Exploitation forestière :  11 des 13% du volume total de grumes exportées vers le Vietnam est frauduleux
Source - EIA-CED, 2020_DataViz by ADISi-Cameroun

Les 19 sociétés vietnamiennes de commerce de bois qui opèrent actuellement au Cameroun ont exportés selon les estimations d’EIA, 132 000 mètres cubes de grumes, au minimum, en violation de l’interdiction partielle d’exportation de grumes entre janvier 2016 et juillet 2020.

Une société vietnamienne typique de premier rang établie au Cameroun exporte généralement un minimum de 2 500 grumes par mois, soit un total de 30 000 à 40 000 mètres cubes de grumes commercialisées en moyenne par an. Révèlent le Centre pour l’Environnement et le Développement (CED) et l’Environmental Investigation Agency (EIA) dans une enquête intitulée « Bois volé, temples souillés » publiée le 10 novembre 2020. En quelques années, le Vietnam est devenu le deuxième plus grand marché pour le bois camerounais, après la Chine, tandis que le Cameroun est devenu le premier fournisseur de grumes tropicales du Vietnam, soit une valeur de 25% des grumes importées de 2016 à 2019. Très répandues au Vietnam, ces grumes de l’essence tali sont devenues le matériau principal pour la construction et la rénovation de temples à travers le pays. Seulement, les investissements de ce pays d’Asie du Sud-Est n’ont aucun impact positif sur l’économie camerounaise.

Dans cette enquête inédite, ces deux organisations mettent en exergue « l’essor du commerce illégal du bois entre le Cameroun et le Vietnam d’un groupe de sociétés vietnamiennes opérant au Cameroun ». Un réseau illicite, entretenu par certains proches du Président de la République. « Je peux vous présenter des personnes de haut niveau qui sont très proches du frère du Président. La dame m’aide à charger les conteneurs et son mari est un membre de la famille du plus jeune frère du président. Ce sont des personnes très haut placées. Ils sont chers. […] Vous ne perdrez même pas un dollar. Ce sont des personnes très importantes. Nous travaillons ensemble depuis 10 ans, c’est une longue relation », a confié le responsable d’une de ces structures aux enquêteurs infiltrés de l’EIA.

Cette investigation qui a duré 3 ans, indique que 19 sociétés vietnamiennes de commerce du bois exercent au Cameroun. Installées aux alentours du Port autonome de Douala pour des raisons logistiques, la plupart d’entre elles font profil bas et opèrent derrière de hautes clôtures et des portes fermées, sans indication évidente de leurs noms ou activités, d’après ces enquêteurs.

Flux illégal

Selon les estimations d’EIA, 132 000 mètres cubes de grumes, au minimum, ont été exportés du Cameroun vers le Vietnam en violation de l’interdiction partielle d’exportation de grumes entre janvier 2016 et juillet 2020. Pourtant, le Cameroun a adopté une interdiction partielle d’exportation de grumes qui proscrit strictement l’exportation de certaines essences de bois sous forme de grumes.  « Ce ne sont pas elles qui violent directement la loi, mais elles « chargent » des sociétés camerounaises de le faire, et ces sociétés camerounaises ont bien sûr la « relation » requise pour cela. Ce sont également ces sociétés qui vont s’occuper des procédures d’exportation », a avoué un promoteur vietnamien.

Il s’agit notamment énumère cette étude, de 84000 mètres cubes de doussie (40,2 millions de dollars), 16 900 mètres cubes de mukulungu d’une valeur de 5,7 millions de dollars US, 15000 mètres cubes de sapelli d’une valeur de 6,6millions de dollars US, 6 000 mètres cubes de padouk d’une valeur de 2,1 millions de dollars et 3 900 mètres cubes de movingui d’une valeur de 900 000 dollars US. Ce flux illégal représente un total de 58 millions de dollars US, soit 11% du volume total de grumes exportées vers le Vietnam (13% de la valeur totale). Ces volumes et valeurs de grumes non autorisées à l’exportation depuis le Cameroun ont été enregistrés par la douane vietnamienne comme des importations du Cameroun. Ils représentent probablement, constate cette enquête, une infime partie du niveau réel de la contrebande de grumes qui sortent du Cameroun.

Marie Louise MAMGUE

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