation est plongée dans l’émoi après le retrait de Coupe d’Afrique des Nations de football que le pays devait organiser en 2019.

Naturellement, les Camerounais demandent des comptes et attendent des changements qui leur assureront des lendemains meilleurs. Ils sont confortés par les propos du président lors de son adresse le 31 décembre. « Le septennat qui vient de commencer devrait être décisif pour notre pays. Il pourrait même être l’un des moments les plus importants de notre histoire depuis notre indépendance », a dit le chef de l’Etat.

Le très attendu nouveau gouvernement arrive finalement le 4 janvier 2019, et crée le désenchantement tant le président s’est limité à faire un léger réaménagement, se livrant à un jeu de chaises musicales. Le seul changement majeur est l’arrivée du nouveau Premier ministre, Joseph Dion Ngute. Il n’y a que neuf nouvelles figures dans une équipe de 65. Ceux qui ont essuyé le fiasco de l’organisation de la CAN 2019 ont été maintenus. Le président a lui-même minimisé l’affaire en parlant d’un « glissement de date ».

BAS

Les frustrations se déportent alors dans la rue. Le MRC lance le 26 janvier, les marches blanches dans plusieurs villes. Le bras de fer ainsi ouvert conduit à la répression des manifestations et à des vagues d’arrestations. Après compilation des chiffres, plus de 500 personnes ont été interpelées, dont quelques 300 emprisonnées et traduites devant les tribunaux selon le décompte du MRC. Parmi elles, le président du parti, Maurice Kamto et d’autres cadres tels l’avocate Michèle Ndoki et Célestin Djamen, sans compter les hommes politiques alliés comme Paul Eric Kingue et Albert Dzongang ou encore l’artiste-musicien Valsero.

Au sorti de la présidentielle du 7 octobre 2018, la société camerounaise affiche au grand jour son visage le plus hideux, fait d’oppositions rangées, de diabolisations mutuelles et, surtout, de tribalisme, sans possibilités de se parler et s’écouter. La réconciliation parait impossible depuis le saccage des ambassades du Cameroun en Europe, notamment à Paris et Berlin, par la Brigade Anti-Sardinards (Bas), un groupe taxé d’extrémiste constitué de Camerounais de la diaspora hostiles au régime de Yaoundé. Ils ont décidé de pourrir les séjours du président Paul Biya à l’étranger.

Alors qu’on le dit piégé au pays, celui-ci finit par quitter la capitale le 23 juin pour son premier voyage à l’étranger depuis son investiture. Il vient d’établir un record de 9 mois sur place. Mais le séjour à l’hôtel Intercontinental de Genève donne l’occasion au monde d’entier de voir le triste spectacle des Camerounais qui sifflent leur président, mais également affrontent d’autres Camerounais, notamment des membres de la sécurité présidentielle. Finalement le séjour du couple présidentiel est plus court que les précédents dans ce même hôtel où il a ses habitudes depuis des années. Le 5 juillet, Paul et Chantal Biya regagnent Yaoundé où la mobilisation est impressionnante ; comme pour réaffirmer la popularité du Prince et gommer les humiliations de Genève.

Y a-t-il eu un effet Genève ? Difficile à dire. Toujours est-il que le président camerounais ne va finalement pas au Japon en août. Pourtant, il y était annoncé pour participer à la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD). Des sources médiatiques parlent d’annulation de dernière minute. Qu’importe ! Paul Biya a fini par marquer son retour sur la scène diplomatique en participant en octobre à Lyon en France à la Conférence du Fonds mondial de lutte contre le Sida, le paludisme et la tuberculose. Il a rencontré son homologue français, Emmanuel Macron. Une première depuis son investiture le 6 novembre 2018.

 La suite a été la venue au Cameroun de Jean Yves Le Drian, ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères, toujours en octobre. Entre le France et le Cameroun, il a parlé d’une « relation historique et très forte qui va trouver une nouvelle dynamique ». La coopération ainsi dynamisée va porter sur, entre autres domaines : la sécurité, la décentralisation, l’énergie et les infrastructures. Curieuse coïncidence, le président camerounais a, pendant cette visite, instruit la suspension du processus de mise en concession du terminal à conteneurs du port de Douala. Une concession accordée à l’opérateur italo-suisse TIL au détriment du consortium porté par le groupe français Bolloré. L’exécutif camerounais s’est subitement souvenu que Bolloré avait saisi la justice et qu’il fallait laisser celle-ci trancher.

Assongmo Necdem