Crédits bancaires : les banques plus prudentes pendant les élections

Durant la période électorale, de nombreuses demandes de crédit sont rejetées par les banques qui la considère à risque. Les banquiers disent vouloir protéger ainsi l’activité de crédit qui représente 80% des revenus des établissements bancaires.

Malgré quelques réticences de son banquier, Léonie s’est finalement vue accorder le crédit bancaire qu’elle a sollicité pour les travaux de sa maison. Pour obtenir ce prêt bancaire de près de 10 millions F Cfa, elle a dû fournir plus de documents qu’à l’accoutumé. Un crédit que beaucoup de clients de banques n’ont pas pu obtenir en cette année.

C’est le cas de Jacques dont le dossier de demande de crédit a été rejeté sans aucune explication « convaincante », a-t-il indiqué. Serge par contre, n’a obtenu qu’à peine la moitié du montant sollicité : « J’ai demandé 5 millions F Cfa de crédit scolaire, mais, la banque m’en a donné à peine 3 millions F Cfa ».

Des rejets de dossiers de demande de crédit qui, d’après les banquiers, responsables des Etablissements bancaires et experts en finances sont plutôt normaux en période électorale. « En période électorale, le banquier est prudent. Parce qu’en cette période, comme c’est le cas actuellement, il y a beaucoup de charlatans, de délinquants qui viennent solliciter les crédits en priant Dieu qu’il y ait des troubles après l’élection pour qu’ils gardent cet argent. Il peut demander un crédit de 100 millions F Cfa et donner une garantie de 500 millions F Cfa. Le banquier ayant passé en revue tous ces cas de figure, refuse », explique David Kengne, expert en microfinance.

Une prudence qui s’explique par le fait que : « quand on sait que les revenus de la banque proviennent à 80% de l’activité de crédit, il y a lieu de comprendre que, même en temps normal, le crédit c’est l’activité la plus précieuse chez le banquier. Et on ne peut pas blaguer avec ce qui constitue 80% de notre revenu », tranche-t-il.

Et en période d’élection présidentielle, la stratégie adoptée par les banques en ce qui concerne l’octroi des crédits est simple. « Le banquier professionnel s’abstient d’accorder de nouveaux crédits aux emprunteurs. Ils mettent l’accent sur les renouvellements. Et donc, si le crédit d’un ancien client qui a l’habitude d’emprunter fini même en octobre ou septembre, et qu’il en veut encore, on lui donne le crédit, parce que c’est un bon client. Il fait tourner son activité avec le crédit et priera toujours pour qu’il y ait la paix, contrairement à la plupart des malhonnêtes qui viendront prendre un crédit et iront par la suite susciter des rumeurs de troubles pour garder l’argent », explique un banquier sous le couvert de l’anonymat.

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Demandes de crédit rejetées

Lorsque le dossier de demande de crédit est rejeté, la véritable raison du rejet n’est pas dévoilée au demandeur. Diverses raisons sont avancées, entre autres, des tensions de trésorerie, ou encore la nature à risque de l’activité pour laquelle le crédit est sollicité. Et, au besoin, le banquier demande au client de revenir en décembre ou janvier, le temps que le flou qui entoure la présidentielle se dissipe, apprend-on de plusieurs responsables de banque. « Si on dit au client qu’on, refuse à cause de la présidentielle, il peut porter plainte à la banque, parce que l’élection présidentielle, une guerre ou une crise ne constitue pas un motif officiel de rejet d’un dossier de demande de crédit », tient à préciser David Kengne.

Conséquence, avec la réduction des crédits, l’activité bancaire est en forte baisse en temps des élections présidentielles. « En année électorale, l’activité est globalement en baisse. Les banques se focalisent aussi en cette période sur les recouvrements de créances », renseigne Michael Ngoune, responsable des engagements dans un établissement de Microfinance (Emf).

Certaines banques, confie David Kengne, ont d’ailleurs fait leurs plus gros bénéfices en 2020 pendant la Covid-19 après avoir recouvré d’importantes sommes d’argent et reçu beaucoup de dépôts d’opérateurs économiques qui veulent ainsi sécuriser leur argent. « Le niveau de dépôt va augmenter d’ici fin octobre. De manière expérimentale, chaque fois qu’il y a une situation de crise, on n’accorde presque pas de crédit, mais, les dépôts augmentent comme c’était le cas en 2020 avec la Covid-19 parce que les gens veulent sécuriser leur argent », confie David Kengne.

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Portefeuille à risques

A en croire Roland Forwang, directeur de crédits dans un établissement bancaire, le portefeuille à risque est généralement un peu plus élevé en cette période par rapport à la normale. « Le taux de remboursement des crédits octroyés est en moyenne de 70% en temps normal, lequel taux baisse à 50%, en période de crise comme c’est le cas en période électorale », renchérit Michael Ngoune, responsable des engagements dans un Emf.

D’après les experts en finances et crédits, les risques de non remboursement peuvent être dus à plusieurs raisons. Les clients prennent parfois le prétexte de la crise en cours pour justifier le non-respect de leurs engagements. « Et les années comme celle-ci sont généralement un peu plus difficiles, parce que l’activité est en baisse, ce qui peut créer des non-remboursements des crédits déjà en cours. Et il y a toujours des clients de mauvaise foi qui prennent le prétexte de l’élection pour ne pas rembourser le crédit », insiste David Kengne.

Il note par ailleurs qu’un bon opérateur économique n’attend pas les mois d’août, septembre ou octobre pour demander le crédit. « Il fait ses prévisions depuis janvier et au plus tard en juin, il fait sa demande de crédit qui va le couvrir ainsi que ses activités jusqu’en décembre. Si son activité marche bien, entre avril, mai et juin, le banquier lui donne le crédit », note l’expert. Et donc, si l’entrepreneur demande le crédit vers la deuxième moitié de l’année, c’est qu’il n’est pas un bon investisseur, il n’est pas un visionnaire et le banquier prend cela en compte dans son analyse.

Blaise Djouokep

Cet article a été produit dans le cadre du projet Partenariat pour l’intégrité de l’information.

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