Filière café : le prix du kilogramme du café chute de 500 à 55F à l’Est
Source : FODECC et ONCC/DataViz by ADISI-Cameroun

Une situation provoquée par la libéralisation de la filière et la fermeture des ZAPI-Est qui encadraient les caféiculteurs et achetaient leurs produits à juste prix. Comme conséquences, des milliers de plantations sont abandonnées et la production régionale en chute.

 Quelques sacs de café robusta non décortiqué et des cuvettes décortiquées. Telle est la moisson des caféiculteurs de l’Est lors du mini comice agropastoral à Bertoua en décembre 2020. Dans le stand de cette filière, une dizaine de producteurs pour la plupart, des personnes de troisième âge en provenance de Yokadouma, Bonis, Bétaré-Oya et Boubara. Ceux de Yola, localité de Ndélélé dans le département de la Kadey, l’un des plus grands bassins de production sont absents.

                              Source : FODECC et ONCC/DataViz by ADISI-Cameroun

Production en chute

« Si le café de Yola n’est pas présent, c’est parce que la production a chuté à cause du prix. L’année dernière on a vendu la cuvette du café entre 2000 et 3000F Cfa alors qu’il y a de cela 10 ans on la vendait entre 6000 et 7000 F Cfa. Or, le café est le premier produit de rente à Yola. Sur une population d’environ 1000 habitants, au moins 700 sont les producteurs. Ils ont abandonné leurs champs », regret Bertrand Mermoz Damgba, caféiculteur de cette localité.

A Bétaré-Oya dans le Lom-et-Djerem, un autre basin de production, plus de 100 plantations ont été abandonnées, à en croire Hamoua Maiyina, un septuagénaire du village Bouli. Une situation qui se vit également dans l’arrondissement de Bertoua 1ère. « Mon mari est mort depuis 10 ans et m’a laissé avec un hectare. Je récolte par an, environ 15 sacs de 100 kg chacun que je vends à moins de 200.000F parce que les acheteurs nous trompent », décrie, Brigide Gbakoe, une productrice de 78 ans.

Un déclin de ce secteur, que déplore Jean Pierre Mossompusso, président de l’union de GIC MBOWORO qui regroupe 09 GIC à Yokadouma dans le département de la Boumba-et-Ngoko. « Au niveau de la commercialisation, les acheteurs nous disent que le café n’a pas de prix. C’est ainsi qu’ils paient les cuvettes entre 2000 et 2500F Cfa. Plus grave, l’année passée on a vendu un kilogramme de café non décortiqué à 55F au lieu de 500F comme les années précédentes. Les acheteurs imposent leur prix. Entre les années 2000 et 2010, les cultivateurs de ma zone avaient 5 et 6 hectares. Aujourd’hui ils se débrouillent avec un ou deux hectares et sont même prêts à abandonner la culture à cause du prix d’achat », déplore-t-il.

Le retrait de l’État              

Cette situation est la conséquence de plusieurs faits, dont, la libéralisation de la filière par l’Etat. Dans une publication intitulée « Profil sur le café camerounais », Michael Ndoping, Directeur Général de l’Office National du Cacao et du Café, (ONCC) explique en effet, que : « dès l’indépendance en 1960, le café a joué un rôle prépondérant pour le développement. Sur le plan économique, le café était l’une des sources principales des devises étrangères. Sur le plan social, le café était, pour certaines régions, la source presque exclusive des revenus monétaires des populations rurales. L’État en assurait l’encadrement à travers la distribution des intrants, le soutien au prix et diverses formes de mobilisation. Malheureusement, la baisse des coûts du café et le retrait de l’État pendant ces trois dernières décennies ont sevré les producteurs de toutes ces facilités qui soutenaient l’attractivité du secteur. Cette situation a progressivement fait perdre le grand intérêt que suscitait la production de cette culture ».

La fermeture des zones d’actions prioritaires et intégrés (ZAPI-Est) il y a environ 30 ans, a également contribué à enfoncer la culture régionale du café dans l’abîme.  Selon les caféiculteurs, « cette structure encadrait, achetait et reversait des ristournes chaque année à la veille de la rentrée scolaire aux producteurs. Aujourd’hui, c’est le contraire ».

En outre, soulignent-t-ils, l’absence d’encadrement technique, le manque des pistes agricoles, le vieillissement des producteurs et des plantations, l’indisponibilité des plants, l’utilisation de variétés anciennes aux rendements insignifiants, la cherté des engrais, mais surtout une désaffection des producteurs, du fait des prix très peu rémunérateurs, lesquels sont en déphasage avec le volume de travail requis pour la production du café, ont réduit la production à presque 0%.

Reforme

A la délégation régionale du MINADER, il n’existe aucun programme dédié à la filière café. « La situation est critique. Sur les quatre départements, on ne compte que quelques producteurs dans le Haut-Nyong avec une production insignifiante », regret Mboble Dob, président de la plateforme régionale des organisations professionnelles agro-sylvo-pastorales et halieutiques du Cameroun (PLANOPAC). Pourtant, face à la crise économique qui s’est traduite par la chute drastique des prix des matières premières et l’incapacité de l’Etat à soutenir les prix aux planteurs, une réforme des filières cacao-café avait été entreprise.

Il s’agit de la dissolution de l’ONCPB en 1991, la création de l’Office National du Cacao et du Café (ONCC), la mise en place du Conseil Interprofessionnel du Cacao et du Café (CICC), la libéralisation de la commercialisation et l’assouplissement des conditions d’accès à la profession d’exportation. Mais les effets attendus de ces mesures n’ont pas été atteints. « Parti en début du plan de relance de 50 000 tonnes de café pour les objectifs de production de 160 000 tonnes, le compte est loin d’être bon », note Auguste Essomba Ndongo, président du comité de gestion de FODECC dans les colonnes de Cameroon Business Today, No 190 du mercredi 13 janvier 2021. Ceci en guise de bilan des différents projets de relance sur le plan national.

Sébastian Chi Elvido à Bertoua

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