Fistules obstétricales : au moins 265 femmes réparées à Garoua

Fistules obstétricales : au moins 265 femmes réparées à Garoua

Souvent rejetées par leurs familles, répudiées par leurs époux et stigmatisées par la société, celles-ci ont été opérées entre 2006 et 2022 et ont repris une vie normale. Toutefois, il existe Fistules obstétricales encore de nombreuses femmes qui souffrent de cette maladie dans la région du Nord.

La cinquantaine sonnée, Ina a vécu huit ans avec la fistule obstétricale. Une maladie qui a d’ailleurs mis un terme à son mariage. « Mon mari m’a répudié à cause de la fistule, c’était difficile pour moi », témoigne-t-elle. Depuis son opération en 2021 à Garoua, Ina se sent revivre. « J’ai enfin été délivrée de cette maladie de la honte après trois opérations », soupire-t-elle. Joséphine quant à elle n’a pas été rejetée par Fistules obstétricales son conjoint durant cette épreuve difficile : « Je sentais constamment les urines, j’avais tellement honte, j’étais seule, les autres m’ont rejeté, seul mon défunt mari m’a soutenu dans cette épreuve. J’ai été opérée et j’ai retrouvé ma santé », se réjouit-elle. D’après ces femmes malades, au nom de la maternité, les fistules s’imposent dans leur vie et elles croulent sous le poids de la souffrance. La plupart, apprend-on de certaines d’entre elles, sont rejetées par leurs familles, répudiées par leurs époux et stigmatisées par la société.

Fistules obstétricales répudiées par leurs époux et stigmatisées par la société

D’après le Dr François Dadao, gynécologue obstétricien en service au Centre hospitalier régional (CHR) de Garoua, la fistule obstétricale est une maladie qui survient très souvent lorsque la femme est en travail. Elle se caractérise par l’apparition, après l’accouchement, d’un petit trou qui va se situer entre la vessie et le vagin Fistules obstétricales. Selon la position de la fistule, la maladie se décline en plusieurs types. Notamment, la fistule vésico-vaginale située entre la vessie et le vagin ; et la fistule recto-vaginale placée entre le rectum et le vagin.

« Après l’accouchement, la femme n’arrive plus à contenir les urines, parfois les selles. Elle va par conséquent sentir l’odeur des urines. C’est la raison pour laquelle on demande aux femmes enceintes de venir accoucher dans les formations sanitaires où une personne qualifiée pourrait diagnostiquer plus précocement le travail stationnaire ou le travail obstructif et bénéficier d’une césarienne avant que la fistule ne s’installe », poursuit l’expert en réparation des fistules obstétricales.

 

Réparation

Dans les villages et les zones reculées de la région du Nord, des femmes âgées de plus de 65 ans souffrent de fistules obstétricales depuis 50 ans environ. « Il y a beaucoup de femmes qui ont cette maladie et la cache parce qu’elles ont honte. Dans le Grand-Nord, les filles partent très tôt en mariage, elles ne sont pas matures, il y en a même celles qui vont voir leurs premières menstrues chez leur mari. Entre 12 ans et 14 ans, une fille a déjà son enfant, les organes génitaux ne sont pas encore bien développés », s’indigne Issa Hapsatou, directrice du Centre de promotion de la femme et de la famille de Garoua.

Face à cette situation préoccupante, le gouvernement camerounais et ses partenaires à l’instar du Fonds des nations unies pour la population (Unfpa), a mis en œuvre une stratégie nationale de lutte contre la fistule obstétricale. Depuis 2005, plusieurs campagnes de réparation ont été organisées. D’après les statistiques obtenues auprès de la délégation régionale de la Santé publique du Nord, 61 femmes malades de fistules obstétricales ont été réparées à Garoua entre 2020 et 2022 Fistules obstétricales. Donc, 39 femmes réparées en 2020, 12 femmes en 2021 et 10 femmes au 30 juin 2022. « En 2021, la difficulté était liée au déblocage des fonds, c’est arrivé au mois de mai et l’année budgétaire a été clôturée le 15 novembre. Pour 2022, les fonds ont été reçus en fin avril et déjà 10 femmes ont été réparées, 10 autres sont en attente de réparation dans le centre de réparation des fistules de Garoua », explique Issa Houreï, point focal santé de reproduction à la délégation régionale de la Santé publique du Nord.

Fistules obstétricales il existe encore de nombreuses femmes qui souffrent de cette maladie dans la région du Nord

Selon les chiffres issus des travaux de Iya Acham Alim, journaliste à la CRTV-Nord, entre 2006 et 2012, 176 malades ont été opérés pour 109 réparations, soit 61,93% de taux de guérison. Et d’après le Dr. François Dadao, sur les 115 cas reçus lors de la campagne de 2013, 95 ont été réparés, pour une valeur relative de 82,61%. Ainsi, depuis 2006, au moins 362 malades de fistules ont été identifiés, 352 ont été opérés pour 265 réparations, soit 75,28% de malades réparés durant les 16 dernières années à Garoua. Il convient de préciser que ces chiffres sont calculés sur la base des campagnes de 2006 et 2012 où les campagnes couvraient le Nord, l’Extrême-Nord et l’Est ; de 2013, 2020, 2021 et pour le premier semestre 2022 pour le centre de réparation de Garoua.

 

Surveillance post opératoire

Le témoignage de la directrice du Centre de promotion de la femme et de la famille de Garoua est fort évocateur. « Je connais une femme qui a été réparée trois fois sans succès. Et c’est elle la cause. Étant dans un foyer polygame, elle n’a pas respecté les prescriptions du médecin. Elle a dit que si elle reste sans rien faire, elle risque de perdre ses avantages au détriment de sa coépouse Fistules obstétricales. Actuellement elle est là avec la fistule », a témoigné Issa Hapsatou. Et pourtant, selon l’expert, la clé de la réparation de la fistule est la surveillance post opératoire qui est d’abord précoce pendant deux semaines, et après vient la surveillance post opératoire tardive.

« Nous leur recommandons la surveillance, pas de rapport sexuel pendant 6 mois, revenir voir le spécialiste après chaque trois mois. La femme qui a été réparée de fistule doit exclusivement accoucher par césarienne », prescrit le Dr. François Dadao. Les séquelles de la fistule ne sont pas qu’anatomique, elles ont des Fistules obstétricales conséquences socioéconomiques. D’où l’organisation des campagnes gratuites de réparations des fistules obstétricales. Car, hors campagne, la réparation coûte autour d’un million F Cfa. Les femmes ont donc intérêt à se rapprocher des centres de santé et déclarer leurs situations afin de recevoir des orientations.

Jérôme Baïmélé à Garoua.

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