Yaoundé : la pénurie du pétrole lampant se prolonge
Depuis 2022, ce produit se raréfie dans les stations-services, poussant les ménages à se tourner vers le marché noir où les prix ont doublé. Bareja Youmssi, expert en pétrole et mines recommande au gouvernement de prendre des mesures qui s’imposent.
Selon Emile, pompiste à une station-service au quartier Essomba à Yaoundé dans le 4e arrondissement, le pétrole lampant n’est pas disponible depuis plusieurs jours. « Il n’y en a pas et j’ignore s’il y en aura encore car depuis le début de l’année nous en avons eu que deux fois et en petite quantité », affirme le jeune homme, ce mercredi 10 juillet. Toujours dans le même arrondissement, aux quartiers Emombo, Biteng, Nkomo et Ekounou, les stations-services sont à secs ! le pétrole lampant reste introuvable.
Face à cette pénurie persistante depuis 2022,les ménage se rabattent sur le marché noir. Sabine Lemana, du quartier Nkolndongo achète son litre à 700 F Cfa, soit le double du prix officiel. Elle aussi, « Tata Mamie », tenancière d’une échoppe au quartier Essomba revend le litre du pétrole lampant à 750 F Cfa. « Je paye des intermédiaires pour être prévenue des livraison… Cela renchérit le prix », se dédouane la vendeuse.
Pourtant, une source anonyme à la Société camerounaise des dépôts pétroliers (Scdp) affirme que les stocks de pétrole lampant existent en quantités suffisantes et que de grandes quantités sont mêmes mises à la disposition des marqueteurs pour couvrir la demande nationale.
A en croire le Dr Bareja Youmssi, expert en pétrole et mines, « le marché du pétrole lampant semble être aujourd’hui contrôlé par un cartel qui organise une spéculation délibérée, dans le but de s’enrichir à l’approche des échéances électorales. Cette stratégie permettrait à certains groupes d’accumuler des ressources financières considérables. » Il rappelle que subventionné au Cameroun, il est vendu à 350 F Cfa le litre pour les ménages, contre 560 F Cfa pour les industries. Ce différentiel crée un système de contournement, dans lequel certaines stations-service privilégient des ventes clandestines aux industries.
Cet expert soutient que la crise actuelle du pétrole lampant n’est pas due à un manque de stock, mais à une défaillance dans la chaîne de distribution, aggravée par des pratiques spéculatives, des complicités locales et un trafic transfrontalier. Pour lutter contre ce trafic, relève Dr Bareja Youmssi, il revient au gouvernement de prendre des mesures fermes. A cet effet, il propose d’interdire formellement aux industries de s’approvisionner dans les stations-service destinées aux ménages, de mettre en place un plafonnement temporaire de la quantité de pétrole lampant pouvant être vendue par ménage et par jour, et entre autres d’accélérer la construction ou la remise en service d’une raffinerie locale, afin d’assurer une autonomie nationale en matière de production et de supprimer progressivement la subvention actuelle.
Il est à rappeler que les ressources pétrolières du Cameroun s’amenuisent tel que constaté dans l’historique de la production nationale de pétrole brut de 2000 à 2023, de la Société nationale des hydrocarbures (Snh). Selon cette publication, au cours des quatre dernières années la production nationale de pétrole brut est passée de 26,6 millions de barils en 2020 à 23,9 millions de barils en 2023. « Les puits sont entrain de tarir et les réserves déclarées s’amincissent. Nous en avons encore pour 10 ans de production et la situation s’annonce alarmante si entre temps il n’y a plus de gisement découvert ou un champ mis en production », alerte le Dr Bareja Youmssi.
Mélanie Ambombo
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