« Les zones les plus reculées pourraient également être difficiles à couvrir pour un début ».
Dr. Clarisse Alma, Médecin épidémiologiste

Dr. Clarisse Alma Médecin épidémiologiste à la Direction de la lutte contre la maladie, les épidémies et les pandémies au Ministère de la Sante publique, édifie sur la mise en œuvre effective de la Couverture santé universelle au Cameroun.

Qu’entend-on par couverture santé universelle, et qu’est-ce que cela implique dans le monde et au Cameroun en particulier ?

La Couverture santé universelle (CSU) correspond à la mise en œuvre de paquets de services et d’activités afin que tous les individus aient accès aux services de santé, sans limite financière. La mise en place de la CSU est fortement recommandée par l’OMS à tous les pays et permet d’éliminer les inégalités d’accès aux soins.

Est-ce applicable dans tous les hôpitaux ou seulement dans le public ? 

La CSU est mise en place selon des critères définis par chaque pays. Elle peut s’appliquer dans les hôpitaux publics autant que les privés. Sa mise en place peut également être progressive et commencer par un paquet minimum d’activités qui pourra être élargi par la suite. Tout dépendra de ce qui sera adopté par le Cameroun et la Sucam, qui est le partenaire de mise en œuvre.

Quels sont les critères pour qu’un hôpital soit compté parmi les sélectionnés ?

Comme dit précédemment, ces critères dépendront de ce qui sera adopté comme paquet d’activités de la CSU. La CSU nécessite également un certain plateau technique en fonction des prestations qui devront être offertes dans les hôpitaux. Sur cette base et plusieurs autres paramètres certainement, les Formations sanitaires seront sélectionnées pour la mise en œuvre de la CSU.

Comment pourrait-on l’implémenter dans un contexte comme le nôtre ?

Il faut savoir que la mise en place de la CSU n’est pas universelle et diffère selon les pays. Qu’il s’agisse de pays à fort revenus, industrialisés, de pays à faibles revenus ou du tiers-monde, chacun a son expérience en matière de CSU. On y retrouve ainsi des actions à recommander et d’autres à éviter. C’est fort de l’expérience des pays qui ont mis en place la CSU que l’OMS recommande six grandes orientations aux pays : 1. Abandonner les dépenses directes au profit des sources de financement obligatoires et du prépaiement ; 2. Rompre ou assouplir le lien entre droits et cotisations ; 3. Elargir les volants budgétaires pour accroitre les dépenses publiques consacrées à la santé ; 4. Mettre davantage en commun les risques pour permettre le subventionnement croisé ; 5. Améliorer l’efficience et l’équité afin que la population soit en meilleure santé, avec les ressources disponibles ; 6. Faire en sorte que les achats correspondent aux bénéfices attendus pour concrétiser les promesses.

En fonctions de ces grandes orientations, du contexte local, des sources de financement de la santé identifiées, du plateau technique et de l’épidémiologie des problèmes prioritaires de santé publique, le paquet de la CSU sera défini pour le Cameroun.

Quelle pourrait-être l’incidence de la couverture santé universelle sur les centres de santés clandestins ?  

La CSU offre la possibilité d’une prise en charge gratuite avant le remboursement des prestations dans les formations sanitaires. Ceci suppose que toutes les formations sanitaires qui vont la mettre en œuvre devront être enregistrées au préalable. Les formations sanitaires clandestines pourraient ainsi voir leur fréquentation baisser. D’autres parts, il ne faut pas oublier que la mise en place de la CSU sera progressive. Les populations devront se faire enregistrer et payer des cotisations pour en bénéficier, les zones les plus reculées pourraient également être difficiles à couvrir pour un début. La sensibilisation des populations devra être bien mise en œuvre afin d’éviter des dérives qui profiteraient aux formations sanitaires clandestines.

Aura-t-elle une durée de vie définie ?

La CSU n’est pas mise en place pour une durée prédéfinie. Elle est poursuivie selon la décision du gouvernement et peux même être arrêtée si elle n’est pas viable. S’il s’avère qu’il existe un autre mode de financement de la santé plus avantageux, la CSU peut également être suspendue à son profit.

L’aspect assainissement sera-t-il compté parmi les orientations du Cameroun ?

Les orientations du Cameroun en matière de CSU ne sont pas encore connues. Les communications ultérieures du gouvernement nous permettront de les connaître. Toutefois, nous pensons qu’une mise à niveau des plateaux techniques, du personnel, de la formation et même de l’hygiène hospitalière seront mises en œuvre durant la phase de contractualisation des formations sanitaires retenues.

D’autres modèles de financement déjà en place dans le pays comme le PBF (financement basé sur la performance) promeuvent déjà l’hygiène hospitalière car elle fait partie des éléments pris en compte pour l’évaluation de l’administration des primes.

Qu’est ce qui peut expliquer le retard pris par les autorités avant cette signature du contrat, alors qu’on en parle depuis plusieurs années ?

La mise en place de la CSU nécessite des préalables sans lesquels elle peut aboutir à un échec. Avant de la mettre en place, il était donc nécessaire d’évaluer l’état des lieux du système de santé national afin de préparer la CSU. Le partenaire de mise en œuvre devait également être choisi pour un appui technique et financier du gouvernement. Je pense que ces raisons pourraient parmi d’autres, expliquer le temps écoulé avant la signature de cet accord de partenariat. Beaucoup reste également à faire pour le début effectif de la CSU, pour un meilleur accès aux soins des populations.

Propos recueillis par Michèle EBONGUE

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